Système de culture - Annexe 1

De Les Mots de l'agronomie
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Cette annexe se rapporte à l'article Système de culture.

Optimiser la marge et pérenniser le système de production en grande culture : blocs de culture et rotations-cadres

En grande culture, dans une économie marchande, l'objectif des agriculteurs est d'optimiser leur marge tout en pérennisant leur système de production. C'est pourquoi l'idée de traiter cette question grâce à un outil mathématique d'optimisation sous contraintes (la programmation linéaire) est déjà ancienne (Lefort & Sebillotte, 1964). Optimiser la marge consiste à pratiquer le plus possible la culture la plus rentable. Cependant, comme une monoculture pérenne se traduit par une chute de production, il faut bien combiner cette culture à d'autres moins rentables. Et l'objectif de pérennisation ou plus précisément de durabilité du système de production se traduit sous la forme de contraintes qui dépendent du maintien des capacités productives des terrains, des répercussions environnementales de l'activité agricole, des moyens rassemblés dans l'appareil de production de l'entreprise agricole, .... Le choix des contraintes à introduire dans la programmation linéaire relève de décisions de l'agriculteur et l'optimisation se fait donc sous son contrôle et sous ses hypothèses de conjoncture.

Sans développer un exemple d'application de programmation linéaire, nous allons en présenter le principe que l'on retrouve d'ailleurs dans les démarches empiriques que font les agriculteurs lorsqu'ils réfléchissent, sans outil mathématique, à la combinatoire des cultures et à leur plan d'assolement (Maxime et al., 1995).

Les contraintes s'appliquant à chaque culture (espèce ou association d'espèces) peuvent s'écrire sous la forme de quatre variables décisionnelles (figure 1 ; Aubry et al., 1998).

VA1 représente la zone où la culture peut être pratiquée dans l'espace occupé par l'entreprise. Elle dépend des aptitudes culturales des différents terrains, mais aussi de l'éloignement des bâtiments pour des raisons d'organisation du travail ou de surveillance. Des directives externes peuvent s'imposer, dans le cas des captages d'eau par exemple. Les aptitudes culturales des terrains dépendent des moyens de travail disponibles, aussi l'agriculteur a-t-il une certaine marge d'appréciation pour définir cette variable.

VA2 est le délai de retour d'une culture sur elle même. Elle est liée au risque phytosanitaire que l'agriculteur accepte de prendre par la répétition d'une même espèce sur une parcelle. Ce risque dépend des pratiques phytosanitaires des itinéraires techniques prévus pour cette culture.

VA3 se présente sous la forme d'une liste de règles de succession de cultures deux à deux compte tenu des effets d'une culture sur la suivante et des risques que l'agriculteur accepte de prendre quand le délai entre la récolte de la première est proche de l'implantation de la seconde.

VA4 est la taille de la sole de la culture (c'est à dire la somme des surfaces qui lui sont consacrées). Sa valeur maximale est égale à VA1/VA2, mais elle peut être plafonnée par les possibilités de réaliser le travail exigé par la culture ou encore par des contraintes exogènes comme les quotas.

Fig. 1

Que ce soit par un optimisateur mathématique ou de façon empirique, la démarche est la même. Selon des critères le plus souvent économiques de marge brute par culture, estimée en fonction de l'expérience du passé et de spéculation sur l'avenir, l'agriculteur hiérarchise les différentes cultures qu'il a choisi de faire. A noter que le classement des marges brutes peut changer selon les terrains. La démarche d'optimisation est la suivante.

Elle consiste à commencer par maximiser la surface de la culture qui donne la meilleure marge sur les terrains qui lui sont le plus favorables au sein de sa zone de culture (VA1). Est ainsi défini un premier bloc de culture dont le cycle annuel de rotation est donné par le délai de retour (VA2) de cette culture. Si sur un des terrains d'une exploitation c'est le blé qui donne la meilleure marge et si l'agriculteur ne veut pas cultiver successivement deux blés ni même trois espèces à paille, cette première étape conduit à définir un bloc de culture et une rotation de trois ans au sein de laquelle il faudra inscrire, pendant un an au moins, la culture d'une espèce sans paille.

De manière identique, la deuxième marge obtenue par la combinaison de l'ensemble espèce cultivée x terrain permet de définir un autre bloc de culture et son cycle annuel de rotation. S'il s'agit, par exemple, de la culture de pois avec un délai de retour choisi de cinq ans, se trouve ainsi déterminée une rotation quinquennale sur un second bloc de culture.

Les blocs de culture, ainsi constitués en poursuivant la démarche, recouvrent vite l'ensemble des terrains de l'entreprise. Il s'agit alors de définir les successions de culture au sein des blocs de culture en suivant l'ordre des cultures selon leurs marges estimées et en tenant compte des contraintes qui leur sont propres.

Dans la réalité, il est difficile de définir un classement précis des cultures selon l'intérêt marchand de leurs produits et, surtout, qui soit stable d'une année sur l'autre dans un contexte de cours mondiaux fluctuants et de mesures réglementaires évolutives. C'est pourquoi il est utile de donner de la souplesse au choix d'assolement à travers des cultures qui peuvent être interchangeables au sein des rotations par les rôles qu'elles jouent dans la succession et par leurs exigences dans l'organisation du travail au sein de l'entreprise. C'est pourquoi il est préférable de parler de rotations-cadre plutôt que de rotations fixes (Maxime et al., 1997). Une rotation-cadre est définie, en même temps que le bloc de culture correspondant, par la culture dont l'agriculteur cherche à maximiser la surface et dont le délai de retour fixe le nombre de cycles culturaux. Au sein de la rotation-cadre, les autres cultures, parmi lesquelles certaines sont interchangeables, se succèdent selon des règles de succession qui leur sont propres.

Les blocs de culture et les rotations-cadre sont constitutifs des systèmes de production de grande culture car ils concilient, dans un contexte fluctuant, le maintien d'un revenu assuré par les meilleures conditions de culture des productions les plus rentables avec l'entretien de la fertilité et l'organisation spatiale du travail. Les agriculteurs cherchent généralement à les stabiliser. Ce n'est que dans un contexte tout à fait nouveau de prix et de réglementation qu'ils pourraient, en les modifiant, reconsidérer l'organisation de leur système de production.


Références citées

  • Aubry C., Biarnès A., Maxime F., Papy F., 1998. Modélisation de l’organisation technique de la production dans l’exploitation agricole : la constitution de systèmes de culture. In Brossier J., Dent B., eds. Gestion des exploitations et des ressources rurales – Farm and Rural Management. Études et recherches sur les systèmes agraires et le développement n° 31, Inra, Versailles: 25- 43.
  • Lefort G., Sebillotte M., 1964. Application de la programmation linéaire à la détermination du système de production d'une exploitation agricole. CR. Acad. Agric. Fr., 50 : 239-253.
  • Maxime F., Mollet J. M., Papy F., 1995. Aide au raisonnement de l'assolement en grande culture. Cahiers Agricultures, 4 (5) : 351-62. Texte intégral sur le site de la revue.
  • Maxime F., Nicoletti J.P., Leroy P., Papy F., 1997. Donner de la souplesse au choix d’assolement par des rotations-cadres. In : Aide à la décision et choix de stratégies dans les exploitations agricoles. Actes du colloque de Laon, 10-11/12/1996. Inra, Versailles : 85-99.


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