Différences entre les pages « Agroforesterie » et « Araire »

De Les Mots de l'agronomie
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|Anglais=agroforestry
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|Anglais=scratch plow, ard plow
 
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|Italien=policultura verticale
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|Espagnol=arado de palo
|Espagnol=agrosilvicultura
 
|Portugais=agrosilvicultura ''(Portugal),'' sistema agroflorestal ''(Brésil)''
 
 
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|Article 1=Agroécologie
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|Article 1=Charrue, historique et fonction
|Article 2=Bocage
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|Article 2=Labour
|Article 3=Compétition
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|Article 3=Travail du sol
|Article 4=Couvert végétal
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|Article 5=Cultures associées, intercalées,...
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|Date d'acceptation=1 juillet 2010
|Article 6=Évaporation, transpiration végétale, évapotranspiration : les mots
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|Mise en ligne=9 septembre 2010
|Article 7=Oasis
 
|Article 8=Protection intégrée
 
|Date d'acceptation=19 octobre 2010
 
|Mise en ligne=5 novembre 2010
 
 
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__NOTOC__
==Définitions==
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==Définition==
D’après Nair (1993), c’est en 1977 que le mot ''agroforestry'' aurait fait son entrée dans la littérature scientifique. C’est alors un néologisme. Un groupe de forestiers tropicaux sollicités par le [[A pour institution citée::Centre de recherche pour le développement international|Centre de Recherche pour le Développement International]] (CRDI, Canada) écrit dans un rapport qui fera date (Bene ''et al'', 1977) que, pour sauver les forêts tropicales, il faut prendre en compte les pratiques des populations vivant à proximité et donner la priorité aux systèmes de production intégrant la foresterie, l’agriculture et l’élevage. Le terme « agroforesterie » est proposé pour illustrer cet enjeu. La définition qui en est donnée est la suivante : '''« Un système de gestion durable du sol qui augmente la production totale, associe des cultures agricoles, des arbres, des plantes forestières et / ou des animaux simultanément ou en séquence, et met en œuvre des pratiques de gestion qui sont compatibles avec la culture des populations locales »'''. Tout est dit. Les définitions qui suivront seront des variantes ou des simplifications de cet énoncé limpide et visionnaire. On y détecte – avant l’heure – la notion de durabilité. Le [[sol]] est l’objet de la première des attentions. La production est l’objectif de la démarche, mais elle doit être totale (comprendre : diversifiée) et le fait de [[pratiques locales]] (comprendre : pas le fait de décisions technocratiques). Le système associe (chaque mot est important !) cultures, arbres et animaux – dans cet ordre (noter la première place donnée aux cultures).
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'''Instrument attelé de [[travail du sol]] dont la partie travaillante est un simple soc, pointu plutôt que tranchant. L'araire travaille en fendant et en soulevant la terre, qui est rejetée plus ou moins émiettée de part et d'autre du soc. La structure de l'instrument est symétrique par rapport à  la ligne de travail.'''
  
Un centre international de recherche en agroforesterie est créé à la fin des années 70 (ICRAF : ''International Centre for Research in Agroforestry'', aujourd’hui le ''[[A pour institution citée::Centre international pour la recherche en agroforesterie|World Agroforestry Centre]]'', Nairobi, Kenya). Son mandat initial est la diffusion des concepts de l’agroforesterie et la mise en œuvre de recherches en partenariat avec les pays en développement. Par souci de pragmatisme, il publie la définition suivante: « Le terme agroforesterie est une '''appellation générique pour les techniques et systèmes d’utilisation de la terre dans lesquels des ligneux pérennes sont utilisés de manière délibérée sur la même unité de gestion de la terre que des cultures agricoles ou de l’élevage, en disposition spatiale ou séquence temporelle ; il y a des interactions aussi bien écologiques qu’économiques entre les différentes composantes »''' (Lundgren & Raintree, 1982). Par rapport à la définition d’origine, on constate dans cette définition très technique l’arrivée du terme « ligneux pérennes » plutôt que « arbres », afin de permettre la prise en compte des arbustes, arbrisseaux, lianes, bambous et autres végétaux ligneux. Cette définition insiste par ailleurs sur le fait que des interactions sont nécessaires pour pouvoir parler d’agroforesterie. On comprend qu’il s’agit de faire le lien avec l’expression « de manière délibérée » utilisée plus haut dans la définition et exclure ainsi les cas où des arbres se retrouveraient par hasard dans une situation de proximité avec des cultures.
 
  
Le ''World Agroforestry Centre'' reformule la définition de l’agroforesterie au début du XXI<sup>e</sup> siècle et propose une version où apparaissent des critères environnementaux et de développement durable : '''« L’agroforesterie est un système dynamique de gestion des ressources naturelles reposant sur des fondements écologiques qui intègre des arbres dans les exploitations agricoles et le paysage rural et permet ainsi de diversifier et maintenir la production afin d’améliorer les conditions sociales, économiques et environnementales de l’ensemble des utilisateurs de la terre »'''. Le [[paysage]] rural est ici pris en compte, précision qui a son importance en raison des nombreuses interactions écologiques entre arbres et cultures qui se manifestent au-delà de l’échelle de la [[Champ, pièce, parcelle|parcelle]], par exemple l’effet [[brise-vent]] ou le fait d’abriter des [[auxiliaire]]s. On le voit, l’agroforesterie, approche holistique de la gestion de l’espace rural, peut être appréhendée de différentes manières. Si l’on s’en tient à la parenté de l’agroforesterie avec l’agriculture, la définition la plus concise qui ait été proposée est la suivante : '''« L’agroforesterie est la mise en valeur du sol avec une association (simultanée ou séquentielle) de ligneux et de cultures ou d’animaux afin d’obtenir des produits ou des services utiles à l’homme »''' (Torquebiau, 2007). On peut peut-être faire plus court : '''« L’utilisation d’arbres en synergie avec des pratiques d’agriculture ou d’élevage »'''.
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==Historique du mot==
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Le mot '''araire''' est d’origine provençale (''araïre'', du lat. ''aratrum''). Il est entré dans le vocabulaire des [[agronome]]s de langue française au début du XIX<sup>e</sup> siècle, pour désigner des [[charrue, historique et fonction|charrues]] sans avant-train. Celui-ci était en effet considéré à cette époque par beaucoup d’auteurs (parmi lesquels [[A pour personne citée::Christophe-Joseph-Alexandre Mathieu de Dombasle|Mathieu de Dombasle]]) comme un dispositif archaïque, encombrant et coûteux, qu’il convenait de remplacer par des régulateurs sur le modèle de certaines charrues flamandes et anglaises. ''Araire'' conservera ce sens de « charrue sans avant-train » jusqu’au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. En 1955, dans ''L’Homme et la charrue à travers le monde'', [[A pour personne citée::André-Georges Haudricourt|Haudricourt]] et Jean-Brunhes Delamarre montrent que la distinction la plus significative qu’il convient de faire entre les différents modèles de charrues n’est pas la présence ou l’absence d’avant-train, mais la structure symétrique ou dissymétrique de l’instrument. Ils proposent d’appeler ''araires'' les instruments symétriques (où l’axe du sep est parallèle à la ligne de tirage) et ''charrues'' les dissymétriques (où l’axe du soc fait un angle bien marqué avec la ligne du tirage). Cette proposition, reprenant l’usage de la plupart des dialectes paysans, est entrée aujourd’hui dans l’usage courant. La dissymétrie de la charrue tient au fait qu’elle est conçue pour découper une tranche de terre qui doit être repoussée sur le côté. L’araire est symétrique parce qu’il travaille plutôt à la manière d’un instrument de [[pseudo-labour]] : il n’a ni coutre ni versoir (ou alors deux versoirs symétriques, ce qui le rapproche des [[buttoir|buttoirs]]), et son soc est plutôt pointu que tranchant. Il ne faut pas toutefois faire de cette opposition une règle trop absolue. Il a existé ici ou là un certain nombre de formes intermédiaires.
  
==L’agroforesterie en pratique==
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==Historique de l’instrument==
Faire de l’agroforesterie, c’est donc mettre des arbres dans les [[Champ, pièce, parcelle|champ]]s. L’idée peut surprendre et fera bondir plus d’un agriculteur, mais c’est bien de cela qu’il s’agit. Par exemple aligner des [[noyer]]s dans un champ de [[céréale]]s ; cultiver des [[Légume, légumineuse | légumes]] ou du [[café]] sous un [[couvert végétal | couvert]] arboré ; entretenir des [[haie]]s arbustives régulièrement espacées dans un champ ; transformer un [[jardin]] potager en jardin-forêt ; entourer les champs de haies pour former un [[bocage]] ; faire pâturer des animaux dans un pré-bois. L’étymologie du mot (agriculture et forêt) ne rend que partiellement compte de la réalité de l’agroforesterie : la « culture mêlée de forêt » n’est qu’un cas parmi d’autres, et pas le plus fréquent.
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L’araire apparaît en Mésopotamie dans la seconde moitié du IV<sup>e</sup> millénaire av. J.-C. On a longtemps cru que c’était là son origine, et cette hypothèse reste très vraisemblable. Mais sa présence est maintenant bien attestée en Europe au tout début du III<sup>e</sup> millénaire. La possibilité de plusieurs foyers d’invention ne peut donc pas être exclue.
  
L’agroforesterie est une pratique très ancienne qui a plus ou moins résisté au temps selon les régions du monde. De nos jours, ce type d’agriculture fait encore vivre un milliard d’habitants des zones tropicales. Et, dans toutes les zones semi-arides de la planète, du Sahel à l’Asie centrale, les animaux des pasteurs nomades pâturent en terrain boisé ou consomment du brout, la partie tendre des arbres et arbustes.
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Il est probable que la fonction première de l’araire a été, non pas de préparer le champ au sens où nous l’entendons aujourd’hui, mais de creuser des [[raie]]s destinées à recevoir les [[semence]]s que quelqu’un, marchant à côté de l’araire, y laissait tomber au fur et à mesure. Très tôt en tous cas, on trouve des figurations où l’araire est muni d’une sorte d’entonnoir à peu près vertical débouchant juste derrière le soc et destiné à recevoir les semences. Ces araires-semoirs se sont maintenus jusqu’à notre époque dans quelques régions du Proche-Orient (Syrie, Yémen…) et surtout en Inde. En Chine, l’araire-semoir a été assez tôt remplacé par de véritables [[semoir]]s attelés à deux ou trois rangs. En Occident par contre, l’araire-semoir ne semble pas avoir été connu, ce qui s’explique sans doute par la généralisation précoce du [[semis à la volée]] – technique rarement pratiquée et souvent même inconnue dans les autres régions du monde.
  
L’agroforesterie est en effet omniprésente dans les pays tropicaux. Le [[système de culture]] le plus répandu en Afrique consiste à entretenir des arbres dispersés dans les parcelles et [[culture, cultiver | cultiver]] entre les arbres [[File: MotsAgro_Agroforesterie_1.jpg|400px|thumb|left|<center>Photo 1 : karités dans un champ de cotonniers. Diapaga, Burkina Faso. Photo © E. Torquebiau</center>]]. On appelle parfois ceci un parc agroforestier, ou de l’agriculture multi-étagée (Dupriez & de Leener, 1993). Les arbres qui s’y trouvent ont des usages multiples : bois, nourriture, médicaments, fibres, [[fourrage]], résine, latex, tannin, etc. On en utilise les feuilles, le tronc, les [[fruit]]s, mais aussi les [[racine]]s, les branches, les fleurs. Dans ces champs, les arbres protègent le sol de l’[[érosion]], en améliorent la [[fertilité]], procurent de l’ombre aux plantes qui ne supportent pas le plein soleil ainsi qu’aux hommes et animaux domestiques, diminuent les effets néfastes du vent, retiennent l’humidité. Ils sont aussi un symbole de statut social et permettent de visualiser les limites des champs ou de marquer la propriété d’un terrain. L’agroforesterie tropicale, ce sont aussi les jardins-forêts, agroforêts et forêts plus ou moins domestiquées que l’on trouve dans de nombreux pays. Le café ou le gingembre, lorsqu’on les cultive sous des arbres d’ombrage, le poivre, la vanille [[File: MotsAgro_Agroforesterie_2.jpg|300px|thumb|right|<center>Photo 2 : Culture de vanille sur arbres supports (''Glirricidia'') et sous cocotiers, La Digue, Seychelles. Photo © E. Torquebiau</center>]] ou les ignames qui poussent grâce à un arbre support, les [[pâturage]]s sous cocotiers ou en milieu forestier, sont autant de cas d’agroforesterie. Les espèces d’arbres fourragers se comptent par centaines; ils permettent notamment d’assurer l’alimentation des troupeaux pendant la [[saison]] sèche [[File: MotsAgro_Agroforesterie_3.jpg|300px|thumb|left|<center>Photo 3 : Arganiers dans les champs près d'Essaouira, Maroc. L'arganier est cultivé pour la production d'huile et fournit un fourrage apprécié des chèvres. Photo © E. Torquebiau</center>]]. L’agroforesterie est aussi présente dans l’agriculture multi-étagée des [[oasis]], déjà remarquée par Pline l’Ancien dans son ''Histoire Naturelle'' (1<sup>e</sup> siècle ap. J.-C.) Les exemples sont innombrables et témoignent de l’importance de l’arbre dans le quotidien des populations rurales des pays du Sud.
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Les araires d’Occident ont toujours eu deux fonctions bien déterminées : la préparation du champ, et 2° l’enfouissement des semis (en lignes ou à la volée). Il y a même des régions (au Maghreb par exemple) où l’araire n’avait que la seconde fonction : on ne faisait pas de [[labour]]s préalables, on se bornait à couper les broussailles qui avaient résisté au pâturage des animaux, après quoi on semait (à la volée) et on donnait un seul labour destiné à la fois à [[ameublir]] la surface du sol et à enfouir le semis. Aussi sommaire soit-il, ce procédé se justifie dans des régions semi-arides où la concurrence des [[adventice]]s est assez faible et où la pluviosité très capricieuse rend les récoltes très aléatoires.
  
L’agriculture des pays industriels, quant à elle, a superbement éliminé l’arbre de ses préoccupations pendant la plus grande partie du XX<sup>e</sup> siècle, le laissant aux forestiers et arboriculteurs spécialisés, sous prétexte qu’il gêne les cultures, ne permet pas de faire de grandes parcelles et complique la [[mécanisation]], notamment le [[labour]]. On connaît le résultat : la monotonie de nombreux paysages agricoles contemporains dépourvus de haies et où les champs complantés d’arbres ont disparu. Outre l’aspect esthétique, qui n’a rien d’universel, ces paysages sont souvent victimes d’érosion hydrique et éolienne et montrent des problèmes liés à la perte de biodiversité, en particulier la disparition des auxiliaires (insectes, oiseaux, etc.). Pourtant, certains se souviennent encore d’un temps pas si lointain (Cardot, 1933) où l’on enseignait l’équilibre agro-sylvo-pastoral dans les écoles. La tendance est en train de s’inverser, plus ou moins timidement selon les pays : au début de ce siècle, l’agroforesterie se fait une place en Europe, où l’on sait désormais produire du bois d’œuvre et des céréales sur une même parcelle (Dupraz & Liagre, 2008). Les haies rurales sont réhabilitées. Les Néo-zélandais et les Australiens sont passés maîtres dans l’art de l’élevage associé aux plantations forestières. Les arbres devraient bientôt reprendre la place qu’ils n’auraient jamais dû perdre dans la mise en valeur du sol par l’homme.
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Dans les régions d’Europe où la charrue a été adoptée, elle n’a pas supplanté l’araire, car les deux instruments étaient complémentaires. L’araire n’a commencé à disparaître que vers la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, sans doute devant la concurrence des nouveaux instruments de pseudo-labour qui se généralisent à cette époque ([[cultivateur]]s, [[scarificateur]]s, [[extirpateur]]s, instruments à disques, etc.).
  
Il est cependant important de noter que l’association spatiale ou temporelle d’arbres et de cultures induit des interactions écologiques qui peuvent prendre des formes très variées. Ce sont des interactions de complémentarité favorables aux cultures qui sont recherchées lorsqu’on fait pousser ensemble, par exemple, des arbres d’ombrage avec des cultures tolérantes à l’ombre, ou des arbres dont les nodules bactériens racinaires [[fixation symbiotique|fixent]] l'azote avec des [[Cultures associées, intercalées...|cultures intercalaires]]. L’intégration d’arbres à faible densité dans des parcelles céréalières en culture intensive peut, elle, se révéler bénéfique pour les arbres par rapport à des conditions de croissance en plantation forestière. Des phénomènes de [[compétition]] peuvent néanmoins apparaître, comme par exemple lorsque les racines des arbres et des cultures sont en concurrence pour les [[réserve en eau du sol | réserves en eau du sol]]. L’excès d’ombrage ou la concurrence pour les nutriments du sol peuvent aussi avoir un effet négatif sur la [[croissance]] des cultures. Le choix du couple arbre - culture et les pratiques permettant de limiter la concurrence entre arbres et cultures (taille, élagage, date des [[semis]], etc.) sont donc fondamentaux et l’agroforesterie ne peut pas s’improviser du jour au lendemain. Les recherches en agroforesterie sont confrontées aux contraintes de durée liées à la croissance des arbres, mais aussi à la présence de cycles différents entre les composantes des [[Cultures associées, intercalées,... | associations]]. Il est souvent fait appel à la [[Modèle | modélisation]] (bio-physique et économique) qui permet de s’affranchir en partie de ces contraintes.
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==Répartition géographique ==
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La géographie de l’araire coïncide avec celle de la [[culture attelée]]. L’araire est (était) présent dans presque toute l’Eurasie, à l’exception des régions de montagne de l’Asie du Sud-Est et d’une partie des îles de l’Austronésie. On le trouve également en Afrique du Nord, à laquelle on peut rattacher l’Éthiopie. En Amérique, il a été introduit par les Espagnols dans les hautes terres du Mexique et du Pérou. Il est inconnu dans toute l’Afrique sub-saharienne (sauf l’Éthiopie) et à Madagascar.
  
==Typologie==
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En Europe du Nord, il y a des régions où l’araire avait disparu dès le XVII<sup>e</sup> ou le XVIII<sup>e</sup> siècle, laissant la place à la charrue. Mais ces régions sont peu nombreuses : les Lowlands d’Écosse et le nord de l’Angleterre, le Danemark, une partie de l’Allemagne,... Dans certains cas en outre, l’absence d’araire pourrait être une apparence plutôt qu’une réalité, parce que les auteurs ne se sont pas toujours souciés de noter la présence d’un instrument considéré comme le vestige désuet d’un passé révolu.
La diversité des [[espèce]]s végétales et animales utilisées par l’homme permet d’imaginer un nombre quasiment infini de combinatoires agroforestières ; il faut donc les classer pour en identifier les principaux types. La première nomenclature était fondée sur les trois composantes de base de l’association (arbres, cultures, animaux) et proposait trois catégories : agrosylviculture, sylvopastoralisme, et agrosylvopastoralisme, selon que l’on mélange cultures et arbres, arbres et animaux, ou cultures, arbres et animaux. Cette classification que l’on trouve encore dans certains documents n’est pas passée dans l’usage car la première catégorie (agrosylviculture, au demeurant synonyme d’agroforesterie) contient toutes les associations sans animaux, c’est-à-dire l’immense majorité des cas d’agroforesterie. Elle n’est donc pas discriminante. On y trouve côte à côte les agroforêts multistrates, les arbres d’étage supérieur en plein champ et les haies vives, types pourtant bien différents. D’autres critères de structure permettent d’aller plus loin dans la séparation des types agroforestiers. Les associations simultanées (composantes présentes en même temps, par exemple des arbres d’ombrage au dessus de cultures) sont différentes des associations séquentielles (composantes se succédant dans le temps, comme dans le cas des [[rotation]]s). On peut différencier les associations ordonnées (arbres en ligne ou autre disposition géométrique) des associations mélangées (arbres dispersés de manière irrégulière dans les parcelles). Des critères liés à la principale fonction de l’association peuvent être utilisés, qu’il s’agisse d’une fonction de production (fruits, bois, fourrage) ou de service (protection du sol, brise-vents, arbres d’ombrage, entretien de la biodiversité).  
 
  
La prise en compte de caractères structuraux facilement visibles permet de déterminer cinq grandes catégories agroforestières :
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Tout le XIX<sup>e</sup> siècle et la première moitié du XX<sup>e</sup> ont vécu en effet sur l’idée que l’araire n’était que la forme primitive, archaïque de la charrue et qu’il était donc voué à disparaître, le plus tôt étant le mieux. C’était méconnaître le fait que la charrue est adaptée à certaines tâches, répondant à des conditions [[pédoclimatique]]s bien précises, en dehors desquelles son utilisation peut avoir plus d’inconvénients que d’avantages. Cette constatation semble avoir été faite à plusieurs reprises et de façon indépendante dans des régions comme le Midi de la France, l’Afrique du Nord, voire en Amérique, où l’emploi de la charrue n’allait pas de soi. D’où la naissance de doctrines agronomiques hétérodoxes, souvent appelées « systèmes », ayant peu de choses en commun sinon qu’on y excluait les labours (entendons : les labours à la charrue). Le seul de ces systèmes qui ait laissé une trace dans la littérature actuelle est le [[dry-farming]], mais il y en a eu bien d’autres ; P. Diffloth en a décrit plusieurs, qu’il regroupe sous le terme de ''néoculture'', dans ''Labours et assolements'' (1929). Il semble bien que le [[non-labour]], originaire des USA et qui remporte un succès croissant depuis une vingtaine d’années, se situe dans cette tradition hétérodoxe, ce qui justifierait un réexamen d’ensemble de celle-ci.
 
 
*'''Les cultures sous couvert arboré''', où de grands arbres dominent une culture sous-jacente [[File: MotsAgro_Agroforesterie_4.jpg|400px|thumb|left|<center>Photo 4 : Cultures sous couvert arboré à Rosette, dans le delta du Nil (Égypte). Sous les palmiers dattiers, on trouve des arbres fruitiers (agrumes, oliviers) et des cultures maraîchères. Photo © E. Torquebiau</center>]]. Ce sont les champs complantés d’arbres, souvent en lignes, les cultures dites « tolérantes à l’ombre », comme le café ou le [[cacao]], cultivées sous des arbres d’ombrage, les cas où l’arbre sert de tuteur à une culture grimpante, et enfin les [[verger]]s à cultures associées. En Europe, de gros efforts de recherche ont été faits récemment, non sans succès, pour tenter de faire passer l’idée qu’on pouvait cultiver des arbres d’étage supérieur alignés dans les champs (Eichorn ''et al.'' 2006).
 
 
 
*'''Les agroforêts et jardins agroforestiers''' [[File: MotsAgro_Agroforesterie_5.jpg|400px|thumb|right|<center>Photo 5 : Jardin agroforestier à Kalimantan, Indonésie. Photo © E. Torquebiau</center>]], associations complexes et multistrates de nombreuses espèces pérennes et annuelles qui ressemblent à des forêts ou à des bosquets. Le jardin agroforestier est une variante du jardin potager dans laquelle les arbres ont une importance majeure, parfois jusqu’à faire disparaître les habitations sous leurs cimes. L’agroforêt stricto sensu est une authentique forêt cultivée, souvent très diversifiée, qu’elle soit plantée ou résultant de la domestication d’une forêt naturelle (Michon ''et al.'' 2007).
 
 
 
*'''L’agroforesterie en disposition linéaire''' [[File: MotsAgro_Agroforesterie_6.jpg|300px|thumb|left|<center>Photo 6 : Paysages de haies rurales, Costa Rica. Photo © E. Torquebiau</center>]] regroupe tous les cas – fréquents – où les arbres apparaissent côte à côte et selon des alignements dans les champs ou le paysage rural. On y trouve les haies, autour ou dans les champs, les clôtures végétales, les alignements d’arbres brise-vent ou d’arbres servant à marquer le [[parcellaire]]. Le bocage, apparu en Europe vers la fin du Moyen Âge dans un contexte de croissance de la population et de développement de la propriété foncière, rentre dans cette catégorie.
 
 
 
*'''L’agroforesterie animale''' (Baumer, 1997) [[File: MotsAgro_Agroforesterie_7.jpg|300px|thumb|right|<center>Photo 7 : Arbre fourrager : chèvre broutant dans un arganier, Essaouira, Maroc. Photo © E. Torquebiau</center>]] comprend les cas où une production fourragère est obtenue dans une parcelle arborée mais aussi les cas où il y a présence simultanée d’arbres et d’animaux, ces derniers pouvant consommer du brout (fourrage d’arbre) ou du fourrage herbacé. Quelques cas d’élevage d’animaux utiles (vers à soie, crustacés de mangrove) en association avec des arbres complètent cette catégorie.
 
 
 
*'''L’agroforesterie séquentielle''' [[File: MotsAgro_Agroforesterie_8.jpg|400px|thumb|left|<center>Photo 8 : « [[Jachère]] » agroforestière à ''Sesbania sesban'', Chipata, Zambie. E. Torquebiau. Photo © E. Torquebiau</center>]] correspond aux situations où arbres et cultures se succèdent dans le temps, comme les « [[jachère]]s » arborées, l’agriculture itinérante et certaines plantations dites « en relais ».
 
 
 
==Perspectives de l’agroforesterie contemporaine==
 
Le renouveau de l’arbre dans les paysages ruraux ouvre d’immenses possibilités. Que ce soit en milieu tropical, hélas fréquemment contexte de pauvreté, ou dans le cas de l’agriculture industrielle des pays du nord, favoriser les associations entre arbres à usages multiples et agriculture permet notamment de contribuer à la qualité du sol (peu d’érosion, recyclage des nutriments, entretien de la fertilité, la [[Structure du sol, état structural, dégradation structurale | structure]] et la [[Microbes (microfaune et flore) du sol | biologie du sol]]), d’améliorer le cycle de l’eau (stockage de l’eau dans les plantes et le sol, effet sur le régime pluviométrique) et a un impact positif sur la biodiversité (Nair, 2007). Face aux menaces qui pèsent sur la forêt tropicale et aux difficultés que connaît l’agriculture des pays en développement, l’agroforesterie est souvent citée comme une solution (Puig, 2001 ; Griffon, 2006 ; Hallé, 2010). Souvent, les arbres ont un impact majeur sur la diversification des productions et la résilience des systèmes de production agricole et peuvent jouer un rôle important en tant que « puits de carbone » et pour atténuer les effets du changement climatique (Verchot ''et al.'', 2007). On a montré en Europe que l’intégration d’arbres à faible densité (50 à 100 arbres par ha) dans des parcelles céréalières permet d’obtenir une rentabilité comparable à celle de l’agriculture conventionnelle (Dupraz &t Liagre, 2008). De récents règlements français et européens incluent explicitement un soutien au développement de l’agroforesterie.
 
  
 
==Références citées==
 
==Références citées==
*Baumer M., 1997. ''L’agroforesterie pour les productions animales''. Nairobi, ICRAF et CTA, Wageningen (Pays-Bas), CTA, 355 p.
+
* Diffloth P., 1929. ''Agriculture générale – Labours et assolements''. Paris, J.B. Baillière & Fils, édition, 364 p.  
*Bene J.G., Beall H.W., Côté A., 1977. ''Trees, Food and People: Land Management in the Tropics''. Ottawa (Canada): IDRC-084e.
+
* Haudricourt, A.G., Jean-Brunhes Delamarre M., ''L’Homme et la charrue à travers le monde''. Paris, Gallimard, 1955,. Réédition : La Manufacture, Paris, 1986, 410 p.
*Cardot E., 1933. ''Manuel de l’arbre pour l’enseignement sylvo-pastoral dans les écoles''. Huitième édition, Touring-Club de France, 96 p.
 
*Dupraz C., Liagre F., 2008. ''Agroforesterie: des arbres et des cultures''. Paris, Editions France Agricole, 413 p.
 
*Dupriez H., de Leener Ph., 1993. ''Arbres et agricultures multiétagées d’Afrique''. Wageningen / Nivelles, CTA / Terres et vie, 280 p.
 
*Eichhorn M., Paris P., Herzog F., Incoll L., Liagre F., Mantzanas K., Mayus M., Moreno G., Papanastasis V., Pilbeam D., Pisanelli A., Dupraz C. 2006. Silvoarable Systems in Europe : Past, Present and Future Prospects. ''Agroforestry Systems'', 67: 29-50.
 
*Griffon M., 2006. ''Nourrir la planète''. Paris, Odile Jacob, 456 p.
 
*Hallé F., 2010. ''La condition tropicale''. Arles, Actes Sud, 574 p.
 
*Lundgren B.O., Raintree J.B., 1982. Sustained agroforestry. In: Nestel B., (ed). ''Agricultural Research for Development: Potentials and Challenges in Asia''. ISNAR, The Hague, The Netherlands: 37-49.
 
*Mazoyer M., Roudart L., 2002. ''Histoire des agricultures du monde''. 2ème édition. Paris, Le Seuil, 566 p.
 
*Michon G., De Foresta H., Levang P., Verdeaux F., 2007. Domestic forests: a new paradigm for integrating local communities’ forestry into tropical forest science. ''Ecology and Society'' 12(2): 1. [http://www.ecologyandsociety.org/vol12/iss2/art1/ Texte intégral] sur le site de la revue
 
*Nair P.K.R., 1993. ''An introduction to Agroforestry''. Kluwer Academic Publishers / ICRAF, 499 p.
 
*Nair P.K.R., 2007. Agroforestry for sustainability of lower-input land-use systems. ''Journal of Crop Improvement'' 19 (1): 25-47.
 
*Puig H. 2001. ''La forêt tropicale humide''. Paris, Belin, 448 p.
 
*Torquebiau E., 2007. ''L’agroforesterie: des arbres et des champs''. Paris, L’Harmattan, 151 p.
 
*Verchot L. V., Van Noordwijk M., Kandji S., Tomich T., Ong C., Albrecht A., Mackensen J., Bantilan C., Anupama K.V., Palm C., 2007. Climate change: Linking adaptation and mitigation through agroforestry. ''Mitigat. Adapt. Strateg. Global Change'' 12: 901–918.
 
  
 
==Pour en savoir plus==
 
==Pour en savoir plus==
*[http://worldagroforestry.org/af/ ''World Agroforestry Centre''], Nairobi, Kenya
 
*[http://www.agroforesterie.fr/ Association Française d'Agroforesterie]
 
* Fiche pratique [https://geco.ecophytopic.fr/geco/Concept/Pratiquer_L_Agroforesterie Pratiquer l'agroforesterie] sur la plateforme GECO.
 
*[https://dicoagroecologie.fr/dictionnaire/agroforesterie/ Agroforesterie] dans le Dictionnaire d'Agroécologie de l'Inrae.
 
  
<references/>
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===Bibliographie complémentaire===
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* Bourrigaud R., Sigaut F. (dir.), 2007. ''Nous labourons''. Nantes, Centre d’Histoire du Travail, 400 p + CD.
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* Malrain, F., Matterne V., Méniel P., 2002. ''Les Paysans gaulois (IIIe siècle–52 av. J.-C.)''. Paris, Errance / Inrap, 236 p.
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* Paillet A., 2005. ''Archéologie de l’agriculture moderne''. Paris, Errance, 288 p.
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* Pétrequin P., Arbogast R.M., Pétrequin A.M., Van Willigen S., Bailly M. (dir.), 2006. ''Premiers chariots, premiers araires. La diffusion de la traction animale en Europe pendant les IVe et IIIe millénaires avant notre ère''. Paris, CNRS, 400 p.
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* Sigaut F., 1972. Les conditions d’apparition de la charrue. ''JATBA (Journal d’Agriculture Tropicale et de Botanique Appliquée''), vol. XIX, n°10-11, pp. 442-478.
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* Sigaut F. (dir.), 1977. ''Les Hommes et leurs sols''. N° spécial du ''JATBA'', vol. XXIV, n°2-3, 281 p.
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* ''Tools and Tillage'', revue annuelle publiée de 1968 à 1995 par le Musée National du Danemark (Copenhague), sous la direction d’Axel Steensberg et de Grith Lerche.
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===Liens externes===
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==Autres langues==
 
==Autres langues==
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* À la différence du français, les autres langues européennes n’ont pas des <u>noms</u> différents, mais des <u>qualificatifs</u> précisant celui qui désigne la charrue ; par exemple, en espagnol, ''arado de palo'' (araire, symétrique) / ''arado de vertedera'' (charrue avec versoir, dissymétrique). En anglais, l'araire est désigné par ''ard plow'' ou ''scratch plow''.
  
Voir aussi [https://agrovoc.fao.org/browse/agrovoc/en/search?clang=fr&q=agroforesterie agroforesterie] dans Agrovoc.
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Version du 27 juin 2011 à 14:34

Auteur : François Sigaut

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Voir aussi (articles complémentaires)
Autres langues
Anglais : scratch plow, ard plow
Espagnol : arado de palo
Informations complémentaires
Article accepté le 1 juillet 2010
Article mis en ligne le 9 septembre 2010


Définition

Instrument attelé de travail du sol dont la partie travaillante est un simple soc, pointu plutôt que tranchant. L'araire travaille en fendant et en soulevant la terre, qui est rejetée plus ou moins émiettée de part et d'autre du soc. La structure de l'instrument est symétrique par rapport à la ligne de travail.


Historique du mot

Le mot araire est d’origine provençale (araïre, du lat. aratrum). Il est entré dans le vocabulaire des agronomes de langue française au début du XIXe siècle, pour désigner des charrues sans avant-train. Celui-ci était en effet considéré à cette époque par beaucoup d’auteurs (parmi lesquels Mathieu de Dombasle) comme un dispositif archaïque, encombrant et coûteux, qu’il convenait de remplacer par des régulateurs sur le modèle de certaines charrues flamandes et anglaises. Araire conservera ce sens de « charrue sans avant-train » jusqu’au milieu du XXe siècle. En 1955, dans L’Homme et la charrue à travers le monde, Haudricourt et Jean-Brunhes Delamarre montrent que la distinction la plus significative qu’il convient de faire entre les différents modèles de charrues n’est pas la présence ou l’absence d’avant-train, mais la structure symétrique ou dissymétrique de l’instrument. Ils proposent d’appeler araires les instruments symétriques (où l’axe du sep est parallèle à la ligne de tirage) et charrues les dissymétriques (où l’axe du soc fait un angle bien marqué avec la ligne du tirage). Cette proposition, reprenant l’usage de la plupart des dialectes paysans, est entrée aujourd’hui dans l’usage courant. La dissymétrie de la charrue tient au fait qu’elle est conçue pour découper une tranche de terre qui doit être repoussée sur le côté. L’araire est symétrique parce qu’il travaille plutôt à la manière d’un instrument de pseudo-labour : il n’a ni coutre ni versoir (ou alors deux versoirs symétriques, ce qui le rapproche des buttoirs), et son soc est plutôt pointu que tranchant. Il ne faut pas toutefois faire de cette opposition une règle trop absolue. Il a existé ici ou là un certain nombre de formes intermédiaires.

Historique de l’instrument

L’araire apparaît en Mésopotamie dans la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C. On a longtemps cru que c’était là son origine, et cette hypothèse reste très vraisemblable. Mais sa présence est maintenant bien attestée en Europe au tout début du IIIe millénaire. La possibilité de plusieurs foyers d’invention ne peut donc pas être exclue.

Il est probable que la fonction première de l’araire a été, non pas de préparer le champ au sens où nous l’entendons aujourd’hui, mais de creuser des raies destinées à recevoir les semences que quelqu’un, marchant à côté de l’araire, y laissait tomber au fur et à mesure. Très tôt en tous cas, on trouve des figurations où l’araire est muni d’une sorte d’entonnoir à peu près vertical débouchant juste derrière le soc et destiné à recevoir les semences. Ces araires-semoirs se sont maintenus jusqu’à notre époque dans quelques régions du Proche-Orient (Syrie, Yémen…) et surtout en Inde. En Chine, l’araire-semoir a été assez tôt remplacé par de véritables semoirs attelés à deux ou trois rangs. En Occident par contre, l’araire-semoir ne semble pas avoir été connu, ce qui s’explique sans doute par la généralisation précoce du semis à la volée – technique rarement pratiquée et souvent même inconnue dans les autres régions du monde.

Les araires d’Occident ont toujours eu deux fonctions bien déterminées : 1° la préparation du champ, et 2° l’enfouissement des semis (en lignes ou à la volée). Il y a même des régions (au Maghreb par exemple) où l’araire n’avait que la seconde fonction : on ne faisait pas de labours préalables, on se bornait à couper les broussailles qui avaient résisté au pâturage des animaux, après quoi on semait (à la volée) et on donnait un seul labour destiné à la fois à ameublir la surface du sol et à enfouir le semis. Aussi sommaire soit-il, ce procédé se justifie dans des régions semi-arides où la concurrence des adventices est assez faible et où la pluviosité très capricieuse rend les récoltes très aléatoires.

Dans les régions d’Europe où la charrue a été adoptée, elle n’a pas supplanté l’araire, car les deux instruments étaient complémentaires. L’araire n’a commencé à disparaître que vers la fin du XIXe siècle, sans doute devant la concurrence des nouveaux instruments de pseudo-labour qui se généralisent à cette époque (cultivateurs, scarificateurs, extirpateurs, instruments à disques, etc.).

Répartition géographique

La géographie de l’araire coïncide avec celle de la culture attelée. L’araire est (était) présent dans presque toute l’Eurasie, à l’exception des régions de montagne de l’Asie du Sud-Est et d’une partie des îles de l’Austronésie. On le trouve également en Afrique du Nord, à laquelle on peut rattacher l’Éthiopie. En Amérique, il a été introduit par les Espagnols dans les hautes terres du Mexique et du Pérou. Il est inconnu dans toute l’Afrique sub-saharienne (sauf l’Éthiopie) et à Madagascar.

En Europe du Nord, il y a des régions où l’araire avait disparu dès le XVIIe ou le XVIIIe siècle, laissant la place à la charrue. Mais ces régions sont peu nombreuses : les Lowlands d’Écosse et le nord de l’Angleterre, le Danemark, une partie de l’Allemagne,... Dans certains cas en outre, l’absence d’araire pourrait être une apparence plutôt qu’une réalité, parce que les auteurs ne se sont pas toujours souciés de noter la présence d’un instrument considéré comme le vestige désuet d’un passé révolu.

Tout le XIXe siècle et la première moitié du XXe ont vécu en effet sur l’idée que l’araire n’était que la forme primitive, archaïque de la charrue et qu’il était donc voué à disparaître, le plus tôt étant le mieux. C’était méconnaître le fait que la charrue est adaptée à certaines tâches, répondant à des conditions pédoclimatiques bien précises, en dehors desquelles son utilisation peut avoir plus d’inconvénients que d’avantages. Cette constatation semble avoir été faite à plusieurs reprises et de façon indépendante dans des régions comme le Midi de la France, l’Afrique du Nord, voire en Amérique, où l’emploi de la charrue n’allait pas de soi. D’où la naissance de doctrines agronomiques hétérodoxes, souvent appelées « systèmes », ayant peu de choses en commun sinon qu’on y excluait les labours (entendons : les labours à la charrue). Le seul de ces systèmes qui ait laissé une trace dans la littérature actuelle est le dry-farming, mais il y en a eu bien d’autres ; P. Diffloth en a décrit plusieurs, qu’il regroupe sous le terme de néoculture, dans Labours et assolements (1929). Il semble bien que le non-labour, originaire des USA et qui remporte un succès croissant depuis une vingtaine d’années, se situe dans cette tradition hétérodoxe, ce qui justifierait un réexamen d’ensemble de celle-ci.

Références citées

  • Diffloth P., 1929. Agriculture générale – Labours et assolements. Paris, J.B. Baillière & Fils, 6è édition, 364 p.
  • Haudricourt, A.G., Jean-Brunhes Delamarre M., L’Homme et la charrue à travers le monde. Paris, Gallimard, 1955,. Réédition : La Manufacture, Paris, 1986, 410 p.

Pour en savoir plus

Bibliographie complémentaire

  • Bourrigaud R., Sigaut F. (dir.), 2007. Nous labourons. Nantes, Centre d’Histoire du Travail, 400 p + CD.
  • Malrain, F., Matterne V., Méniel P., 2002. Les Paysans gaulois (IIIe siècle–52 av. J.-C.). Paris, Errance / Inrap, 236 p.
  • Paillet A., 2005. Archéologie de l’agriculture moderne. Paris, Errance, 288 p.
  • Pétrequin P., Arbogast R.M., Pétrequin A.M., Van Willigen S., Bailly M. (dir.), 2006. Premiers chariots, premiers araires. La diffusion de la traction animale en Europe pendant les IVe et IIIe millénaires avant notre ère. Paris, CNRS, 400 p.
  • Sigaut F., 1972. Les conditions d’apparition de la charrue. JATBA (Journal d’Agriculture Tropicale et de Botanique Appliquée), vol. XIX, n°10-11, pp. 442-478.
  • Sigaut F. (dir.), 1977. Les Hommes et leurs sols. N° spécial du JATBA, vol. XXIV, n°2-3, 281 p.
  • Tools and Tillage, revue annuelle publiée de 1968 à 1995 par le Musée National du Danemark (Copenhague), sous la direction d’Axel Steensberg et de Grith Lerche.

Liens externes


Autres langues

  • À la différence du français, les autres langues européennes n’ont pas des noms différents, mais des qualificatifs précisant celui qui désigne la charrue ; par exemple, en espagnol, arado de palo (araire, symétrique) / arado de vertedera (charrue avec versoir, dissymétrique). En anglais, l'araire est désigné par ard plow ou scratch plow.