Différences entre les pages « Adventice - Annexe 1 » et « Repos et fatigue des terres - Annexe 1 »

De Les Mots de l'agronomie
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'''<big><center>Esseiglage, esseigler</center></big>'''
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'''<big><center>Ni vieillesse, ni fatigue, mais manque d’engrais</center></big>'''
  
  
Ce mot, disparu de l’usage, n’était peut-être employé que dans certaines régions. Et la réalité qu’il décrit, la lutte contre le seigle, [[adventice]] du blé, ne concerne plus guère les agriculteurs aujourd’hui. Reste que la description qu’en donne un auteur oublié du début du XIXe siècle et la façon dont il en analyse la pratique, sont exemplaires. C’est la raison pour laquelle nous le reproduisons ici.
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(...) j'ai repoussé l'opinion de presque tous les anciens et rejeté le sentiment erroné de ceux qui pensent que, fatiguée et épuisée par l'action d'un âge si prolongé et par les travaux de tant de siècles, la terre est arrivée à la vieillesse (''longo aevi situ longique iam temporis exercitatione fatigatam et effetam humum consenuisse''). (...) Tremellius (...) a cru faussement que la terre, cette mère de toutes choses, accablée par la vieillesse, était, comme les vieilles femmes, devenue inhabile à la génération. J'en conviendrais, si je ne voyais plus naître de productions nulle part. Or, la vieillesse humaine est constatée (...) quand la femme ne peut plus donner aucune production ; (...) la faculté d'engendrer, que les années lui refusent, ne lui est pas restituée. La terre, au contraire, abandonnée volontairement ou par quelque accident, répond, si on la remet en culture, au soin du cultivateur par de gros intérêts pour le repos dont elle a joui (''At e contrario seu sponte seu quolibet casu destituta humus, cum est repetita cultu, magno fenore cessationis colono responde''t). Le vieil âge de la terre n'est donc pas la cause de la diminution de ses productions, puisque, une fois la vieillesse venue, elle ne retourne point sur ses pas, et nous ne pouvons ni rajeunir, ni reprendre la vigueur du jeune âge. Ce n'est pas, non plus, la lassitude du sol qui cause la diminution des produits (''sed ne lassitudo quidem soli minuit agricolae fructum'') : il ne serait pas sage de dire que, comme dans l'homme le corps se fatigue par un trop violent exercice ou par la surcharge d'un fardeau, de même la lassitude de la terre est le résultat des cultures et du remuement des champs (''cultibus et agitationibus agrorum fatigationem succedere''). Qu'est-ce donc que cette assertion de Tremellius, qui observe que les lieux jadis incultes et sauvages, après avoir d'abord commencé par rapporter avec abondance, ne tardent guère à ne plus répondre avec la même fécondité aux travaux du laboureur ? Sans doute il voit ce qui arrive, mais il n'en a pas pénétré la cause. En effet, un sol neuf, passant de l'état sauvage à la culture, n'est pas plus fertile parce qu'il a plus de repos et de jeunesse (''quod sit requietior et iunior''), mais parce que, durant de longues années, les feuilles et les herbes que la nature produit d'elle-même, l'engraissant en quelque sorte d'une nourriture copieuse, suffisent pour lui procurer les moyens de faire naître et de nourrir des récoltes ; mais aussi, dès que la herse ou la charrue n'a plus de racines de végétaux à briser, que les bois abattus ne nourrissent plus de leur feuillage la terre qui les a produits, et que les feuilles qui, en automne, tombées des arbres et des buissons, couvraient la surface de la terre, venant à y être enfouies par la charrue, se mêlent aux couches inférieures, qui sont les moins fécondes, et s'y trouvent absorbées : alors il s'ensuit que, privée de son ancienne nourriture, la terre ne tarde pas à maigrir (''At cum perruptae rastris et aratris radices herbarum, ferroque succisa nemora frondibus suis desierunt alere matrem, quaeque temporibus autumni frutetis et arboribus delapsa folia superiaciebantur, mox conversa vomeribus et inferiori solo, quod plerumque est exilius, permixta atque absumpta sunt, sequitur ut destituta pristinis alimentis macrescat humus''). Ce n'est donc point par la fatigue, comme certains le prétendent, ni par l'effet de la vieillesse, mais par notre nonchalance, que nos sillons répondent avec moins de bienveillance à notre espoir ; mais l'on peut accroître leurs productions, si on veut les entretenir par des engrais fréquents, faits en temps convenable et dans de justes proportions. (''Non igitur fatigatione, quemadmodum plurimi crediderunt, nec senio, sed nostra scilicet inertia minus benigne nobis arva respondent. Licet enim maiorem fructum percipere, si frequenti et tempestiva et modica stercoratione terra refoveatur.'')
  
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|« Esseiglage.
 
Au commencement de Juin<ref>dans le département de l’Oise</ref>, il faut esseigler les blés purs, c'est-à-dire, en arracher le seigle qui y pousse malgré toutes les précautions possibles. Il faut éviter deux inconvéniens, l’un d'esseigler trop tôt, l'autre d'esseigler trop tard ; dans le premier cas, il repousse du seigle après l'opération faite, et il faut la recommencer quinze jours après, ce qui foule de nouveau le blé ; ou bien il faut laisser le seigle, ce qui suffit pour gâter le blé destiné à faire de belle semence : dans le second cas, le blé est si haut et si épais, qu'on casse le tuyau, en y marchant, et qu'on y fait un grand dommage. Il faut donc savoir prendre un juste milieu entre ces deux inconvéniens. On choisira un beau soleil pour esseigler, afin de mieux distinguer les épis, et on ne partira qu'après la rosée, si on ne veut pas s'exposer à être tout mouillé et à gâter davantage le blé, qui étant plus faible, se courbe plus facilement. Pour ne pas laisser du tout de seigle et moins gâter le blé, on ferait bien de prendre plusieurs hommes, qu'on placerait dans la pièce à égale distance, et qui auraient ordre de marcher droit et toujours sur la même ligne, pas plus vite l'un que l'autre, et de ne laisser aucun épi entre-deux. Afin de s'assurer si l'opération est bien faite, le maître doit aller avec eux et traverser sans cesse, derrière eux, le blé qu'ils auront esseiglé, pour arracher les épis qui leur auraient échappé, et réprimander ceux qui seront moins attentifs. Un moyen de bien voir s'il n'y a pas de seigle d'oublié, est de se baisser, de tems en tems, jusqu'à la superficie du blé, pour examiner s'il n'y a pas quelques épis de seigle qui dominent. »<br/>
 
  
([[A pour personne citée dans les annexes::Chrestien de Lihus]], 1804. ''Principes d’agriculture et d’économie, appliqués, mois par mois, à toutes les opérations du cultivateur dans les pays de grande culture''. Paris, An XII : 126-128. [http://openlibrary.org/books/OL20523273M/Principes_d’agriculture_et_d’économie_appliqués_mois_par_mois_à_toutes_les_opérations_du_... Texte intégral] sur Openlibrary.org).
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([[A pour personne citée dans les annexes::Columelle]] [''ca''. 42] 1844. ''De l’Agriculture''. Trad. Du Bois, Panckoucke, Paris, 1844, livre II, 1).
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==Notes de l'auteur==
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<references/>
 

Version du 12 juillet 2011 à 09:29

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Cette annexe se rapporte à l'article Repos et fatigue des terres.
Ni vieillesse, ni fatigue, mais manque d’engrais


(...) j'ai repoussé l'opinion de presque tous les anciens et rejeté le sentiment erroné de ceux qui pensent que, fatiguée et épuisée par l'action d'un âge si prolongé et par les travaux de tant de siècles, la terre est arrivée à la vieillesse (longo aevi situ longique iam temporis exercitatione fatigatam et effetam humum consenuisse). (...) Tremellius (...) a cru faussement que la terre, cette mère de toutes choses, accablée par la vieillesse, était, comme les vieilles femmes, devenue inhabile à la génération. J'en conviendrais, si je ne voyais plus naître de productions nulle part. Or, la vieillesse humaine est constatée (...) quand la femme ne peut plus donner aucune production ; (...) la faculté d'engendrer, que les années lui refusent, ne lui est pas restituée. La terre, au contraire, abandonnée volontairement ou par quelque accident, répond, si on la remet en culture, au soin du cultivateur par de gros intérêts pour le repos dont elle a joui (At e contrario seu sponte seu quolibet casu destituta humus, cum est repetita cultu, magno fenore cessationis colono respondet). Le vieil âge de la terre n'est donc pas la cause de la diminution de ses productions, puisque, une fois la vieillesse venue, elle ne retourne point sur ses pas, et nous ne pouvons ni rajeunir, ni reprendre la vigueur du jeune âge. Ce n'est pas, non plus, la lassitude du sol qui cause la diminution des produits (sed ne lassitudo quidem soli minuit agricolae fructum) : il ne serait pas sage de dire que, comme dans l'homme le corps se fatigue par un trop violent exercice ou par la surcharge d'un fardeau, de même la lassitude de la terre est le résultat des cultures et du remuement des champs (cultibus et agitationibus agrorum fatigationem succedere). Qu'est-ce donc que cette assertion de Tremellius, qui observe que les lieux jadis incultes et sauvages, après avoir d'abord commencé par rapporter avec abondance, ne tardent guère à ne plus répondre avec la même fécondité aux travaux du laboureur ? Sans doute il voit ce qui arrive, mais il n'en a pas pénétré la cause. En effet, un sol neuf, passant de l'état sauvage à la culture, n'est pas plus fertile parce qu'il a plus de repos et de jeunesse (quod sit requietior et iunior), mais parce que, durant de longues années, les feuilles et les herbes que la nature produit d'elle-même, l'engraissant en quelque sorte d'une nourriture copieuse, suffisent pour lui procurer les moyens de faire naître et de nourrir des récoltes ; mais aussi, dès que la herse ou la charrue n'a plus de racines de végétaux à briser, que les bois abattus ne nourrissent plus de leur feuillage la terre qui les a produits, et que les feuilles qui, en automne, tombées des arbres et des buissons, couvraient la surface de la terre, venant à y être enfouies par la charrue, se mêlent aux couches inférieures, qui sont les moins fécondes, et s'y trouvent absorbées : alors il s'ensuit que, privée de son ancienne nourriture, la terre ne tarde pas à maigrir (At cum perruptae rastris et aratris radices herbarum, ferroque succisa nemora frondibus suis desierunt alere matrem, quaeque temporibus autumni frutetis et arboribus delapsa folia superiaciebantur, mox conversa vomeribus et inferiori solo, quod plerumque est exilius, permixta atque absumpta sunt, sequitur ut destituta pristinis alimentis macrescat humus). Ce n'est donc point par la fatigue, comme certains le prétendent, ni par l'effet de la vieillesse, mais par notre nonchalance, que nos sillons répondent avec moins de bienveillance à notre espoir ; mais l'on peut accroître leurs productions, si on veut les entretenir par des engrais fréquents, faits en temps convenable et dans de justes proportions. (Non igitur fatigatione, quemadmodum plurimi crediderunt, nec senio, sed nostra scilicet inertia minus benigne nobis arva respondent. Licet enim maiorem fructum percipere, si frequenti et tempestiva et modica stercoratione terra refoveatur.)


(Columelle [ca. 42] 1844. De l’Agriculture. Trad. Du Bois, Panckoucke, Paris, 1844, livre II, 1).

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