Différences entre les pages « Riz, rizière, riziculture » et « Signification des rendements »

De Les Mots de l'agronomie
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imported>Pierre Morlon
m (L’agronomie du riz)
 
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|note 1=Le dossier consacré à la thématique du Rendement est composé de deux articles : celui-ci et [[Élaboration et composantes du rendement]].
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|Note langue=Cette question est traitée abondamment dans le texte de l'article, plus complètement qu'elle ne pourrait l'être dans cette rubrique.
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|Article 1=Biomasse végétale
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|Article 2=Croissance
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|Article 3=Densité de semis
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|Article 4=Efficience d'interception du rayonnement
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|Article 5=Efficience de conversion de l'énergie
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|Article 7=Productivité
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|Date d'acceptation=21 avril 2010
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|Mise en ligne=26 août 2010
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|Annexe 1=Expression des rendements au Moyen Âge
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|Date d'acceptation=9 mars 2010
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|Mise en ligne=30 juillet 2010
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==Riz==
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==Définition==
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'''Le rendement d’une [[culture]] se dit du rapport entre la quantité récoltée et le facteur de production (terre, semence, travail, eau, ...) jugé pertinent dans la situation agricole considérée. C’est un moyen de juger l’efficacité de cette culture, par comparaison avec les rendements obtenus dans d’autres [[milieu]]x ou avec d’autres [[technique]]s ou [[variété]]s'''.
Le riz est la première [[céréale]] pour l'alimentation humaine et fournit près de 50% des besoins énergétiques de 3 milliards d’Asiatiques. Son importance est ancienne : « Dans la plus grande partie de l'Asie, en Perse, en Arabie, en Égypte et de là jusqu'à la Chine, le riz fait la principale nourriture » ([[A pour personne citée::Georges-Louis Leclerc de Buffon|Buffon]], 1777 : 403). Modeste en Europe (5 kg/hab/an), la consommation du riz atteint 40 à 60 kg/hab/an en Afrique et en Amérique Latine, et 100 kg en Asie, avec un record pour la Birmanie avec plus de 200 kg.
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Ces comparaisons ne conduisent à des conclusions valables et à des actions efficaces et utiles, que si on choisit de façon pertinente le numérateur (quelle mesure de la production) et surtout le dénominateur (par quel critère ou facteur limitant on divise cette production) : on les choisit en fonction des buts qu’on se propose ou des questions qu’on se pose, et de la situation dans laquelle on se trouve. La façon d’exprimer « le » rendement dans une société indique quel facteur elle perçoit ou a perçu comme le plus [[facteur limitant | limitant]] ou [[contrainte | contraignant]]. Partout où ce n’est pas la terre (la surface) mais un autre facteur, c’est le « rendement » de cet autre facteur qui permet de juger l’efficience des [[pratique]]s de l’agriculteur, le rendement à l’hectare n’étant alors un critère pertinent ni pour comparer des agriculteurs différents, ni pour comprendre ce que fait un agriculteur, ni par conséquent pour proposer des améliorations.
  
La culture du riz, ou ''riziculture'', est pratiquée dans un éventail très large de conditions climatiques et hydrologiques : depuis le bord de la mer (dans les mangroves) jusqu'à 3000 m d’altitude (au Népal), et depuis 40° de latitude Sud, en Argentine, jusqu’à 53° Nord, en Chine, en passant par toutes les zones intertropicales. Cette diversité des milieux s’accompagne d’une grande diversité des [[pratiques culturales]] et des [[variétés]] utilisées (plus de 100 000 recensées).
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Notons que l'emploi habituel du terme en agriculture est impropre car, au sens strict du terme, un rendement est une grandeur sans dimension, le numérateur et le dénominateur étant de même nature et exprimés dans la même unité.
 
Le riz est une poacée du genre {{TaxonNCBI|4527|''Oryza''|aller au NCBI|}}, qui compte 23 espèces dont seules deux sont cultivées : {{TaxonNCBI|4530|''O. sativa''|aller au NCBI|''Oryza sativa''}}, originaire d’Asie, et {{TaxonNCBI|4538|''O. glaberrima''|aller au NCBI|}}, originaire d’Afrique de l’Ouest. ''O. sativa'' comporte 2 sous-espèces ; l’une, indica, utilisée en culture aquatique en zone tropicale, l’autre, ''japonica'' utilisée en culture aquatique en zone tempérée et en [[culture pluviale]] en zone tropicale. Certaines espèces sauvages font l’objet de cueillette, comme {{TaxonNCBI|65489|''O. barthii''|aller au NCBI|}}.
 
  
===Histoire===
 
Les traces archéologiques de la [[domestication]] du riz remontent à 8000 av JC, dans la partie médiane de la vallée du fleuve Yangzi. Au moins deux domestications indépendantes auraient eu lieu, au sud de l'Himalaya (Est de l’Inde, Myanmar ou Thaïlande), d’une part, au sud de la Chine, d’autre part (Sweeney & McCouch, 2007). Confucius (''ca''. 551 - 479 av. J.-C.) porte le riz en grande considération « Un bol de riz avec de l'eau et le coude pour oreiller, voilà un état qui a sa satisfaction ». Il se répand en Extrême-Orient puis vers le Moyen Orient. Sa culture en Iran et en Syrie remonte à 400 av. J.-C. Il est ramené de Perse en Grèce par Alexandre le Grand (Jeanguyot & Ahmadi, 2005). [[A pour personne citée::Pline l’Ancien]] (77) le décrit en reprenant [[A pour personne citée::Sophocle]] et [[A pour personne citée::Théophraste]] « les Indiens … leur nourriture favorite est le riz, avec lequel ils préparent la ptisane que les autres nations préparent avec l'orge. Les feuilles du riz sont charnues, semblables à celles du poireau, mais plus larges ; la tige est haute d'une coudée, la fleur pourpre, la racine ronde comme une perle ».
 
  
Produit d’importation au Moyen Âge, le riz est connu par les élites sociales. En France, il est mentionné dès 1393, dans ''le Mesnagier de Paris<ref>Le [http://fr.wikipedia.org/wiki/Ménagier_de_Paris Mesnagier de Paris] sur Wikipédia</ref>'' : « Taillis à servir comme en karesme. Prenez fins roisins, lait d'amandes bouli, eschaudés, galettes et croutes de pain blanc et pommes couppées par menus morceaulx quarrés, et faites boulir vostre lait, et saffren pour lui donner couleur, et du succre, et puis mettez tout ensemble tant qu'il soit bien liant pour tailler. L'en en sert en karesme en lieu de riz. » (1994 : 212)
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==Un rendement, c’est fait pour être comparé à d’autres rendements==
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|« Voici : le semeur sort pour semer. Il sème et il en tombe le long de la route. Les oiseaux viennent et les mangent. D’autres tombent sur les pierrailles, où ils n’ont pas beaucoup de terre ; (…) parce qu’ils n’ont pas de racines, ils se dessèchent. D’autres tombent sur les épines. Les épines montent et les étouffent. D’autres tombent sur la belle terre ; ils donnent du fruit : l’un cent, l’autre soixante, l’autre trente [pour un]. » (''Évangile'' de Matthieu, chap.13, 3-8).
  
La riziculture est introduite en Espagne par les Maures au VIII<sup>e</sup> siècle. Puis, à partir des rizières des deltas espagnols du Guadiana et du Guadalquivir, des essais d’[[acclimatation]] sont faits en Italie, dans la plaine du Pô (XV<sup>e</sup> s.). En France, les premières tentatives de cultures du riz sont réalisées en Camargue et dans les marais de l’Ouest à la fin du XVI<sup>e</sup> s., sous l’impulsion d’Henri IV, de Sully et d’[[A pour personne citée::Olivier de Serres]]. Cependant ce n’est qu’avec l’endiguement du delta du Rhône contre les crues en 1864 qu’Étienne Noël Godefoy aménage la première rizière, dans le but de dessaler le sol pour le préparer à d’autres [[cultures]]. Il faudra attendre la deuxième guerre mondiale et l’occupation de l’Indochine française par le Japon pour que la production de riz irrigué se développe en France métropolitaine, en Camargue alors qu’elle avait été initiée dès les années 20 dans les colonies françaises d’Afrique de l’ouest qui connaissaient déjà d’autres formes de riziculture.
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« (...) sur l’acre il convient de semer au moins deux boisseaux (...) ; au triple de votre semence, vous devez donc avoir 6 boisseaux de cette acre » (''sur lacre couent il semer al meyns deus bussels (...) ; al tierz de votre semayl donc deuent avoyr vi bussels de cele acre'') » (Henlé, ''ca''. 1280).
  
En effet, indépendamment de la diffusion asiatique puis européenne d’''O. Sativa'', l’espèce ''O. glaberrima'' a été domestiquée très tôt en Afrique de l’Ouest. Les traces archéologiques de la domestication trouvées autour du Lac Tchad remontent à 1800 av J.-C (Klee ''et al.'', 2000). [[A pour personne citée::Roland Portères|Portères]] (1950) distingue un centre de domestication primaire dans le Delta Central du Niger (au Mali), et un centre secondaire en Sénégambie. A partir du XVI<sup>e</sup> siècle, les variétés asiatiques d’''O. sativa'' amenées par les Portugais se sont ajoutées aux variétés locales.
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« Ce froment a rendu chez moi quarante pour un, semé dans un jardin : et employé en terre commune, douze à quinze » ([[A pour personne citée::Olivier de Serres|O. de Serres]], 1604 : 108).
  
La terminologie reflète l’histoire du riz. Le mot désignant le riz est initié dans une langue orientale, le chinois ou le sanskrit. En passant par le grec, il est devenu ''oruza''. Le latin le transforme en ''oryza'', l’arabe en ''eruz'', puis l’espagnol et le portugais en ''arroz'' et l'italien en ''riso''. Au XIII<sup>e</sup> siècle, il prend la forme de ''ris'' en français, avant de se fixer en ''riz''. En Afrique de l’Ouest, là où préexistait une riziculture indigène, le riz est souvent désigné à partir d’une racine mandingue ''Malo/Maro'' ; ailleurs, les racines arabes ou portugaises ''eruz / arroz'' prédominent.
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« A Iakoustk le froment et le seigle rendent quelquefois le quinzième grain, quoique à la profondeur d'un mètre le sol qui les porte soit constamment gelé » ([[A pour personne citée::Jean-Baptiste Boussingault|Boussingault]], 1844 : 656).
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==Rizière / riziculture==
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Les auditeurs de la parabole du semeur devaient comparer les rendements de cent, soixante et trente [pour un] dans la bonne terre à ceux, sans doute moindres, qu’ils avaient en tête. Gautier de Henlé indique au seigneur propriétaire des terres à quel rendement de référence il doit comparer ce que ses gens ont engrangé, pour savoir s’ils ne l’ont pas volé. Et le lecteur de Boussingault devait comparer celui de 15 pour 1 parfois obtenu au fond de la Sibérie à ceux habituels dans sa propre région. Annoncer un rendement, quel qu’il soit, ne dit en effet rien à des gens qui n’ont pas de point de repère : ce qui est notre cas lorsque nous lisons ces textes, puisque nous n’avons plus de [[références]] calculées de la même façon.  
On distingue deux grands écosystèmes rizicoles en fonction du [[régime hydrique]] (Trébuil & Houssain, 2004) :
 
* écosystème aquatique, avec une lame d’eau, au moins temporaire ; on parle de ''rizière'' (''paddy field'') ;
 
* écosystème non aquatique, le riz est cultivé, comme les autres céréales, sur des sols exondés et drainés.
 
  
===Les rizicultures aquatiques===
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Une donnée de rendement isolée ne signifie rien, ne sert à rien ; elle ne prend son sens que comparée, explicitement ou non, à d’autres rendements obtenus avec des moyens différents, dont elle permet de juger l’efficacité, ou dans d’autres conditions. Un rendement de blé de 40 q/ha est excellent (comparé à ceux qu’on y obtient habituellement) en agriculture non irriguée dans les montagnes arides du Maghreb, mais très médiocre (comparé ...) en Picardie.
Elles couvrent 88% des superficies rizicultivées et sont subdivisées en quatre catégories :
 
  
# '''Riziculture irriguée''' (''irrigated rice''). Des infrastructures hydro-agricoles permettent de maîtriser la date d’entrée et de retrait de l’eau dans la rizière, ainsi que la hauteur de la lame d’eau. C’est dans ce type de riziculture, qui couvre 55% des superficies cultivées et assure 75% de la production mondiale, que s’est faite la « [[révolution verte]] » des années 1960. L’utilisation simultanée de [[variétés]] demi-naines très productives, d’[[engrais minéraux]] et de [[pesticides]], associée à une bonne maîtrise de l’[[Mauvaise herbe|enherbement]] grâce au [[repiquage]] et au [[désherbage]] manuel, a permis d’atteindre par récolte des [[Signification des rendements|rendements]] moyens de 4-5 t/ha et des maxima de 10 t/ha. La [[monoculture]] du riz est souvent la règle et, dans certains climats chauds, l’utilisation de variétés [[précoces]] et non [[photosensibles]] permet jusqu'à trois [[cycles de culture]] par an. En zones subtropicales, la [[rotation]] riz-blé est très largement répandue. Avec l’accroissement du coût de la main d’œuvre, la tendance est à l’abandon du repiquage au profit du [[semis]].
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Ceci est vrai tant en [[expérimentation]], pour trouver « la meilleure » technique ou variété, qu’en vulgarisation (extension), pour conseiller à des agriculteurs d’en imiter un autre jugé « meilleur » (plus efficace) ou d’adopter des techniques jugées plus efficaces que les leurs. '''Mais que veut dire « meilleur » ou « plus efficace » ? Pour juger une technique, il faut au préalable définir l'objectif (le critère) par rapport auquel on juge ; or ce critère diffère selon les situations'''.
  
#'''Riziculture inondée''' (''rainfed lowland rice''). En l’absence d’infrastructures hydro-agricoles de contrôle de l’eau, l’[[alimentation en eau]] de la rizière dépend directement des pluies ou de la crue des cours d’eau ; les dates d’arrivée et de retrait de l’eau dans la rizière ne sont pas maîtrisées et la lame d’eau peut varier de 0 à 100 cm. Ce type couvre 23% des superficies mondiales. Le mode d’implantation de la culture le plus répandu est le semis. Les rendements dépassent rarement 4 t/ha. La préoccupation majeure est la stagnation des rendements autour de 3 t/ha. Les variétés utilisées doivent être plus [[rustiques]], leur hauteur et leur cycle bien adaptés au régime hydrique.
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Un rendement ne se mesure pas, il se calcule : c’est un rapport - <u>une</u> mesure de la production divisée par <u>un</u> facteur de production. Mais lesquels ? Ni le numérateur, ni le dénominateur ne sont donnés à priori : ils résultent d’un choix, qui doit être à la fois conscient et raisonné. Nous commencerons par le dénominateur.
  
#'''Riziculture de submersion profonde''' ou '''riz « flottant''' » (''deep water rice''). Pratiquée dans des zones deltaïques où la lame d’eau peut atteindre 5 m, elle représente 10% des superficies cultivées et assure seulement 3% de la production mondiale. Les variétés utilisées se caractérisent par une capacité d’élongation rapide des [[entre-nœuds]] (jusqu’à 10 cm par jour) accompagnant la monté des eaux. Les rendements sont faibles (environ 1 t/ha) et sujets à une grande variabilité spatiale et interannuelle. Elle est de moins en moins attractive.  
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==Quel rendement (quels critères de comparaison) ? Le dénominateur==
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« J'ai semé, dans un demi-arpent, quatorze livres d'orge, c'est-à-dire, environ un boisseau de Paris, et néanmoins j'ai récolté 75 bottes d'orge, qui m'ont produit 40 boisseaux, ce qui fait 40 pour un. Existe-t-il un grain plus productif ? » ([[A pour personne citée::Chrestien de Lihus]], 1804 : 318).
  
#'''Riziculture de mangrove''' (''mangrove rice''). Pratiquée dans des plaines côtières soumises à l’influence des marées, elle s’appuie sur une savante gestion de l’eau douce et de l’eau salée. En saison des pluies, on dessale la rizière par submersion avec de l’eau douce, puis on installe le riz et on le protège de l’eau salée avec des digues. En saison sèche, une fois le riz récolté, on introduit l’eau de mer pour éviter l’acidification des sols, bénéficier des [[éléments nutritifs]] qu’elle apporte et contrôler l’enherbement. Les variétés utilisées doivent avoir une bonne [[tolérance à la salinité]]. Etant donnée la [[fertilité]] élevée des sols, des rendements de 5 t/ha peuvent être atteints sans utilisation d’engrais.  
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Depuis la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, les [[agronome]]s ne connaissent et ne calculent que « le » « rendement » par hectare - avec, au numérateur, d’abord un volume, puis un poids. Mais il n’existe pas qu’un moyen et un seul, universel et rationnel, pour juger les résultats d’une production : il en existe plusieurs, qui ont des significations différentes et correspondent à des situations techniques et sociales différentes. C’est parmi tous ces rendements différents – il vaudrait mieux parler de rapports ou ratios – que nous devons essayer de nous reconnaître, si nous ne voulons pas que toutes nos discussions sur les résultats quantitatifs des agricultures anciennes soient biaisées dès le départ (Sigaut, 1992), et que nos jugements sur ceux des paysanneries du Tiers-Monde soient tout aussi biaisés et les conseils qu’on en tire, inapplicables ou nocifs.
  
Dans les rizières, l’existence de conditions anaérobies peut entraîner l’apparition de problèmes liés aux caractéristiques des sols ([[acidité]], [[salinité]], [[alcalinité]], toxicité ferreuse, etc.). Le souci d’économiser les ressources en eau et le coût élevé des [[aménagements]] nécessaires à une bonne gestion de celle-ci conduisent aussi à reconsidérer l’intérêt de l’autre forme de riziculture, pluviale.
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En économie, on admet souvent que le producteur [[rationnel]] cherche à maximiser l’efficience du facteur le plus limitant ou contraignant dans son exploitation. Les facteurs que l’on peut ainsi mettre au dénominateur sont nombreux : la surface, la semence, le travail, l’eau, etc. Le choix de l’un ou l’autre n’est pas indifférent ; est pertinent celui qui est perçu comme le plus limitant ou contraignant par la société ou le producteur considéré. '''L’expression du rendement est donc révélatrice de la situation historique, géographique et sociale'''.
  
===La riziculture pluviale (''rainfed upland rice'' ou ''aerobic rice'')===
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===La semence===
C’est une culture sans submersion, alimentée par les pluies et/ou la nappe phréatique. Elle représente 12% des superficies mondiales, et 40% en Afrique. Le riz pluvial est traditionnellement cultivé dans des systèmes itinérants d’[[abattis-brûlis]] (''slash and burn''). Ces systèmes sont de moins en moins productifs du fait du raccourcissement de la durée des « [[jachère]]s » (rendements de 1 t/ha au lieu de 2 t/ha). Ils se heurtent aussi, de plus en plus, à la préoccupation de protection des forêts et de lutte contre l’[[érosion]]. La fixation de la riziculture pluviale est un important enjeu de développement. Les exemples de certaines zones densément peuplées d’Afrique et de certaines grandes exploitations du Brésil montrent que cette fixation est techniquement possible (Syaukat & Pandey, 2004; Pinheiro ''et al.'', 2006)
 
  
==L’agronomie du riz==
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En Chine, les discussions savantes sur la manière de [[cultiver]] le riz remontent à 500 ans av. J.-C. Pendant longtemps, la [[maîtrise de l’eau]] est l’élément central de ces discussions et cela se traduit par de grands aménagements hydroagricoles. Puis, vient la double culture annuelle du riz. L’empereur Song Zhenzong (997-1022) lance une révolution verte avec l’introduction, depuis l’actuel Vietnam, de variétés à cycle court permettant 2 cultures par an. Il fait rédiger et largement diffuser un véritable manuel de riziculture traitant des méthodes de semis et de repiquage, de fertilisation et d’[[irrigation]]. “''Daopin''” (Variétés de riz) serait le premier livre spécifiquement dédié à la description des techniques rizicoles et leur amélioration par l’utilisation de nouvelles variétés. La riziculture asiatique est ainsi devenue très tôt une référence [[Agronome, agronomie : étymologie|agronomique]], jusqu’en Occident où elle est donnée en exemple par [[A pour personne citée::Henri-Louis Duhamel du Monceau|Duhamel du Monceau]] (1753) pour [[intensifier]] celle du [[blé]].
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... car il est ainsi qu’en semant le blé, on a esperance qu’un grain en apportera plusieurs » ([[A pour personne citée::Bernard Palissy]], [1563] 1988 : 65).
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Plus récemment, se sont développés au Japon les approches d’analyse des [[composantes du rendement]] comme outil de [[diagnostic]] et d’optimisation de la conduite de la riziculture irriguée (Matsushima, 1966). Puis, pour la révolution verte, l’[[A pour institution citée::Institut international de recherche sur le riz|International Rice Research Institute]] (''IRRI'') a développé de nombreux travaux sur les variétés, la fertilisation, la conduite de la culture (Yoshida, 1981). Les années 90 ont vu, sous l’impulsion de l’université de Wageningen<ref>Le site officiel  de l'[http://www.wageningenuniversity.nl/UK/ Université de Wageningen]</ref>, la naissance et le perfectionnement du modèle rizicole aquatique « ''Oryza 2000<ref>[http://www.knowledgebank.irri.org/oryza2000/ Oryza 2000] sur la knowledge bank de l'IRRI.</ref>'' » ouvrant la voie à des travaux sur la définition d’[[idéotypes]] de plante, d’analyse des causes d’écart entre les rendements [[potentiels]] et les rendements observés chez les agriculteurs, et d’optimisation des [[pratiques culturales]] (Bouman ''et al.'', 2004).  
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Rendement vient de rendre. Le rendement a d’abord été exprimé par rapport à la semence qu’on a prêté ou confié à la terre : un rendement de 5 pour 1, de 100 pour 1... C’est le rendement vrai : on met dans un processus une certaine quantité de quelque chose, et on en retire une autre quantité de la même chose ; c’est une grandeur sans dimension, le numérateur et le dénominateur ayant la même unité, comme partout ailleurs qu’en agriculture. Le rendement d’une machine est le quotient, inférieur à 1 depuis Carnot, de l’énergie qu’elle restitue par celle qu’elle consomme (des Watts divisés par des Watts ou des Joules par des Joules). Celui d’un placement financier, qu’on espère au contraire supérieur à 1, est le quotient de la somme rendue par la somme placée (des euros sur des euros).
  
Quelle que soit l’époque, une question centrale a été, et reste, l’utilisation optimale de la grande [[plasticité]] des composantes du rendement du riz. Si les bases biologiques et les approches méthodologiques de cette optimisation sont sans cesse revisitées (Cassman, 1999 ; Bouman ''et al.'', 2004), les modalités pratiques de sa mise en œuvre en termes de pratiques culturales (mise en place et conduite des [[pépinières]], âge des plants au repiquage, nombre de brins repiqués par touffe, écartement entre touffes, conduite de l’irrigation, apport des fertilisant organiques ou minéraux…) sont bien connues et ont fait l’objet de nombreux ouvrages de [[vulgarisation]], notamment par des agronomes français impliqués dans l’[[amélioration]] de la production du riz en Indochine, à Madagascar et en Afrique (Dobelmann, 1961 ; Angladette, 1966). C’est la connaissance et l’exploitation de cette plasticité qui permet d’atteindre des niveaux de production similaires à travers le monde, avec des [[itinéraires techniques]] différents, orientés par les conditions [[pédoclimatique]]s, hydriques et économiques locales. Mais l’avènement de la révolution verte en Asie et son peu de succès en Afrique, montrent que l’adoption des pratiques rizicoles dépend aussi fortement du contexte socioculturel, des stratégies et des systèmes de production des agriculteurs, et des politiques agricoles des Etats.
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C’est ce rendement que le producteur cherche à maximiser - et qui est donc le critère de jugement pertinent - lorsqu'il se trouve devant le choix cornélien : « ce que je viens de récolter, ou bien je le garde comme semence pour l’an prochain, et je continue à avoir faim ; ou bien je le consomme maintenant, et je n’aurai rien à semer l’an prochain ». Ce qui a été la situation de l’humanité pendant des millénaires, et l’est encore parfois dans certaines régions du monde.  
  
Mis au point à Madagascar dans les années 80, le SRI ou « Système de Riziculture Intensive » ([[A pour personne citée::Henri de Laulanié|Laulanié]], 1993) est un [[itinéraire technique]] basé sur le repiquage, à un seul brin par touffe et en touffes espacées, de plants très jeunes, et où la rizière est maintenue humide mais non submergée. Sa promotion mondiale (Uphoff ''et al.'', 2002) a relancé le débat sur les  besoins en eau du riz (Stoop ''et al.'', 2002 ; Dobermann, 2004) dans un contexte de compétition croissante entre les usages rizicoles, urbains et industriels de l’eau, en particulier en Asie (Barker ''et al.'', 2000). Les variétés de riz adaptées à la culture aquatique sont capables de transférer de l’oxygène depuis les parties aériennes vers les racines (Armstrong, 1967) et préfèrent les sols légèrement réduits plutôt que les conditions d’oxydation ou de réduction extrême (Kludze & Delaune, 1995). Des systèmes d’irrigation assurant la [[saturation]] permanente du sol sans présence de lame d’eau, permettent d’obtenir des rendements équivalents aux systèmes d’irrigation conventionnelle avec lame d’eau permanente de 10-15 cm (Bouman & Tuong, 2001). Cependant la durabilité de ces systèmes reste incertaine, en particulier dans le contexte de la monoculture du riz, avec parfois 2 à 3 cycles de riz par an (Dobermann ''et al.'', 2000 ; 2002). En effet, au-delà de l’impossibilité ou du coût exorbitant de [[drainage]] de beaucoup de grandes plaines rizicoles pendant les saisons des pluies, et au-delà de son rôle capital dans la lutte contre l’enherbement, la présence d’une lame d’eau stabilise les processus physico-chimiques du sol et assure une intense vie biologique à la surface des rizières (Roger, 1996) ; la production de C et N qui en résulte constitue une des clés de la stabilité des rendements du riz pendant de très long périodes (Dobermann, 2004 ; Buresh ''et al.'', 2001). De ce fait, si, pendant la [[phase végétative]], le maintien d’une lame d’eau faible est largement recommandé pour ne pas contrarier le [[tallage]] du riz, le drainage de la rizière, sans désaturer le sol, n’est recommandé que pour l’apport des [[engrais de couverture]] avant l’initiation paniculaire, sauf dans les sols souffrant de problèmes particuliers tels que l’excès de fer. L’existence même de la riziculture pluviale montre qu’il est possible de cultiver le riz en conditions d’aérobiose. Mais, pour éviter des difficultés croissantes de maîtrise de l’enherbement et une chute importante des rendements au-delà de 3-5 ans de monoculture, les paysans sont conduits à pratiquer ce type de riziculture en [[rotation]] avec d’autres plantes (Jacquot & Courtois, 1983). D’autres aspects du SRI font débat, comme la rigidité du système vulgarisé pour l’âge des plants au repiquage ou le nombre de pieds par touffe, alors que son initiateur préconisait de prendre en compte les facteurs locaux (y compris sociaux, comme de savoir si ce sont les femmes qui repiquent) plutôt que de s’attacher à appliquer à la lettre un système mis au point dans des conditions précises à Madagascar (Laulanié, 2003).
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Ainsi, aux XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles, des cultivateurs et agronomes de toute l’Europe ont cherché à battre le record du plus grand nombre d’épis ou de grains sur un pied de blé.
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|« M. Georges Villers présente une plante de blé (...) offrant un exemple de fécondité remarquable (...) 116 épis ayant en moyenne 35 grains, ce qui donne un nombre total de 4 060 grains » (Bull Soc. Agric. Bayeux, 1850-51, 1 : 296). Les histoires de ce genre ne sont pas rares. (...). Le record absolu est sans doute détenu par un pied d’orge qui, d’après Davy (1820 : 240) aurait produit 249 tiges et plus de 18 000 grains. ». (Sigaut, 1992).
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L’inondation des rizières peut entraîner un coût important en main d’œuvre pour assurer la construction de terrasses lorsque le relief est important. Mais les terrasses, outre le gain important de rendement qu’elles permettent, sont aussi un bon moyen de lutter contre l’érosion ; ainsi, le gouvernement du Vietnam subventionne-t-il avec succès l’enterrassement pour convertir le système rizicole pluvial sur défriche-brûlis des montagnards, en système rizicole inondé, tandis que l’adoption de [[couvertures végétales]] pour stabiliser la riziculture pluviale ne se développe pas (Affholder ''et al.'', 2008).
+
Bien entendu, pour obtenir de tels rendements, on éliminait toute [[compétition]] entre pieds (voir ci-dessous), et on favorisait très artificiellement le [[tallage]].
  
La recherche rizicole doit maintenant relever 3 grands défis interdépendants :
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===Le travail===
* défi agronomique : pour faire face à la demande, il faut continuer à augmenter la production malgré des superficies cultivées en diminution ;
 
* défi environnemental : la riziculture pluviale doit limiter ses effets sur l’émission de CO<sub>2</sub> (défriche-brûlis) et l’érosion, tandis que la riziculture inondée est interpelée sur ses émissions de méthane et ses consommations en eau.
 
* défi économique : le riz est d’abord un aliment pour les pauvres, qui doit rester abordable pour ceux-ci. Or les formes les moins coûteuses de production sont aussi les plus [[extensives]], et l’intensification implique souvent d’importants investissements hors de leur portée.
 
  
Pour répondre à ces 3 enjeux, la recherche agronomique a développé plusieurs champs d’activités qui ont pris d’autant plus d’importance que le riz bénéficie du statut de [[plante modèle]] en raison de son importance économique.
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Dans les agricultures non [[motorisation | motorisées]], le travail est souvent limitant, en particulier lors du [[labour]]. Ce que le producteur cherche à maximiser est alors la production par jour de travail de labour.
  
Plusieurs équipes travaillent sur le développement de riz [[hybride]]s. Les barrières de stérilité sont tombées et les gains de production sont notables. Toutefois ce type de variétés hautement améliorées demande aux producteurs des niveaux de technicité et d’investissements en intrants correspondant à leur productivité. Or, le riz étant principalement une culture de subsistance, cela pose problème pour les petites exploitations familiales. Ces variétés demandent également une importante et coûteuse structure de production de semences, qui ne peut actuellement couvrir l’ensemble des surfaces rizicultivées, surtout dans les pays les plus pauvres.
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Lorsqu’une unité de mesure de la surface des terres n’est pas fixe et uniforme, mais calée sur la surface labourée en un jour ([[acre]], arpent, [[journal]], hommée…), qui dépend des caractéristiques du sol, un rendement calculé par rapport cette unité est, de fait, une mesure de la productivité du travail de labour et non, contrairement aux apparences, de l’efficience de la conversion de l’énergie solaire ! C’est ce qu’illustre le texte suivant - et c’est ainsi que l’on devrait commencer par lire les autres, avant de chercher à traduire ces données en quintaux par hectare :
  
Pour mettre au point des variétés répondant aux besoins des petits producteurs (productivité, qualité, tolérance à de multiples contraintes, faible niveau d’intrants), d’autres techniques ont été utilisées, comme le [[transfert de gène]]s ([[OGM]]), l’utilisation de mutants ou les croisements interspécifiques C’est le cas du « riz doré », du cultivar « ''clearfield'' » et des variétés ''Nerica''. Pour l’OGM « riz doré », le but est d’avoir des grains riches en β-carotène, dimère de la vitamine A (Ye ''et al.'', 2000) ; mais une diète diversifiée, incluant des [[légumes]], peut aussi permettre d’apporter les mêmes caroténoïdes, en évitant les problèmes spécifiques liés aux OGM (Enserink, 2008). Le cultivar « ''Clearfield'' » a été obtenu par mutagénèse et [[sélection]] conventionnelle afin de [[résistance à des herbicides|tolérer un herbicide]] ; il s’agit donc ici de lutter plus facilement contre les [[adventice]]s ; mais certaines études ont montré des flux de gènes possibles entre ces variétés et les riz sauvages adventices (Shivrain ''et al.'', 2009). Dans le cas du ''Nerica'' (''New Rice for Africa'') mis au point par le Centre Africain du Riz en croisant les espèce ''O. sativa'' et ''O. glaberrima'' (Jones ''et al.'', 1997), la diffusion s’est faite de façon parfois déconnectée des réalités locales, et certaines ONG le voient aujourd’hui comme une opération publicitaire et un allié des grands riziculteurs industriels (Grain, 2009), alors qu’il avait été mis au point pour les petits paysans.  
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|valign="top" align="center" width="30%"|« Quantité de terres qu’un homme peut labourer en un jour, avec des chevaux ou avec des bœufs.
  
La diffusion de ce type de matériels pose des problèmes liés au fait que le riz est une plante partiellement autogame, dont le groupe botanique est important et comprend plusieurs [[Mauvaise herbe|mauvaises herbes]] très proches des espèces cultivées. Le risque de contamination d’autres espèces n’est donc pas négligeable. Les difficultés des agriculteurs les plus pauvres à accéder durablement à ce type de variétés sont aussi souvent évoquées.
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Journal<br/>''Jugerum''
  
Les activités de recherche actuelles portent également sur l’économie de l’eau. Des variétés possédant une meilleure [[efficience de l'eau|efficience dans l'utilisation de l'eau]] sont en cours de développement, ainsi que des méthodes agronomiques appropriées pour répondre aux problèmes de la disponibilité en eau et des périodes de sécheresse. Dans ce cadre, une opération ambitieuse cherche à transformer le riz en [[plante C4]] (Bianjiang & Demao, 2009).
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Acre
  
==Étymologie <small>(Du [http://uses.plantnet-project.org/fr/Dictionnaire_%C3%A9tymologique Dictionnaire étymologique] Plantnet Project)</small>==
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Produit d’un arpent de terres en blé
* latin classique ''oryza'', ''oriza'', ''oridia''
 
* grec ''ὄρυζα'' - ''oruza'' (Dioscoride, livre 2) ou ''ὄρυζον'' - ''oruzon'' (Théophraste)
 
* Emprunt à l'iranien oriental, cf. afghan ''vrižē'' f. pl. "riz", etc.
 
* L'histoire de la diffusion du mot en Europe est complexe, car le riz s'est diffusé tard en tant que plante cultivée (vers 1400).
 
* L'italien a emprunté ''riso'' au grec byzantin ''ρύζι'' - ''rizi'', diminutif hérité du grec ancien ''ὄρυζα'' - ''oruza''. ''Rizi'' a été perçu en italien comme un pluriel, d'où ''riso''. Les Italiens ont en effet importé le riz depuis l'Egypte via les Byzantins.
 
* Le français a emprunté l'italien ''riso'' sous la forme ''ris'', refaite en riz sous l'influence du latin ''oryza''.
 
* L'anglais ''rice'' est emprunté au français.
 
* Par contre, l'espagnol ''arroz'', le portugais ''arroz'' et le catalan ''arròs'' viennent de l'arabe ''أرز'' - ''ar-ruzz''. Ce dernier peut provenir du grec ou d'une langue d'Asie centrale.
 
  
==Autres langues européennes==
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|valign="top"|L’arpent est la valeur de ce qu’un homme avec 2 ou 3 chevaux, selon la force des terres, peut labourer en un jour, ou en deux jours avec des bœufs. Ce rapport avec la journée d’un homme fait qu’en plusieurs pays, comme en Picardie, &c. on compte par journal, qui est à-peu-près l’arpent de Paris, & aussi à-peu-près la même chose que le jugerum d’Italie, ainsi nommé parce qu’il contient ce que deux bœufs peuvent labourer en un jour. En Bretagne on mesure aussi par journal. Les deux journaux reviennent à l’acre de Normandie, peu plus, &c.
Voir [http://uses.plantnet-project.org/en/Oryza_sativa_%28Common_names%29 Oryza sativa (Common names)] sur le site Plantnet Project.
 
  
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L’arpent des terres ordinaires peut produire 200 gerbes de blé qui rendent année commune quatre septiers de blé. Il y a des terres qui passent ce produit, & qui portent jusqu’à 300 gerbes, & rendent six septiers de grains, selon les années. »
  
==Références citées==
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(La Bretonnerie, 1782, t. 2 : 86).
* Affholder F., Jourdain D., Morize M., Dan Dinh Quang, Ricome A., 2008. Éco-intensification dans les montagnes du Vietnam. Contraintes à l’adoption de la culture sur couvertures végétales. ''Cah. Agric.'' 17 (3): 289-296. [http://www.jle.com/fr/revues/agro_biotech/agr/e-docs/00/04/3E/C1/article.phtml Texte intégral] sur le site des Éditions John Libbey Eurotext.
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* Angladette, 1966. ''Le Riz''. Maisonneuve et Larose, Paris, 930 p.
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* Armstrong, W., 1967. The oxidizing activity of roots in waterlogged soils. ''Physiol. Plant''. 20, 920–926.
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* Atlin G.N., Lafitte HR, Taob D., Laza M., Amante M., Courtois B., 2006. Developing rice cultivars for high-fertility upland systems in the Asian tropics. ''Field Crops Res''. 97: 43–52
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===L’eau===
* Barker R., Dawe D, Tuong T.P, Bhuiyan S.I., Guerra L.C., 2000. The outlook for water resources in the year 2020: challenges for research on water management in rice production. ''Int. Rice Comm. Newsl''. 49, 7–21.
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* Bianjiang Z., Demao J., 2009. Constructing C4 rice - the challenge of new green revolution. AJFS 3 (13) : 434-44. [http://www.academicjournals.org/ajfs/PDF/Pdf2009/Dec%202/Bianjiang%20and%20Demao.pdf Texte intégral (en pdf)] sur le site academicjournals.org.
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Le « [[coefficient de transpiration]] » de la littérature agronomique, quantité d’eau évaporée par le couvert végétal pour produire 1 kg de [[matière sèche]] récoltée ([[A pour personne citée::Albert Demolon|Demolon]], 1956 : 111-112), est l’inverse arithmétique d’un rendement : il est équivalent de dire « 500 litres d’eau par kg de matière sèche » ou « 2 kg de matière sèche par m<sup>3</sup> d’eau ».
* Bouman B.A.M., Tuong T.P., 2001. Field water management to save water and increase its productivity in irrigated lowland rice. ''Agric. Water Manag.'' 49, 11–30.
+
 
* Bouman B.A.M., Kropff M.J., Tuong T.P., Wopereis M.C.S., ten Berge H.F.M., Van Laar H.H., 2004. ''ORYZA2000: Modeling Lowland Rice.'' International Rice Research Institute, Los Baños, Philippines and Wageningen University and Research Centre, Wageningen, The Netherlands.
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Jusqu’à présent, il a surtout été utilisé dans les régions arides où ce que l’on cherche à maximiser est la production par mètre cube d’eau d’[[irrigation]]. Le changement climatique et la concurrence croissante entre différents usages de l’eau, même dans les régions tempérées humides, pourront donner une importance croissante à ce critère et à ce mode d’expression du rendement.
* Buffon (Leclerc, Comte de) G.L., 1777. Nourriture de l’Homme dans les différents climats. In : ''Histoire Naturelle, générale et Particulière, Servant de suite à l’Histoire naturelle de l’Homme Supplément''. T. 4 : 402-404. [http://www.buffon.cnrs.fr/ice/ice_page_detail.php?lang=fr&type=text&bdd=buffon&table=buffon_hn&bookId=33&typeofbookDes=hns&pageChapter=IV.+Nourriture+de+l%92Homme+dans+les+diff%E9rens+climats%0D&pageOrder=406&facsimile=off&search=no Texte intégral] sur le site www.buffon.cnrs.fr.
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* Buresh R.J., Dawe D., Tuong T.P., Ladha J.K., Bouman B.A.M., Lantin R.S., Peng S., Mortimer M., Hill J.E., 2001. Sustainable soil and water management of irrigated rice ecosystems. ''Workshop on Integrated Management for Sustainable Agriculture, Forestry and Fisheries''. 28–31 August 2001. CIAT, Cali, Colombia. [http://webapp.ciat.cgiar.org/inrm/workshop2001/index.htm Actes] sur le site du Centro Internacional de Agricultura Tropical (CIAT).
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===La surface===
* Cassman K.G., 1999. Ecological intensification of cereal production systems: Yield potential, soil quality, and precision agriculture. ''Proc. Natl. Acad. Sci.'', 96 : 5952–5959.
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* Dobelmann J.P., 1961. ''Manuel de riziculture améliorée à l’usage des conseillers ruraux''. Tananarive. 239p.
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Pour l’écophysiologiste, le « rendement » par unité de surface permet de juger l’efficacité de l’[[interception]] et de la [[conversion du rayonnement solaire]] par le [[couvert végétal]] cultivé.
* Dobermann A., Dawe D., Roetter R.P., Cassman K.G., 2000. Reversal of rice yield decline in a longterm continuous cropping experiment. ''Agron. J.'' 92, 633–643.
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* Dobermann A., Cassman K.G., 2002. Plant nutrient management for enhanced productivity in intensivegrain production systems of the United States and Asia. ''Plant Soil'' 247, 153–175.
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Pour le producteur, ce critère n’est pertinent que lorsque les facteurs limitants ci-dessus ont été levés, et que ce qui limite sa production ou le revenu qu’il en tire est principalement la surface qu’il peut exploiter.  
* Dobermann A., 2004. A critical assessment of the system of rice intensification (SRI) ''Agric. Syst.'', 79 (3) 261-281.
+
 
* Duhamel du Monceau H.L., 1753. ''Traité de la culture des terres, suivant les principes de M. Tull, Anglois''. Tome second, Paris. [http://books.google.fr/books?id=ihkOAAAAQAAJ&pg=PR10&dq=Trait++de+la+culture+des+terres,+suivant+les+principes+de+M.+Tull,+Anglois&hl=fr&ei=m7WYTOOzHc3-Oe_f9NMP&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CCsQ6AEwAA#v=twopage&q&f=false Texte intégral] sur Google Books.
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===Demain, les combustibles fossiles ?===
* Enserink M., 2008. Tough Lessons From Golden Rice. ''Science'' 320 (5875): 468-71.
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* Grain, 2009. ''Le riz Nerica - un autre piège pour les petits producteurs Africains''. [http://www.grain.org/briefings/?id=216 Texte intégral] sur le site de l'ONG GRAIN.
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L’épuisement des énergies fossiles et l’objectif actuel de réduction des émissions de gaz à effet de serre feront sans doute bientôt calculer, à côté du rendement par hectare, un rendement par tonne de combustible fossile utilisé (ou de CO<sub>2</sub> rejeté), en prenant en compte la totalité des consommations, y compris l’énergie utilisée pour la fabrication des engrais. Cela pourra conduire à de profondes modifications dans les techniques et les systèmes de culture ([[rotation]]s avec [[légumineuses]]).
* Jacquot M., Courtois B., 1983. ''Le riz pluvial. Le Technicien d'agriculture tropicale''. Maisonneuve et Larose, Paris, 134 p.
+
 
* Jeanguyot M., Ahmadi N., 2005. ''Grain de riz, grain de vie''. Magellan, Paris, 129 p.
+
==Avec quels choix techniques pour chacun d’eux ?==
* Jones M.P., Dingkuhn M., Johnson D.E., Fagade S.O., 1997. Interspecific Hybridization: Progress and Prospect. Proc. of the Workshop: Africa/Asia Joint Research, Interspecific Hybridization between African and Asian Rice Species (Oryza Glaberrima and Oryza Sativa). WARDA, Bouaké:.
+
 
* Klee M., Zach B., Neumann K., 2000. Four thousand years of plant exploitation in the Chad Basin of northeast Nigeria. I. The archaeobotany of Kursakata. ''Vegetation History and Archaeobotany'' 9: 223–237.
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On ne peut maximiser qu’un seul critère à la fois. On ne peut pas maximiser en même temps les rendements à la semence, au travail, à l’eau, à l’hectare... Pire : certains sont strictement antinomiques. Et les choix techniques qui permettent de maximiser l’un ou l’autre sont différents, parfois radicalement.
* Kludze H.K., Delaune R.D., 1995. Gaseous exchange and wetland plant response to soil redox intensity and capacity. ''Soil Sci. Soc. Am. J.'' 59, 939–945.
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* Laulanié H. de, 1993. Le système de riziculture intensive malgache. ''Tropicultura'' (Brussels), 11:3, 110-114.
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Pour maximiser le rendement par rapport à la semence, il faut éviter toute [[concurrence]] entre plantes, d’où des [[densité de semis | densités de semis]] très faibles et un [[indice foliaire]] longtemps très bas, qui ne permet pas de valoriser toute l’énergie solaire disponible : viser un rendement / semence élevé conduit forcément à un « rendement » à l’hectare bas. Et inversement : pour maximiser le « rendement » à l’hectare, il faut avoir très tôt un indice foliaire élevé pour capter le rayonnement solaire, donc des densités de semis élevées et une forte concurrence entre plantes, qui conduisent à un faible rendement par rapport à la semence (fig. 1).
* Laulanié H. de, 2003. ''Le riz à Madagascar''. Tananarive/Paris, Ambozontany/Karthala, 288 p.
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* ''Le Mesnagier de Paris...'', ca 1393. Edition moderne : Livre de Poche, coll. "Lettres gothiques", Paris, 1994.[http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k83110x.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.  
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<center>[[Fichier:Fig1 rendements.jpg]]</center>
* Matsushima S., 1966. ''Crop science in rice. Theory of yield determination and its application''. Tokyo, Fuji publ., 365 p.
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* Pinheiro B.S., de Castro E.M., Guimarares C.M., 2006. Sustainability and profitability of aerobic rice production in Brazil. ''Field Crops Res.'' 97: 34-42
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Cela ne devrait-il pas faire partie du B-A-BA de l’agronomie ?
* Pline l’Ancien, ca. 77. ''Naturalis historia liber XVIII'' (histoire naturelle livre XVIII traitant des céréales). Traduction d'Émile Littré, Dubochet, Paris, 1848-1850 (p. 13). [http://web2.bium.univ-paris5.fr/livanc/?cote=39197x01&p=677&do=page Texte intégral] sur le site de la Bibliothèque interuniversitaire de médecine (BIUM).
+
 
* Portères R., 1950. Vieilles agricultures de l'Afrique intertropicale. Centres d'origine et de diversification variétale primaire et berceaux d'agriculture antérieurs au XVIe siècle. ''L'Agronomie tropicale'', 5 (9/10): 489-507.
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Il se trompe donc du tout au tout, celui qui prend le critère « rendement à l’hectare » pour juger l’efficacité du paysan qui, en situation de disette, a cherché et réussi à maximiser le rendement à la semence, avec une très faible densité de semis ! C’est pourtant ce que font, de nos jours, de nombreux agronomes - et, pour le passé, les historiens qui cherchent à ramener à l’hectare les rendements donnés à la semence - alors même que la densité de semis est très rarement indiquée en même temps que le rendement/semence… (Rappelons que : Rendement / hectare = rendement / semence  x  densité de semis (en poids) / ha).  
* Roger P.A., 1996. ''Biology and management of the floodwater ecosystem in rice fields''. IRRI / ORSTOM, Manila. 250 p.
+
 
* Shivrain V.K., Burgos N.R., Sales M.A. , Mauromoustakos A., Gealy D.R., Smith K.L., Black H.L., Jia M., 2009. Factors Affecting the Outcrossing Rate between Clearfield Rice and Red Rice (Oryza sativa). ''Weed Science'': 57(4): 394-403.
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Dans les Andes du Pérou (Bourliaud ''et al''., 1986 ; Morlon ''et al''., 1992), le labour à la bêche andine (''chaquitaclla'') de toute la surface du champ permet de meilleurs rendements de [[pommes de terre]] à l’hectare que celui en [[billon]]s, où seule une bande de terre sur deux est retournée et posée sur la bande non retournée. Mais ce dernier, qui demande 2 à 3 fois moins de travail par hectare, donne de meilleurs rendements (productivités) par jour de travail de labour. Dans un même village, un paysan qui a peu de terres et beaucoup de main d’œuvre choisira donc le labour complet, et à l’inverse celui qui a beaucoup de terres et peu de main d’œuvre celui en billons : et cela n’a aucun sens de dire que l’un a été plus efficace, car ils ne peuvent pas être jugés suivant le même critère.
* Stoop, W.A., Uphoff, N., Kassam, A., 2002. A review of agricultural research issues raised by the system of rice intensification (SRI) from Madagascar: opportunities for improving farming systems for resource-poor farmers. ''Agric. Syst.'' 71, 249–274.
+
 
* Syaukat Y., Pandey S., 2004. The future perspective of upland rice farmers in Indonesia in the era of globalization. In Toriyama K., Heong K.L., Hardy B. (ed): Rice is life: scientific perspectives for the 21st century. ''Proc. of the World Rice Research Conference'' held at Tsukuba, Japan on 5-7 Nov 2004
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Depuis des milliers d’années sans doute, existe dans les techniques de [[semis]] des agricultures « traditionnelles » une nette opposition entre l’Occident (de l’Atlantique à l’Afghanistan) et les autres régions du monde. En Occident, on semait le plus souvent les céréales à la volée, ce qui donnait des rendements à la semence de 4 à 10 pour 1. Dans le reste du monde, les techniques de semis sont diverses, mais le semis à la volée est assez rare. On sème ordinairement en lignes (à la main ou au semoir) ou en [[poquets]], ou encore en [[pépinière]] avec repiquage (le [[riz, rizière, riziculture | riz]]) ; et dans de nombreux cas, on fait prégermer les graines avant de les semer. Les rendements permis par ces techniques sont de l’ordre de 50 à 150 pour 1, soit 10 à 20 fois plus qu’avec le semis à la volée. Le rendement à la surface, lui, ne diffère pas ; ce qui change, c’est la quantité de semence. Avec une première conséquence, c’est que la pression de sélection est 10 fois plus forte dans le second cas : ce n’est sans doute pas un hasard si le [[maïs]], la céréale sans doute la plus transformée par l’homme, est celle qui donne les rendements à la semence les plus élevés (son ancêtre sauvage n’ayant rien d’exceptionnel de ce point de vue). Ce qui change aussi, c’est la quantité de travail nécessaire pour semer ou planter. Les rendements à la semence élevés résultent de techniques de semis exigeantes en main d'œuvre, par opposition au semis à la volée qui consomme beaucoup moins de travail mais plus de semence. Les rendements à la semence relativement faibles (4 ou 5 pour 1) ne signifient pas forcément une agriculture pauvre, mais seulement qu’on sème à la volée et qu’on sème épais, c’est à dire qu’on prodigue la semence pour épargner la main d’œuvre parce que celle-ci est limitée ou chère. A l’inverse, des rendements à la semence élevés (100 pour 1 et plus) indiquent presqu’à coup sûr que la main d’œuvre est abondante et peu coûteuse. (Sigaut, 1992)
* Sweeney M., McCouch S., 2007. The Complex History of the Domestication of Rice. ''Annals of Botany'' 1–7, 2007
+
 
* Trébuil G, Hossain M., 2004. ''Le riz : Enjeux écologiques et économiques''. Belin, Paris, 265 p.
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L’utilisation du seul critère « rendement à l’hectare », propre aux agricultures [[mécanisation | mécanisées]] où les [[champ]]s sont uniformément cultivées et ensemencées d’une seule espèce, pour juger de l’efficacité des techniques employées par des paysans ou des agriculteurs dans n’importe quel (autre) type d’agriculture et situation, est ainsi la cause d’innombrables erreurs de jugement et de l’échec ou des résultats désastreux de nombreuses actions de « vulgarisation » ou « développement agricole » dans le monde. On peut se demander s’il n’y a pas un lien entre l’utilisation exclusive de ce critère et une forme d’agriculture professionnelle entrepreneuriale et non plus paysanne.
* Uphoff, N., Fernandes E.C.M., Yuan L.P., Peng J.M., Rafaralahy S., Rabenandrasana, J., 2002. Assessment of the system for rice intensification (SRI). ''Proc. of an International Conference'', Sanya, China, April 1–4, 2002. [http://ciifad.cornell.edu/sri/proccontents.html Texte intégral] ) sur le site du Cornell International Institute for Food, Agriculture, and Development (CIIFAD), de Cornell University.
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* Ye X, Al-Babili S, Klöti A, Zhang J, Lucca P, Beyer P, Potrykus I., 2000. Engineering the provitamin A (beta-carotene) biosynthetic pathway into (carotenoid-free) rice endosperm. ''Science'', 287 (5451): 303-5.
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Historiquement, l'expression du rendement par rapport à la surface s'est fortement et brutalement développée au début du XIX<sup>e</sup> siècle (on la trouvait certes déjà avant, mais beaucoup moins). Les statistiques administratives, qui prennent un développement spectaculaire sous la Révolution et surtout sous l'Empire, ont joué un rôle majeur. On peut aussi penser que, sous l’Ancien Régime, l’expression du rendement à la surface a pu être freinée par la grande variabilité des unités de mesure d’une province à l’autre, alors qu’un rendement à la semence, indépendant des unités de mesure, est universellement comparable. Mais cela pourrait aussi s'expliquer par les changements dans le rapport à la propriété foncière provoqués par la Révolution : le passage d'une propriété aristocratique héritée, souvent vaste, d'où on tirait du prestige et un revenu sans grande considération de la surface, à une propriété achetée par des bourgeois qui, ayant payé chaque arpent, voulaient en tirer le maximum de profit.
* Yoshida S., 1981. ''Fundamentals of rice crop science''. IRRI, Los Baños, Philippines, 269 p.
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== Le numérateur ==
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===Quelques pièges===
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Si le choix du dénominateur dépend des conditions de la production, celui du numérateur dépend de l’objectif de la comparaison, c’est à dire de la question qu’on se pose – et, pour être valable, il exige dans tous les cas au moins une condition. Un exemple, pris parmi beaucoup d’autres, permettra d’illustrer les pièges à éviter.
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|« La canne à sucre constitue, en 2004, la plus importante production agricole mondiale avec 1 318 millions de tonnes (Mt) produites annuellement, sur 20,1 millions d’hectares (Mha), avec un rendement moyen mondial de 65,5 tonnes/hectare. Le maïs est la seconde production : 705 Mt, sur 145 Mha ; le blé est la troisième : 624 Mt, sur 217 Mha » (Fahrasmane, 2005).  
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Que compare ce texte ?
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Une récolte contenant 70% d'eau à des [[grain]]s qui en ont 15% - or il n’y a de production végétale, et donc de rendement, que de matière sèche (MS) (voir [[croissance]]) : loin d’être une production, l’eau contenue dans la récolte doit être éliminée pour en permettre la conservation, et représente un coût de transport inutile. La condition de validité de toute comparaison est donc de ne retenir que la MS – à moins que la question posée ne concerne le poids à transporter des champs aux lieux de stockage ou transformation.
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Si la question porte sur l’alimentation humaine, d’un côté une plante récoltée entière, en comptant ce qui ne sert pas et sera brûlé, de l’autre les seuls grains, sans compter la paille… Si l’on retire encore les fibres et autres déchets, il reste d’un côté (sur le tonnage récolté) 14% de sucre, et de l’autre 70 à 75% d’amidon, protéines et sels minéraux...
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Si c’est l’efficacité photosynthétique des deux espèces que l’on veut comparer, est-il pertinent d’utiliser des moyennes mondiales ? Pour l’essentiel, le [[froment | blé]] est produit dans des conditions (climats secs ou avec hiver marqué, ou petits paysans ne pouvant acheter d’intrants) dans lesquelles la [[canne à sucre]], cultivée toujours de façon intensive en climat tropical humide ou avec irrigation, ne donnerait rien.
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===Plusieurs cultures dans un même champ : les cultures associées===
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(§ à transférer dans l’article "cultures associées", en faisant simplement un renvoi dans celui-ci)
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Lorsque plusieurs espèces sont [[cultures associées |associées]] ou [[cultures intercalées | intercalées]] dans un même champ, on peut certes calculer le rendement de l’ensemble en prenant la matière sèche totale récoltée. Mais cela n’a de sens que si les différents produits récoltés sont de qualité similaire, comme c’était le cas pour le [[méteil]] (mélange blé-[[seigle]]) ; ou bien s’ils sont complémentaires et utilisés ensemble : on prend ainsi la valeur fourragère totale d’un [[foin]] de prairie, sans séparer les espèces.
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Mais, lorsque les produits récoltés sont de qualité différente ou utilisés séparément, comme, par exemple, l’association niébé-[[coton]] en Afrique, ou [[maïs]]-[[haricot]] en Amérique tropicale, ou de très nombreux jardins, il a fallu trouver autre chose.
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Pour comparer la performance de l’association à celle des mêmes espèces cultivées séparément (avec les mêmes techniques, bien sûr), on utilise le [[LER]] (''Land Equivalent Ratio''), défini comme la surface relative nécessaire en cultures pures pour avoir la même production que l’association :
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LER = (rendement culture 1 associée / rendement culture 1 pure) + (rendement culture 2 associée / rendement culture 2 pure) + ...
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Un LER supérieur à 1 indique que l’association est plus performante que les cultures pures, et inversement – par exemple, un LER de 1,15 signifie que, pour obtenir la même quantité en cultures pures, il faudrait 15% de surface en plus.  
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Aucune traduction française de ce terme ne s’est imposée, parmi les nombreuses proposées : « utilisation équivalente de terrain », « coefficient de rendement équivalent », « rendement relatif total », « rapport de surface équivalente » « rapport de production par unité de terrain » « ratio de productivité relative »... (Dagnélie., 2003 : 313 ; Endondo & Samatana, 1999 ; Justes ''et al''., 2009 ; Kafara, 2003 ; Nouri & Reddy, 1991 ; Salez, 1986 ; Samson & Autfray, 1992).
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===Plusieurs produits d’une même culture : quand il n’y a pas de « sous-produits » mais des « co-produits »===
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Dans notre société d’abondance et notre agriculture de surproduction, on ne s’intéresse qu’au rendement en grains (ou en sucre, fécule, etc.) des cultures, le reste étant considéré comme des « sous-produits », voire des déchets. Mais il n’en a pas toujours été ainsi : les autres organes servaient de litière, [[fourrage]], toiture, combustible... et l’on s’intéressait aux rendements de tous ces produits : « Et que nul chaume ne soit vendu d’aucun manoir mais soit cueilli, et assemblé tant qu’il y en aura besoin pour couvrir les maisons (...) » (« ''E nul estuble ne seit vendu a nul maner mes seit coilli, e asemble tant cum lem avera mester a mesons coverir...'' », ''Seneschaucie'', ~1275) ; « et le fourrage (la paille) payera le battage » (« ''e le forage aqitera la baterie'' », Henlé, ~1280).
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Et il n’en est pas ainsi partout. Au Pérou, « C'est ainsi que les agriculteurs déclaraient automatiquement les trois usages que l'on donne au maïs : fourrage, chicha (boisson fermentée) et alimentation humaine (...) Un autre facteur qui affecte le rendement [en grains] est l'objectif de la culture : grain seul ou grain et fourrage, car en général le maïs contribue fortement à la production de fourrages. Plus le climat est froid (altitude) ou sec, et plus le rendement en grain, faible et aléatoire, devient secondaire par rapport au fourrage. A partir du moment où il y a plusieurs productions, il n'y a pas d'unité commune (on n'ajoute pas des kg de grain à des kg de paille) qui permette de juger "le" rendement le plus élevé » (Morlon ''et al''., 1992 : 311-312).
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==Quelles échelles de temps et d’espace ? Les rendements à l’échelle d’un territoire et d’une rotation==
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Jusqu’à ce qu’on sache fabriquer des [[engrais]] chimiques en grandes quantités, et en dehors de petites zones comme le pourtour des villes ou les côtes maritimes, le maintien de la [[fertilité]] des terres labourées - et donc des rendements, quel qu’en soit le mode de calcul - n’était possible que grâce à deux moyens :
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* Le premier était le transfert, le plus souvent via le bétail ([[fumier]] ou [[parcage]]), d’éléments provenant des [[prairies permanentes]], landes et forêts. C’est ce que [[A pour personne citée::Adrien de Gasparin|Gasparin]] appelle les « systèmes avec engrais extérieurs » :
  
==Pour en savoir plus==
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|« On obtient de plusieurs manières les engrais extérieurs : 1° des bestiaux nourris sur des pâturages sont amenés la nuit sur des terres en culture, et y laissent une partie de leurs déjections; c'est le parcage; 2° on coupe la broussaille, le bois, les herbes vertes sur des terrains non cultivés et on les transporte sur le terrain cultivé pour les y brûler, les y enfouir, l'en couvrir ; 3° on enlève le gazon d'un terrain non cultivé, et on le transporte sur les terres cultivées, pour l'y répandre ou l'y brûler; c'est ce que l'on nomme l'étrépage ; 5° on achète les engrais fabriqués ou produits au dehors » (1849 : 209 ss) - le mot engrais désignant ici le fumier et les engrais verts : « la fabrication d'engrais suppose que l'on a obtenu du sol les matériaux de ces engrais, c'est-à-dire des tiges, des feuilles, dont l'usage définitif est d'être soumis à la fermentation qui désagrège leurs éléments, en les faisant servir à la nourriture des animaux (...) » (id. : 3).
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====Bibliographie complémentaire====
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* Le second était la « suspension [dans le temps] de la culture la plus avantageuse », soit par un temps de « [[repos et fatigue des terres | repos]] », soit en lui « substituant une culture qui, isolément, n'est pas aussi productive. C'est ainsi qu'a été introduite la culture intercalaire du fourrage ». « Dans tous les cas la nécessité de pourvoir à l'alimentation de la plante s'oppose à la généralité de la culture » (id. : 3).
* Un site faisant la promotion du [http://www.tefysaina.org/decouv.htm SRI]
 
* Un site faisant la promotion du [http://www.warda.org/NERICA%20flyer/technology%20-%20fr.htm Nerica]
 
* Un site faisant la promotion du [http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article506 riz doré]
 
  
====Liens externes====
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Il en est ainsi de nos jours dans d’autres régions du monde (Orlove ''et al''., 1992 : 106-112). Le rendement d’un champ de blé, une année donnée, dépend alors soit de la proximité de terrains ne produisant pas de récolte, soit du fait que ce champ ne produit pas de grain tous les ans. Dans de tels cas, que signifie « le » rendement par hectare (en oubliant de préciser « et par an ») du seul terrain qui est cultivé, l’année où il l’est ? Ne faudrait-il pas chercher à évaluer l’efficacité ou la productivité de l’ensemble du système, à l’échelle de la rotation et du territoire ? C’est ce que suggérait déjà [[A pour personne citée::Antoine-Laurent de Lavoisier|Lavoisier]] : « Des calculs très ingénieux, et dont les résultats peuvent être regardés comme des approximations assez exactes, établissent que, tandis qu'en Angleterre chaque mille carré produit 48,000 livres, une même superficie ne produit, en France, que 18,000 livres ([1788] 1893 : 256). Cela à une époque où les résultats obtenus par les Anglais, tant admirés en France, l’étaient sur des terres labourées considérablement réduites pour faire des prairies qui les alimentaient en fumier : quel était le rendement en blé du système ou de l’ensemble du territoire ?
<references/>
 
  
*[http://uses.plantnet-project.org/fr/Oryza_sativa Oryza sativa] sur le site PlantUse (en français).
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==Références citées==
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*Anonyme, ca. 1275. ''Seneschaucie''. Voir Lamond, 1890 et Oschinsky, 1971.
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*Bourliaud J., Reau R., Morlon P., Hervé D., 1986. Chaquitaclla, stratégies de labour et intensification en agriculture andine. ''Techniques et Culture'', 7 : 181-225. [http://tc.revues.org/897 Texte intégral] sur le site revues.org.
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*Boussingault J.B., 1844. ''Économie rurale considérée dans ses rapports avec la chimie, la physique et la météorologie''. Paris, Béchet jeune, t. 2, 742 p. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5462841x.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.
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*Dagnelie P., 2003. ''Principes d’expérimentation. Planification des expériences et analyse de leurs résultats''. Les presses agronomiques de Gembloux, 397 p. [http://www.dagnelie.be/exacces1.html Texte intégral] sur le site de Pierre Dagnélie. [http://institutosondage.com.br/textos_pdf/texto_121.pdf Texte intégral] sur le site de l’Instituto Sondage de Pesquisas, Brésil.
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*Davy H. (Sir), 1820. ''Élémens de chimie appliqués à l’agriculture, suivis d’un traité sur la chimie des terres''. Traduction par M. Marchais de Migneaux, Audin & Crevot, Paris, x + 537 p.
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*Demolon A, 1956. ''Croissance des végétaux cultivés''. 5è. Édition. Dunod, Paris, 576 p.
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*Endondo C., Samatana M., 1999. Influence de la date de semis du niébé sur le rendement du cotonnier dans l’association cotonnier-niébé. ''Cahiers Agricultures'', 8 : 215-217. [http://www.cahiersagricultures.fr/archives/sommaire.phtml?cle_parution=336 Texte intégral] sur le site des ''Cahiers Agricultures''.
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*Fahrasmane L., 2005. La canne à sucre. Encadré de l’article « Le rhum. Trente ans de recherches à l’INRA », ''INRA mensuel'', 124 : 37.
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*Gasparin A. (de), 1849. ''Cours complet d’Agriculture''. t. V., Paris, Librairie agricole de la Maison rustique, 638 p. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411602x.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.
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*de Henlé G. (Walter of Henley), ''ca''. 1280. ''Le dit de hosebondrie''. Voir Lamond, 1890 et Oschinsky, 1971.
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*Justes E., Bedoussac L., Prieur L., 2009. Est-il possible d’améliorer le rendement et la teneur en protéines du blé en agriculture biologique au moyen de cultures intermédiaires ou de cultures associées ? ''Innovations Agronomiques'' 4 : 165-176. [https://www.inra.fr/ciag/revue_innovations_agronomiques/volume_4_janvier_2009 Texte intégral] sur le site d'''Innovations agronomiques''.
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*Kafara JM., 2003. Pratiques paysannes d’association de cultures dans les systèmes cotonniers des savanes centrafricaines. In : Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds.), ''Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis''. Prasac, N’Djamena - Cirad, Montpellier.
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*La Bretonnerie (de), 1783. ''Correspondance rurale''. Tome II, Onfroy, Paris, 590 p.
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*Lamond E., 1890. ''Walter of Henley's Husbandry, together with an anonymous husbandry, Seneschaucie and Robert Grosseteste's Rules''. Longman, Green & Co, London, 171 p. [http://www.archive.org/stream/walterhenleyshu01cunngoog#page/n7/mode/1up Texte intégral] sur le site archive.org.
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*Lavoisier A.L., [1788] 1893. Sur l’agriculture et le commerce de l’Orléanais. ''Œuvres complètes'', Imprimerie Nationale, Paris, t. VI, p. 256-275. [http://www.lavoisier.cnrs.fr/ice/ice_page_detail.php?lang=fr&type=text&bdd=lavosier&table=Lavoisier&typeofbookDes=Memoires&bookId=327&pageChapter=Sur%20l%27agriculture%20et%20le%20commerce%20de%20l%27Orl%E9anais&pageOrder=18&facsimile=off&search=no&num=&nav=1 Texte intégral] sur le site Lavoisier du CNRS.
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*Morlon P., Bourliaud J., Reau R., Hervé D., 1992. Un outil, un symbole, un débat : la "chaquitaclla" et sa persistance dans l’agriculture andine. In P. Morlon (coord.), ''Comprendre l'agriculture paysanne dans les Andes Centrales (Pérou-Bolivie)''. INRA Editions : 40-86.[http://www.quae.com/fr/livre/?GCOI=27380100604420 Présentation] sur le site des Éditions Quae.
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*Morlon P., Hibon A., Horton D., Tapia M., Tardieu F., 1992. Les rendements obtenus par les paysans, face à la recherche agronomique et à la vulgarisation. Quelles mesures et quels critères d’évaluation ? In P. Morlon (coord.), ''Comprendre l'agriculture paysanne dans les Andes Centrales (Pérou-Bolivie)''. INRA Editions : 283-327. [http://www.quae.com/fr/livre/?GCOI=27380100604420 Présentation] sur le site des Éditions Quae.
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*Nouri M., Reddy C., 1991. Utilisation de l'eau par le mil et le niébé en association et en culture pure. ''Soil Water Balance in the Sudano-Sahelian Zone''. IAHS Publ. no. 199 : 421-429. [http://iahs.info/redbooks/a199/iahs_199_0421.pdf Texte intégral] sur le site de l’IAHS.
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*Orlove B.S., Godoy R., Morlon P., 1992. Les assolements collectifs. In P. Morlon (coord.), ''Comprendre l'agriculture paysanne dans les Andes Centrales (Pérou-Bolivie)''. INRA Editions : 88-120. [http://www.quae.com/fr/livre/?GCOI=27380100604420 Présentation] sur le site des Éditions Quae.
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*Oschinsky D., 1971. ''Walter of Henley and Other Treatises on Estate Management and Accounting''. Oxford, Clarendon Press,  xxiv + 504 p.
 +
*Palissy B., 1563. Recepte veritable, par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs trésors... [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70461q.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica. Réédition : Droz, Genève, 1988.
 +
*Salez P., 1986. Quelques facteurs influençant le comportement du maïs et du soja cultivés en association. ''L'Agronomie tropicale'', 41 (2) : 101-109.
 +
*Samson C., Autfray P., 1992. Influence de l'aménagement spatial et d'une fertilisation azotée sur la production d'une association maïs/soja. ''Agronomie Tropicale'', 46 (3) : 175-184.
 +
*Sigaut F., 1992. Rendements, semis et fertilité. Signification analytique des rendements. In : Patricia Anderson, ed, ''Préhistoire de l'agriculture : nouvelles approches expérimentales et ethnographiques''. CNRS, Paris : 395-403.
  
 
==Autres langues==
 
==Autres langues==
Cette question est traitée dans le texte de l'article plus complètement qu'elle ne pourrait l'être dans cette rubrique.
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*Anglais : ''yield''
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*Espagnol : ''rendimiento''
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*Allemand : ''Ertrag''
  
 
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[[Catégorie:R]] [[Catégorie:Indicateur]]

Version du 12 juillet 2011 à 10:19

Auteurs : Pierre Morlon et François Sigaut

Note
Le dossier consacré à la thématique du Rendement est composé de deux articles : celui-ci et Élaboration et composantes du rendement.


Le point de vue de...
Pas de compléments pour cet article
Annexes de l'article
Voir aussi (articles complémentaires)
Autres langues
Anglais : yield
Allemand : Ertrag
Espagnol : rendimiento
Informations complémentaires
Article accepté le 9 mars 2010
Article mis en ligne le 30 juillet 2010


Définition

Le rendement d’une culture se dit du rapport entre la quantité récoltée et le facteur de production (terre, semence, travail, eau, ...) jugé pertinent dans la situation agricole considérée. C’est un moyen de juger l’efficacité de cette culture, par comparaison avec les rendements obtenus dans d’autres milieux ou avec d’autres techniques ou variétés.

Ces comparaisons ne conduisent à des conclusions valables et à des actions efficaces et utiles, que si on choisit de façon pertinente le numérateur (quelle mesure de la production) et surtout le dénominateur (par quel critère ou facteur limitant on divise cette production) : on les choisit en fonction des buts qu’on se propose ou des questions qu’on se pose, et de la situation dans laquelle on se trouve. La façon d’exprimer « le » rendement dans une société indique quel facteur elle perçoit ou a perçu comme le plus limitant ou contraignant. Partout où ce n’est pas la terre (la surface) mais un autre facteur, c’est le « rendement » de cet autre facteur qui permet de juger l’efficience des pratiques de l’agriculteur, le rendement à l’hectare n’étant alors un critère pertinent ni pour comparer des agriculteurs différents, ni pour comprendre ce que fait un agriculteur, ni par conséquent pour proposer des améliorations.

Notons que l'emploi habituel du terme en agriculture est impropre car, au sens strict du terme, un rendement est une grandeur sans dimension, le numérateur et le dénominateur étant de même nature et exprimés dans la même unité.


Un rendement, c’est fait pour être comparé à d’autres rendements

« Voici : le semeur sort pour semer. Il sème et il en tombe le long de la route. Les oiseaux viennent et les mangent. D’autres tombent sur les pierrailles, où ils n’ont pas beaucoup de terre ; (…) parce qu’ils n’ont pas de racines, ils se dessèchent. D’autres tombent sur les épines. Les épines montent et les étouffent. D’autres tombent sur la belle terre ; ils donnent du fruit : l’un cent, l’autre soixante, l’autre trente [pour un]. » (Évangile de Matthieu, chap.13, 3-8).

« (...) sur l’acre il convient de semer au moins deux boisseaux (...) ; au triple de votre semence, vous devez donc avoir 6 boisseaux de cette acre » (sur lacre couent il semer al meyns deus bussels (...) ; al tierz de votre semayl donc deuent avoyr vi bussels de cele acre) » (Henlé, ca. 1280).

« Ce froment a rendu chez moi quarante pour un, semé dans un jardin : et employé en terre commune, douze à quinze » (O. de Serres, 1604 : 108).

« A Iakoustk le froment et le seigle rendent quelquefois le quinzième grain, quoique à la profondeur d'un mètre le sol qui les porte soit constamment gelé » (Boussingault, 1844 : 656).

Les auditeurs de la parabole du semeur devaient comparer les rendements de cent, soixante et trente [pour un] dans la bonne terre à ceux, sans doute moindres, qu’ils avaient en tête. Gautier de Henlé indique au seigneur propriétaire des terres à quel rendement de référence il doit comparer ce que ses gens ont engrangé, pour savoir s’ils ne l’ont pas volé. Et le lecteur de Boussingault devait comparer celui de 15 pour 1 parfois obtenu au fond de la Sibérie à ceux habituels dans sa propre région. Annoncer un rendement, quel qu’il soit, ne dit en effet rien à des gens qui n’ont pas de point de repère : ce qui est notre cas lorsque nous lisons ces textes, puisque nous n’avons plus de références calculées de la même façon.

Une donnée de rendement isolée ne signifie rien, ne sert à rien ; elle ne prend son sens que comparée, explicitement ou non, à d’autres rendements obtenus avec des moyens différents, dont elle permet de juger l’efficacité, ou dans d’autres conditions. Un rendement de blé de 40 q/ha est excellent (comparé à ceux qu’on y obtient habituellement) en agriculture non irriguée dans les montagnes arides du Maghreb, mais très médiocre (comparé ...) en Picardie.

Ceci est vrai tant en expérimentation, pour trouver « la meilleure » technique ou variété, qu’en vulgarisation (extension), pour conseiller à des agriculteurs d’en imiter un autre jugé « meilleur » (plus efficace) ou d’adopter des techniques jugées plus efficaces que les leurs. Mais que veut dire « meilleur » ou « plus efficace » ? Pour juger une technique, il faut au préalable définir l'objectif (le critère) par rapport auquel on juge ; or ce critère diffère selon les situations.

Un rendement ne se mesure pas, il se calcule : c’est un rapport - une mesure de la production divisée par un facteur de production. Mais lesquels ? Ni le numérateur, ni le dénominateur ne sont donnés à priori : ils résultent d’un choix, qui doit être à la fois conscient et raisonné. Nous commencerons par le dénominateur.

Quel rendement (quels critères de comparaison) ? Le dénominateur

« J'ai semé, dans un demi-arpent, quatorze livres d'orge, c'est-à-dire, environ un boisseau de Paris, et néanmoins j'ai récolté 75 bottes d'orge, qui m'ont produit 40 boisseaux, ce qui fait 40 pour un. Existe-t-il un grain plus productif ? » (Chrestien de Lihus, 1804 : 318).

Depuis la fin du XIXe siècle, les agronomes ne connaissent et ne calculent que « le » « rendement » par hectare - avec, au numérateur, d’abord un volume, puis un poids. Mais il n’existe pas qu’un moyen et un seul, universel et rationnel, pour juger les résultats d’une production : il en existe plusieurs, qui ont des significations différentes et correspondent à des situations techniques et sociales différentes. C’est parmi tous ces rendements différents – il vaudrait mieux parler de rapports ou ratios – que nous devons essayer de nous reconnaître, si nous ne voulons pas que toutes nos discussions sur les résultats quantitatifs des agricultures anciennes soient biaisées dès le départ (Sigaut, 1992), et que nos jugements sur ceux des paysanneries du Tiers-Monde soient tout aussi biaisés et les conseils qu’on en tire, inapplicables ou nocifs.

En économie, on admet souvent que le producteur rationnel cherche à maximiser l’efficience du facteur le plus limitant ou contraignant dans son exploitation. Les facteurs que l’on peut ainsi mettre au dénominateur sont nombreux : la surface, la semence, le travail, l’eau, etc. Le choix de l’un ou l’autre n’est pas indifférent ; est pertinent celui qui est perçu comme le plus limitant ou contraignant par la société ou le producteur considéré. L’expression du rendement est donc révélatrice de la situation historique, géographique et sociale.

La semence

« ... car il est ainsi qu’en semant le blé, on a esperance qu’un grain en apportera plusieurs » (Bernard Palissy, [1563] 1988 : 65).

Rendement vient de rendre. Le rendement a d’abord été exprimé par rapport à la semence qu’on a prêté ou confié à la terre : un rendement de 5 pour 1, de 100 pour 1... C’est le rendement vrai : on met dans un processus une certaine quantité de quelque chose, et on en retire une autre quantité de la même chose ; c’est une grandeur sans dimension, le numérateur et le dénominateur ayant la même unité, comme partout ailleurs qu’en agriculture. Le rendement d’une machine est le quotient, inférieur à 1 depuis Carnot, de l’énergie qu’elle restitue par celle qu’elle consomme (des Watts divisés par des Watts ou des Joules par des Joules). Celui d’un placement financier, qu’on espère au contraire supérieur à 1, est le quotient de la somme rendue par la somme placée (des euros sur des euros).

C’est ce rendement que le producteur cherche à maximiser - et qui est donc le critère de jugement pertinent - lorsqu'il se trouve devant le choix cornélien : « ce que je viens de récolter, ou bien je le garde comme semence pour l’an prochain, et je continue à avoir faim ; ou bien je le consomme maintenant, et je n’aurai rien à semer l’an prochain ». Ce qui a été la situation de l’humanité pendant des millénaires, et l’est encore parfois dans certaines régions du monde.

Ainsi, aux XVIIIe et XIXe siècles, des cultivateurs et agronomes de toute l’Europe ont cherché à battre le record du plus grand nombre d’épis ou de grains sur un pied de blé.

« M. Georges Villers présente une plante de blé (...) offrant un exemple de fécondité remarquable (...) 116 épis ayant en moyenne 35 grains, ce qui donne un nombre total de 4 060 grains » (Bull Soc. Agric. Bayeux, 1850-51, 1 : 296). Les histoires de ce genre ne sont pas rares. (...). Le record absolu est sans doute détenu par un pied d’orge qui, d’après Davy (1820 : 240) aurait produit 249 tiges et plus de 18 000 grains. ». (Sigaut, 1992).

Bien entendu, pour obtenir de tels rendements, on éliminait toute compétition entre pieds (voir ci-dessous), et on favorisait très artificiellement le tallage.

Le travail

Dans les agricultures non motorisées, le travail est souvent limitant, en particulier lors du labour. Ce que le producteur cherche à maximiser est alors la production par jour de travail de labour.

Lorsqu’une unité de mesure de la surface des terres n’est pas fixe et uniforme, mais calée sur la surface labourée en un jour (acre, arpent, journal, hommée…), qui dépend des caractéristiques du sol, un rendement calculé par rapport cette unité est, de fait, une mesure de la productivité du travail de labour et non, contrairement aux apparences, de l’efficience de la conversion de l’énergie solaire ! C’est ce qu’illustre le texte suivant - et c’est ainsi que l’on devrait commencer par lire les autres, avant de chercher à traduire ces données en quintaux par hectare :

« Quantité de terres qu’un homme peut labourer en un jour, avec des chevaux ou avec des bœufs.

Journal
Jugerum

Acre

Produit d’un arpent de terres en blé

L’arpent est la valeur de ce qu’un homme avec 2 ou 3 chevaux, selon la force des terres, peut labourer en un jour, ou en deux jours avec des bœufs. Ce rapport avec la journée d’un homme fait qu’en plusieurs pays, comme en Picardie, &c. on compte par journal, qui est à-peu-près l’arpent de Paris, & aussi à-peu-près la même chose que le jugerum d’Italie, ainsi nommé parce qu’il contient ce que deux bœufs peuvent labourer en un jour. En Bretagne on mesure aussi par journal. Les deux journaux reviennent à l’acre de Normandie, peu plus, &c.

L’arpent des terres ordinaires peut produire 200 gerbes de blé qui rendent année commune quatre septiers de blé. Il y a des terres qui passent ce produit, & qui portent jusqu’à 300 gerbes, & rendent six septiers de grains, selon les années. »

(La Bretonnerie, 1782, t. 2 : 86).

L’eau

Le « coefficient de transpiration » de la littérature agronomique, quantité d’eau évaporée par le couvert végétal pour produire 1 kg de matière sèche récoltée (Demolon, 1956 : 111-112), est l’inverse arithmétique d’un rendement : il est équivalent de dire « 500 litres d’eau par kg de matière sèche » ou « 2 kg de matière sèche par m3 d’eau ».

Jusqu’à présent, il a surtout été utilisé dans les régions arides où ce que l’on cherche à maximiser est la production par mètre cube d’eau d’irrigation. Le changement climatique et la concurrence croissante entre différents usages de l’eau, même dans les régions tempérées humides, pourront donner une importance croissante à ce critère et à ce mode d’expression du rendement.

La surface

Pour l’écophysiologiste, le « rendement » par unité de surface permet de juger l’efficacité de l’interception et de la conversion du rayonnement solaire par le couvert végétal cultivé.

Pour le producteur, ce critère n’est pertinent que lorsque les facteurs limitants ci-dessus ont été levés, et que ce qui limite sa production ou le revenu qu’il en tire est principalement la surface qu’il peut exploiter.

Demain, les combustibles fossiles ?

L’épuisement des énergies fossiles et l’objectif actuel de réduction des émissions de gaz à effet de serre feront sans doute bientôt calculer, à côté du rendement par hectare, un rendement par tonne de combustible fossile utilisé (ou de CO2 rejeté), en prenant en compte la totalité des consommations, y compris l’énergie utilisée pour la fabrication des engrais. Cela pourra conduire à de profondes modifications dans les techniques et les systèmes de culture (rotations avec légumineuses).

Avec quels choix techniques pour chacun d’eux ?

On ne peut maximiser qu’un seul critère à la fois. On ne peut pas maximiser en même temps les rendements à la semence, au travail, à l’eau, à l’hectare... Pire : certains sont strictement antinomiques. Et les choix techniques qui permettent de maximiser l’un ou l’autre sont différents, parfois radicalement.

Pour maximiser le rendement par rapport à la semence, il faut éviter toute concurrence entre plantes, d’où des densités de semis très faibles et un indice foliaire longtemps très bas, qui ne permet pas de valoriser toute l’énergie solaire disponible : viser un rendement / semence élevé conduit forcément à un « rendement » à l’hectare bas. Et inversement : pour maximiser le « rendement » à l’hectare, il faut avoir très tôt un indice foliaire élevé pour capter le rayonnement solaire, donc des densités de semis élevées et une forte concurrence entre plantes, qui conduisent à un faible rendement par rapport à la semence (fig. 1).

Fichier:Fig1 rendements.jpg

Cela ne devrait-il pas faire partie du B-A-BA de l’agronomie ?

Il se trompe donc du tout au tout, celui qui prend le critère « rendement à l’hectare » pour juger l’efficacité du paysan qui, en situation de disette, a cherché et réussi à maximiser le rendement à la semence, avec une très faible densité de semis ! C’est pourtant ce que font, de nos jours, de nombreux agronomes - et, pour le passé, les historiens qui cherchent à ramener à l’hectare les rendements donnés à la semence - alors même que la densité de semis est très rarement indiquée en même temps que le rendement/semence… (Rappelons que : Rendement / hectare = rendement / semence x densité de semis (en poids) / ha).

Dans les Andes du Pérou (Bourliaud et al., 1986 ; Morlon et al., 1992), le labour à la bêche andine (chaquitaclla) de toute la surface du champ permet de meilleurs rendements de pommes de terre à l’hectare que celui en billons, où seule une bande de terre sur deux est retournée et posée sur la bande non retournée. Mais ce dernier, qui demande 2 à 3 fois moins de travail par hectare, donne de meilleurs rendements (productivités) par jour de travail de labour. Dans un même village, un paysan qui a peu de terres et beaucoup de main d’œuvre choisira donc le labour complet, et à l’inverse celui qui a beaucoup de terres et peu de main d’œuvre celui en billons : et cela n’a aucun sens de dire que l’un a été plus efficace, car ils ne peuvent pas être jugés suivant le même critère.

Depuis des milliers d’années sans doute, existe dans les techniques de semis des agricultures « traditionnelles » une nette opposition entre l’Occident (de l’Atlantique à l’Afghanistan) et les autres régions du monde. En Occident, on semait le plus souvent les céréales à la volée, ce qui donnait des rendements à la semence de 4 à 10 pour 1. Dans le reste du monde, les techniques de semis sont diverses, mais le semis à la volée est assez rare. On sème ordinairement en lignes (à la main ou au semoir) ou en poquets, ou encore en pépinière avec repiquage (le riz) ; et dans de nombreux cas, on fait prégermer les graines avant de les semer. Les rendements permis par ces techniques sont de l’ordre de 50 à 150 pour 1, soit 10 à 20 fois plus qu’avec le semis à la volée. Le rendement à la surface, lui, ne diffère pas ; ce qui change, c’est la quantité de semence. Avec une première conséquence, c’est que la pression de sélection est 10 fois plus forte dans le second cas : ce n’est sans doute pas un hasard si le maïs, la céréale sans doute la plus transformée par l’homme, est celle qui donne les rendements à la semence les plus élevés (son ancêtre sauvage n’ayant rien d’exceptionnel de ce point de vue). Ce qui change aussi, c’est la quantité de travail nécessaire pour semer ou planter. Les rendements à la semence élevés résultent de techniques de semis exigeantes en main d'œuvre, par opposition au semis à la volée qui consomme beaucoup moins de travail mais plus de semence. Les rendements à la semence relativement faibles (4 ou 5 pour 1) ne signifient pas forcément une agriculture pauvre, mais seulement qu’on sème à la volée et qu’on sème épais, c’est à dire qu’on prodigue la semence pour épargner la main d’œuvre parce que celle-ci est limitée ou chère. A l’inverse, des rendements à la semence élevés (100 pour 1 et plus) indiquent presqu’à coup sûr que la main d’œuvre est abondante et peu coûteuse. (Sigaut, 1992)

L’utilisation du seul critère « rendement à l’hectare », propre aux agricultures mécanisées où les champs sont uniformément cultivées et ensemencées d’une seule espèce, pour juger de l’efficacité des techniques employées par des paysans ou des agriculteurs dans n’importe quel (autre) type d’agriculture et situation, est ainsi la cause d’innombrables erreurs de jugement et de l’échec ou des résultats désastreux de nombreuses actions de « vulgarisation » ou « développement agricole » dans le monde. On peut se demander s’il n’y a pas un lien entre l’utilisation exclusive de ce critère et une forme d’agriculture professionnelle entrepreneuriale et non plus paysanne.

Historiquement, l'expression du rendement par rapport à la surface s'est fortement et brutalement développée au début du XIXe siècle (on la trouvait certes déjà avant, mais beaucoup moins). Les statistiques administratives, qui prennent un développement spectaculaire sous la Révolution et surtout sous l'Empire, ont joué un rôle majeur. On peut aussi penser que, sous l’Ancien Régime, l’expression du rendement à la surface a pu être freinée par la grande variabilité des unités de mesure d’une province à l’autre, alors qu’un rendement à la semence, indépendant des unités de mesure, est universellement comparable. Mais cela pourrait aussi s'expliquer par les changements dans le rapport à la propriété foncière provoqués par la Révolution : le passage d'une propriété aristocratique héritée, souvent vaste, d'où on tirait du prestige et un revenu sans grande considération de la surface, à une propriété achetée par des bourgeois qui, ayant payé chaque arpent, voulaient en tirer le maximum de profit.

Le numérateur

Quelques pièges

Si le choix du dénominateur dépend des conditions de la production, celui du numérateur dépend de l’objectif de la comparaison, c’est à dire de la question qu’on se pose – et, pour être valable, il exige dans tous les cas au moins une condition. Un exemple, pris parmi beaucoup d’autres, permettra d’illustrer les pièges à éviter.

« La canne à sucre constitue, en 2004, la plus importante production agricole mondiale avec 1 318 millions de tonnes (Mt) produites annuellement, sur 20,1 millions d’hectares (Mha), avec un rendement moyen mondial de 65,5 tonnes/hectare. Le maïs est la seconde production : 705 Mt, sur 145 Mha ; le blé est la troisième : 624 Mt, sur 217 Mha » (Fahrasmane, 2005).

Que compare ce texte ?

Une récolte contenant 70% d'eau à des grains qui en ont 15% - or il n’y a de production végétale, et donc de rendement, que de matière sèche (MS) (voir croissance) : loin d’être une production, l’eau contenue dans la récolte doit être éliminée pour en permettre la conservation, et représente un coût de transport inutile. La condition de validité de toute comparaison est donc de ne retenir que la MS – à moins que la question posée ne concerne le poids à transporter des champs aux lieux de stockage ou transformation.

Si la question porte sur l’alimentation humaine, d’un côté une plante récoltée entière, en comptant ce qui ne sert pas et sera brûlé, de l’autre les seuls grains, sans compter la paille… Si l’on retire encore les fibres et autres déchets, il reste d’un côté (sur le tonnage récolté) 14% de sucre, et de l’autre 70 à 75% d’amidon, protéines et sels minéraux...

Si c’est l’efficacité photosynthétique des deux espèces que l’on veut comparer, est-il pertinent d’utiliser des moyennes mondiales ? Pour l’essentiel, le blé est produit dans des conditions (climats secs ou avec hiver marqué, ou petits paysans ne pouvant acheter d’intrants) dans lesquelles la canne à sucre, cultivée toujours de façon intensive en climat tropical humide ou avec irrigation, ne donnerait rien.

Plusieurs cultures dans un même champ : les cultures associées

(§ à transférer dans l’article "cultures associées", en faisant simplement un renvoi dans celui-ci)

Lorsque plusieurs espèces sont associées ou intercalées dans un même champ, on peut certes calculer le rendement de l’ensemble en prenant la matière sèche totale récoltée. Mais cela n’a de sens que si les différents produits récoltés sont de qualité similaire, comme c’était le cas pour le méteil (mélange blé-seigle) ; ou bien s’ils sont complémentaires et utilisés ensemble : on prend ainsi la valeur fourragère totale d’un foin de prairie, sans séparer les espèces.

Mais, lorsque les produits récoltés sont de qualité différente ou utilisés séparément, comme, par exemple, l’association niébé-coton en Afrique, ou maïs-haricot en Amérique tropicale, ou de très nombreux jardins, il a fallu trouver autre chose.

Pour comparer la performance de l’association à celle des mêmes espèces cultivées séparément (avec les mêmes techniques, bien sûr), on utilise le LER (Land Equivalent Ratio), défini comme la surface relative nécessaire en cultures pures pour avoir la même production que l’association :

LER = (rendement culture 1 associée / rendement culture 1 pure) + (rendement culture 2 associée / rendement culture 2 pure) + ...

Un LER supérieur à 1 indique que l’association est plus performante que les cultures pures, et inversement – par exemple, un LER de 1,15 signifie que, pour obtenir la même quantité en cultures pures, il faudrait 15% de surface en plus.

Aucune traduction française de ce terme ne s’est imposée, parmi les nombreuses proposées : « utilisation équivalente de terrain », « coefficient de rendement équivalent », « rendement relatif total », « rapport de surface équivalente » « rapport de production par unité de terrain » « ratio de productivité relative »... (Dagnélie., 2003 : 313 ; Endondo & Samatana, 1999 ; Justes et al., 2009 ; Kafara, 2003 ; Nouri & Reddy, 1991 ; Salez, 1986 ; Samson & Autfray, 1992).

Plusieurs produits d’une même culture : quand il n’y a pas de « sous-produits » mais des « co-produits »

Dans notre société d’abondance et notre agriculture de surproduction, on ne s’intéresse qu’au rendement en grains (ou en sucre, fécule, etc.) des cultures, le reste étant considéré comme des « sous-produits », voire des déchets. Mais il n’en a pas toujours été ainsi : les autres organes servaient de litière, fourrage, toiture, combustible... et l’on s’intéressait aux rendements de tous ces produits : « Et que nul chaume ne soit vendu d’aucun manoir mais soit cueilli, et assemblé tant qu’il y en aura besoin pour couvrir les maisons (...) » (« E nul estuble ne seit vendu a nul maner mes seit coilli, e asemble tant cum lem avera mester a mesons coverir... », Seneschaucie, ~1275) ; « et le fourrage (la paille) payera le battage » (« e le forage aqitera la baterie », Henlé, ~1280).

Et il n’en est pas ainsi partout. Au Pérou, « C'est ainsi que les agriculteurs déclaraient automatiquement les trois usages que l'on donne au maïs : fourrage, chicha (boisson fermentée) et alimentation humaine (...) Un autre facteur qui affecte le rendement [en grains] est l'objectif de la culture : grain seul ou grain et fourrage, car en général le maïs contribue fortement à la production de fourrages. Plus le climat est froid (altitude) ou sec, et plus le rendement en grain, faible et aléatoire, devient secondaire par rapport au fourrage. A partir du moment où il y a plusieurs productions, il n'y a pas d'unité commune (on n'ajoute pas des kg de grain à des kg de paille) qui permette de juger "le" rendement le plus élevé » (Morlon et al., 1992 : 311-312).


Quelles échelles de temps et d’espace ? Les rendements à l’échelle d’un territoire et d’une rotation

Jusqu’à ce qu’on sache fabriquer des engrais chimiques en grandes quantités, et en dehors de petites zones comme le pourtour des villes ou les côtes maritimes, le maintien de la fertilité des terres labourées - et donc des rendements, quel qu’en soit le mode de calcul - n’était possible que grâce à deux moyens :

  • Le premier était le transfert, le plus souvent via le bétail (fumier ou parcage), d’éléments provenant des prairies permanentes, landes et forêts. C’est ce que Gasparin appelle les « systèmes avec engrais extérieurs » :
« On obtient de plusieurs manières les engrais extérieurs : 1° des bestiaux nourris sur des pâturages sont amenés la nuit sur des terres en culture, et y laissent une partie de leurs déjections; c'est le parcage; 2° on coupe la broussaille, le bois, les herbes vertes sur des terrains non cultivés et on les transporte sur le terrain cultivé pour les y brûler, les y enfouir, l'en couvrir ; 3° on enlève le gazon d'un terrain non cultivé, et on le transporte sur les terres cultivées, pour l'y répandre ou l'y brûler; c'est ce que l'on nomme l'étrépage ; 5° on achète les engrais fabriqués ou produits au dehors » (1849 : 209 ss) - le mot engrais désignant ici le fumier et les engrais verts : « la fabrication d'engrais suppose que l'on a obtenu du sol les matériaux de ces engrais, c'est-à-dire des tiges, des feuilles, dont l'usage définitif est d'être soumis à la fermentation qui désagrège leurs éléments, en les faisant servir à la nourriture des animaux (...) » (id. : 3).
  • Le second était la « suspension [dans le temps] de la culture la plus avantageuse », soit par un temps de «  repos », soit en lui « substituant une culture qui, isolément, n'est pas aussi productive. C'est ainsi qu'a été introduite la culture intercalaire du fourrage ». « Dans tous les cas la nécessité de pourvoir à l'alimentation de la plante s'oppose à la généralité de la culture » (id. : 3).

Il en est ainsi de nos jours dans d’autres régions du monde (Orlove et al., 1992 : 106-112). Le rendement d’un champ de blé, une année donnée, dépend alors soit de la proximité de terrains ne produisant pas de récolte, soit du fait que ce champ ne produit pas de grain tous les ans. Dans de tels cas, que signifie « le » rendement par hectare (en oubliant de préciser « et par an ») du seul terrain qui est cultivé, l’année où il l’est ? Ne faudrait-il pas chercher à évaluer l’efficacité ou la productivité de l’ensemble du système, à l’échelle de la rotation et du territoire ? C’est ce que suggérait déjà Lavoisier : « Des calculs très ingénieux, et dont les résultats peuvent être regardés comme des approximations assez exactes, établissent que, tandis qu'en Angleterre chaque mille carré produit 48,000 livres, une même superficie ne produit, en France, que 18,000 livres ([1788] 1893 : 256). Cela à une époque où les résultats obtenus par les Anglais, tant admirés en France, l’étaient sur des terres labourées considérablement réduites pour faire des prairies qui les alimentaient en fumier : quel était le rendement en blé du système ou de l’ensemble du territoire ?

Références citées

  • Anonyme, ca. 1275. Seneschaucie. Voir Lamond, 1890 et Oschinsky, 1971.
  • Bourliaud J., Reau R., Morlon P., Hervé D., 1986. Chaquitaclla, stratégies de labour et intensification en agriculture andine. Techniques et Culture, 7 : 181-225. Texte intégral sur le site revues.org.
  • Boussingault J.B., 1844. Économie rurale considérée dans ses rapports avec la chimie, la physique et la météorologie. Paris, Béchet jeune, t. 2, 742 p. Texte intégral sur Gallica.
  • Dagnelie P., 2003. Principes d’expérimentation. Planification des expériences et analyse de leurs résultats. Les presses agronomiques de Gembloux, 397 p. Texte intégral sur le site de Pierre Dagnélie. Texte intégral sur le site de l’Instituto Sondage de Pesquisas, Brésil.
  • Davy H. (Sir), 1820. Élémens de chimie appliqués à l’agriculture, suivis d’un traité sur la chimie des terres. Traduction par M. Marchais de Migneaux, Audin & Crevot, Paris, x + 537 p.
  • Demolon A, 1956. Croissance des végétaux cultivés. 5è. Édition. Dunod, Paris, 576 p.
  • Endondo C., Samatana M., 1999. Influence de la date de semis du niébé sur le rendement du cotonnier dans l’association cotonnier-niébé. Cahiers Agricultures, 8 : 215-217. Texte intégral sur le site des Cahiers Agricultures.
  • Fahrasmane L., 2005. La canne à sucre. Encadré de l’article « Le rhum. Trente ans de recherches à l’INRA », INRA mensuel, 124 : 37.
  • Gasparin A. (de), 1849. Cours complet d’Agriculture. t. V., Paris, Librairie agricole de la Maison rustique, 638 p. Texte intégral sur Gallica.
  • de Henlé G. (Walter of Henley), ca. 1280. Le dit de hosebondrie. Voir Lamond, 1890 et Oschinsky, 1971.
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  • Kafara JM., 2003. Pratiques paysannes d’association de cultures dans les systèmes cotonniers des savanes centrafricaines. In : Jamin J.Y., Seiny Boukar L., Floret C. (éds.), Savanes africaines : des espaces en mutation, des acteurs face à de nouveaux défis. Prasac, N’Djamena - Cirad, Montpellier.
  • La Bretonnerie (de), 1783. Correspondance rurale. Tome II, Onfroy, Paris, 590 p.
  • Lamond E., 1890. Walter of Henley's Husbandry, together with an anonymous husbandry, Seneschaucie and Robert Grosseteste's Rules. Longman, Green & Co, London, 171 p. Texte intégral sur le site archive.org.
  • Lavoisier A.L., [1788] 1893. Sur l’agriculture et le commerce de l’Orléanais. Œuvres complètes, Imprimerie Nationale, Paris, t. VI, p. 256-275. Texte intégral sur le site Lavoisier du CNRS.
  • Morlon P., Bourliaud J., Reau R., Hervé D., 1992. Un outil, un symbole, un débat : la "chaquitaclla" et sa persistance dans l’agriculture andine. In P. Morlon (coord.), Comprendre l'agriculture paysanne dans les Andes Centrales (Pérou-Bolivie). INRA Editions : 40-86.Présentation sur le site des Éditions Quae.
  • Morlon P., Hibon A., Horton D., Tapia M., Tardieu F., 1992. Les rendements obtenus par les paysans, face à la recherche agronomique et à la vulgarisation. Quelles mesures et quels critères d’évaluation ? In P. Morlon (coord.), Comprendre l'agriculture paysanne dans les Andes Centrales (Pérou-Bolivie). INRA Editions : 283-327. Présentation sur le site des Éditions Quae.
  • Nouri M., Reddy C., 1991. Utilisation de l'eau par le mil et le niébé en association et en culture pure. Soil Water Balance in the Sudano-Sahelian Zone. IAHS Publ. no. 199 : 421-429. Texte intégral sur le site de l’IAHS.
  • Orlove B.S., Godoy R., Morlon P., 1992. Les assolements collectifs. In P. Morlon (coord.), Comprendre l'agriculture paysanne dans les Andes Centrales (Pérou-Bolivie). INRA Editions : 88-120. Présentation sur le site des Éditions Quae.
  • Oschinsky D., 1971. Walter of Henley and Other Treatises on Estate Management and Accounting. Oxford, Clarendon Press, xxiv + 504 p.
  • Palissy B., 1563. Recepte veritable, par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs trésors... Texte intégral sur Gallica. Réédition : Droz, Genève, 1988.
  • Salez P., 1986. Quelques facteurs influençant le comportement du maïs et du soja cultivés en association. L'Agronomie tropicale, 41 (2) : 101-109.
  • Samson C., Autfray P., 1992. Influence de l'aménagement spatial et d'une fertilisation azotée sur la production d'une association maïs/soja. Agronomie Tropicale, 46 (3) : 175-184.
  • Sigaut F., 1992. Rendements, semis et fertilité. Signification analytique des rendements. In : Patricia Anderson, ed, Préhistoire de l'agriculture : nouvelles approches expérimentales et ethnographiques. CNRS, Paris : 395-403.

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