Différences entre les pages « Écobuage » et « Repos et fatigue des terres »

De Les Mots de l'agronomie
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<big>''Auteur'' : '''[[A pour auteur::Pierre Morlon]] '''</big>
 
{{Infobox article
 
{{Infobox article
|Article 1=Abattis-brûlis
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|Anglais=rest
|Article 2=Brûlis
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|Allemand=Ruhe
|Article 3=Friche, défricher
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|Espagnol=descanso
|Article 4=Étrépage
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|Annexe 1=Ni vieillesse, ni fatigue, mais manque d'engrais
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|Article 2=Facteur limitant (loi du minimum)
|Allemand=abplaggen
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|Article 3=Fertilité
|Annexe 1=Le mot dans sa région d'origine
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|Article 4=Friche
|Date d'acceptation=30 novembre 2010
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|Article 5=Humus
|Mise en ligne=6 avril 2011
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|Article 6=Jachère
}}  
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|Article 7=Microbe du sol
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|Article 8=Signification des rendements
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|Article 9=Rotation
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|Article 10=Système de culture
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|Date d'acceptation=19 mars 2010
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|Mise en ligne=8 septembre 2010
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__NOTOC__
 
__NOTOC__
 
==Définition et description==
 
Comme de nombreux termes passés des dialectes ruraux au français littéraire, l’écobuage a souvent été l’objet de définitions fautives. Celle-ci a le double avantage d’être à la fois récente et correcte :
 
 
 
{{Citation dictionnaire
 
{{Citation dictionnaire
|texte citation = '''ÉCOBUAGE (1797, de ''écobuer''). Action de fertiliser (des terres) en les écobuant (à distinguer de brûlis). ÉCOBUER (1539 ''égobuer'', dans les ''Coutumes de Bretagne'' ; de ''é-'' et du terme dial. de l’Ouest ''gobuis'' « terre pelée où on met le feu » (1519 à 1719), lui-même dér. de ''gobe'' « motte de terre » (Aunis, Saintonge) (...). Peler (la terre) en arrachant les mottes, avec les herbes et les racines, que l’on brûle ensuite pour fertiliser le sol avec les cendres.'''
+
|texte citation=Mais si quelqu’un seme un champ par plusieurs années sans le fumer, les semences tireront le sel de la terre pour leur accroissement, & la terre par ce moyen se trouvera desnuée de sel & ne pourra plus produire : par-quoy la faudra fumer, ou la laisser reposer quelques années : afin qu’elle reprenne quelque salcitude, provenant des pluyes ou nuées
|italiques = non
+
|référence citation=[[A pour personne citée::Bernard Palissy]], 1580 : 170
|référence citation = Rey, dir, 2005, t. 2 : 272
 
 
}}
 
}}
  
Cette [[pratique agricole|pratique]] ayant, en France, disparu depuis longtemps (on la trouve ailleurs, voir [[A pour personne citée::Roland Portères|Portères]], 1972 ; Jobbé-Duval ''et al''., 2007), c’est dans la littérature des siècles passés qu’on en trouve les descriptions les plus fidèles. Celle de [[A pour personne citée::Gustave Heuzé|Heuzé]] (1889, I : 228-230) est à la fois l’une des plus claires et des plus complètes :
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==Définitions==
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'''<u>Fatigue des sols</u> : Baisse de la [[fertilité]] (productivité) d’un terrain, non compensable par le seul apport d’[[engrais]] et consécutive à la répétition ou à la longue présence d’une même espèce cultivée. Les causes en sont multiples et en interactions : épuisement ou moindre disponibilité des [[élément nutritif|éléments nutritifs]], envahissement par des [[adventice]]s, accumulation de [[parasite]]s ou [[pathogène]]s transmis par le sol, déséquilibres entre populations microbiennes, [[tassement]] et réduction de l’aération, accumulation de composés minéraux ou organiques toxiques, etc.'''
  
« ÉCOBUAGE. — L'écobuage est une opération qui consiste à écroûter ou peler le sol pour incinérer ensuite les gazons lorsqu'ils sont presque secs. ()
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'''<u>Repos</u> : Interruption provisoire du [[système de culture]] pratiqué, pour permettre une réduction spontanée ou provoquée (par du [[travail du sol]], par exemple) des causes de la fatigue du terrain considéré. Le repos peut être fréquemment travaillé ou porter une végétation semée ([[prairie artificielle]] ou [[prairie temporaire|temporaire]] ; système de culture différent de celui habituellement pratiqué) ou spontanée.'''
  
« C'est pendant le printemps, alors que la lande est encore humide, et après avoir coupé ou fauché la végétation ligneuse qui existait à la surface du sol, qu'on opère l'enlèvement des gazons. Cette opération est faite par des ouvriers ayant une écobue (fig. 93), une mare ou une étrèpe. Les gazons ont, en moyenne, 25 centimètres de largeur sur 30 à 40 de longueur. Leur épaisseur varie entre 4 et 6 centimètres.
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La notion de repos des terres <u>fatiguées</u> par la production de récoltes successives est très ancienne. Dans la ''Bible'' (livres de l’''Exode'' et du ''Lévitique''), l’année sabbatique prescrite tous les sept ans par la loi de Moïse s’applique, entre autres, aux terres cultivées. Dans l’Antiquité gréco-romaine, on parlait aussi de <u>vieillesse</u> de la terre, ce que réfute [[A pour personne citée::Columelle]], car la vieillesse n’est pas réversible ([[Repos et fatigue des terres - Annexe 1|Annexe 1]]). Dans ses ''Géorgiques'', [[A pour personne citée::Virgile]] écrit : « Un an sur deux, la moisson faite, tu laisseras ton champ paisiblement dormir et s’endurcir, oisif, à ne rien faire » ; mais il indique qu’on peut remplacer le repos par une culture de [[légumineuse]]s (« Ainsi la terre aussi bien se repose, rien qu’en variant ses produits »), par une [[fertilisation]] avec du [[fumier]], ou par le brûlage des pailles, pour lequel il donne des hypothèses de mode d’action : « pour rendre à ton champ sa fertilité perdue, tu feras bien d’y porter l’incendie, et d’abandonner le chaume léger aux pétillements de la flamme, soit que la terre y puise une force cachée et des sucs plus substantiels, soit que le feu de tout principe corrompu la purge... » (« ''siue inde occultas uiris et pabula terrae pinguia concipiunt, siue illis omne per ignem excoquitur uitium'' »).
[[Fichier:Écobuage1.jpg|250px|thumb|left]]
 
« Dès que les gazons ont été détachés, on les dresse de champ sur le sol écobué, pour les faire sécher sous l'action de l'air et du soleil. Cette dessiccation a lieu pendant la belle saison et elle dure trois semaines à un mois, suivant l'état de l'atmosphère.
 
  
« C'est généralement en juillet et août qu'on procède à l'incinération des gazons. Pour cela, avec ces derniers, on construit des fourneaux circulaires (fig. 94) ayant 1 mètre à l,20m de diamètre sur 1,20m à 1,30m de hauteur. On remplit le foyer intérieur de broussailles combustibles. Pendant la construction des fourneaux, on a le soin de ménager plusieurs ouvertures à la base et une cheminée à la partie supérieure. Quand plusieurs fourneaux ont été ainsi disposés, on y met le feu. On doit surveiller sans cesse la combustion et boucher avec des gazons les ouvertures situées dans la direction du vent, si elles rendent l'incinération trop active. Il faut aussi ne pas négliger de boucher les gerçures ou crevasses qui se manifestent souvent ça et là sur les parois des fourneaux.
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En français, la notion de repos de la terre existe dans les textes depuis le Moyen Âge. Nous ignorons si elle était alors employée par les cultivateurs, ou si ce sont des lettrés qui l’ont « parachutée » à partir des textes de l’Antiquité.  
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Qu’entend-on alors par repos du sol ? Que la terre ne « travaille » pas en produisant.
  
« En d'autres termes, l'écobueur doit agir de manière que la combustion de chaque foyer ait lieu à petit feu et dure plusieurs jours. Quand la combustion est bien conduite et qu'elle a lieu à l'''étouffée'', il ne sort que de la fumée par les cheminées, et cette opération produit une masse importante de cendres. Elle est regardée, au contraire comme mauvaise ou mal conduite si la flamme s'échappe par l'ouverture supérieure.
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Cela s’applique aux différentes couches du sol : « Et quand vous guéretez, si vous trouvez au fond de la bonne terre, alors labourez le rayon carré pour avoir la bonne terre reposée, mais ne remontez pas la mauvaise terre » (« ''E qant vous warettez, si vous trovez parfunt bone terre adunqe arrez le reon qarre pur aver la bone terre repose mes ne atamez mie la mauveise terre'' », Henley, ''ca''. 1280). Lorsqu’une terre a du « [[fond]] », on la renouvelle par le travail de la [[charrue, historique et fonction|charrue]] : « Quand on est en état de renouveller un bon terrein, par le travail de la charrue, ce n’est plus pour lors la même terre qu’on fait porter, mais une nouvelle qu’on lui supplée, qui s’est reposée depuis long-tems, & qui parconsequent ne dérange point l’ordre de la Nature qui ne veut point qu’une terre qui a déjà travaillé, porte encore, sans avoir eu auparavant le repos de l’hyver qui lui est si nécessaire pour la rétablir. » ([[A pour personne citée::Simon-Philibert de La Salle de l’Étang|La Salle de l’Étang]], 1764 : 280-281).
  
[[Fichier:Écobuage2.jpg|400px|thumb|right]]« Lorsque les gazons formant un fourneau ont été incinérés (fig. 95), on réunit les cendres en tas conique pour que le vent ne les disperse pas. Après leur refroidissement complet, on procède à leur épandage au moyen de la pelle ordinaire ; sur la partie écobuée, on opère un labour qu'on fait suivre aussitôt par un hersage, puis en septembre on y sème du seigle d'automne. »
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S’agissant d’une période sans [[semis]] ni [[récolte]], le mot ne dit rien, ni des mécanismes en jeu, ni de l’état du [[terrain]]. En effet, il regroupe et conduit donc à confondre la [[friche]] et la [[jachère]], comme dans le ''Dictionarium latinogallicum'' de [[A pour personne citée::Robert Estienne]] (1552) « Veruactum, Pline, Columelle. Jachere, Terre, qu'on laisse reposer en friche ». Devenue une idée reçue, une étymologie erronée de jachère, qu’on trouve par exemple dans le ''Thresor de la langue françoyse...'' de [[A pour personne citée::Jean Nicot|Nicot]] (1606) (« JACHERE, f. Est la terre labourable que le laboureur laisse reposer un an sans y semer, pour l'année ensuyvant y semer du bled. (...) Le mot vient du Latin ''Iaceo'', qui signifie estre couché »), aura longtemps une grande influence.
  
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Or, si on laissait s’enherber la friche pour la faire pâturer, la jachère, elle, était fréquemment travaillée, « labourée et relabourée », pour éliminer les mauvaises herbes. Ainsi [[A pour personne citée::Jean Liébault|Liébault]] (1583) écrit : « laisser un an ou deux en repos le champ, sans oublier toutesfois de labourer tant Hyver qu’Esté » ; [[A pour personne citée::Olivier de Serres]] « labourerons celles de nos terres que désirons laisser reposer une année, pour après icelle la faire travailler (...) les laissans durant ce temps là, en repos, en les cultivans toutes-fois » ([1605] 1991 : 90). Plus tard (1765), l’''Encyclopédie'' de Diderot et D’Alembert, article Jachère : « L'année de repos est pour la plupart une condition essentielle à la récolte du blé. Pendant cette année la culture a deux objets : d'ameublir la terre, et de détruire l'herbe. Ces deux objets sont remplis par les labours… » ; [[A pour personne citée::Henri-Louis Duhamel du Monceau|Duhamel du Monceau]] « alors commence l’année de repos ou de jachere, pendant laquelle on prépare la terre pour recevoir le froment l’année suivante. (...) les labours qu’on fait pendant l’année de repos » (1765 : 153-4) ; pour [[A pour personne citée::Adrien de Gasparin|de Gasparin]], la jachère est « une année de repos pendant laquelle la terre est soumise à des labours » (1851 : 197), etc... En résumé, « La coutume générale est de laisser reposer la terre tous les trois ans, c'est-à-dire, de la cultiver sans y rien semer. La terre se repose donc, mais le cultivateur ne se repose pas ; s'il ne confie rien à la terre, il la dispose à rapporter du grain l'année suivante » ([[A pour personne citée::Chrestien de Lihus]], 1804 : 81). Ne pas comprendre que, '''pendant la jachère, la terre « se reposait » en étant intensément travaillée''', est source d’innombrables contradictions, contresens et problèmes de compréhension des textes anciens - par exemple rajouter une 4è année fictive dans les assolements triennaux, en dédoublant l’année de jachère en une de « repos » sans travail du sol puis une de labours... Un problème similaire ne serait-il pas la cause de la gêne qu’avouent les traducteurs modernes des textes bibliques instituant l’année sabbatique pour la terre, la même expression (''Exode'', chap. 23) étant traduite par « laisser en jachère » ou par « faucher » ?
  
On écobuait au début de la saison chaude, pour que les [[gazon]]s puissent sécher sans reprendre racine. Plus précisément, le moment dépendait du [[calendrier de culture]] : il fallait que les ouvriers soient disponibles pour ce travail très lourd, et que l’opération soit terminée un peu avant le [[semis, semaille, semence | semis]] de la [[culture]] qu’on veut mettre en place - « Ce n'est point, heureusement, la saison des grandes occupations de la campagne ; ainsi on ne dérange personne » (Turbilly, 1760 : 48).
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La terre perd ses « forces » en « travaillant » puisque, après un certain nombre de récoltes successives, elle est « épuisée », « lasse » et sa [[fécondité]], mesurée par le [[Signification des rendements|rendement]] qu’on en tire, diminue. Au tournant des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles, ce vocabulaire a été vivement critiqué pour son zoomorphisme : « ... toute idée de fatigue, de lassitude, d’épuisement de forces, de vieillesse et de repos, et toute autre équivalente, appliquées à la terre, sont entièrement vides de sens, aussi dénuées de fondement que si on les appliquoit à une masse inerte de pierres, de sables, et d'autres matières analogues, qui forment le noyau ou la base ordinaire de toute terre cultivable. (…) En partant de la supposition gratuite que la terre épuisoit, par ses productions, les forces qu'on lui attribuoit, dans l'acception rigoureuse de cette expression, il étoit naturel de supposer qu'elle avoit besoin de repos comme un animal fatigué par le poids d'un fardeau, ou par un effort quelconque, a réellement besoin d'inaction pour réparer l’abattement qu'il éprouve, afin de pouvoir se rétablir dans son état primitif » ([[A pour personne citée::Victor Yvart|Yvart]], 1809 et 1822 ; texte repris par Vivien, 1837 : 91). Ces critiques ne sont alors fondées, ni sur des [[expérimentation]]s longues, ni sur des avancées dans les connaissances ou les méthodes scientifiques : adepte de la [[théorie de l'humus]], qui ne distingue pas les différents éléments nutritifs, Yvart « ignore » les principes méthodologiques de [[A pour personne citée::Antoine-Laurent de Lavoisier|Lavoisier]] et affirme l’existence de « ''cultures restituantes'' » suffisantes à elles toutes seules pour maintenir la fertilité perpétuelle de la terre. Purement idéologiques, elles visent en fait à supprimer les usages collectifs (vaine-pâture et droit de parcours) permis par le ''repos'' des terres (Morlon et Sigaut, 2008).
  
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Oubliant Virgile qui évoque des « principes corrompus », et à quelques exceptions près – Heuzé, qui écrit en 1862 : « les exploitations où (...) la terre, fatiguée par des récoltes salissantes, est très-enherbée », et Hecquet d’Orval qui en 1870 publie « ''De la destruction des vers blancs par la jachère'' » – on n’a pendant longtemps interprété la ''fatigue'' de la terre qu’en termes d’épuisement du stock des [[principe nutritif|principes nutritifs]] du sol, appelés [[graisse]], [[sel]]s, ''sucs'' ou [[humus]].
  
===La même technique, sous d’autres noms...===
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Pour nombre d’auteurs, les choses sont simples : il suffit de [[restituer]] à la terre, « réceptacle inerte », les principes que les récoltes en ont extrait. A la fin du XVIII<sup>e</sup> siècle, alors que le problème du manque d’engrais commençait à être perçu de façon lancinante (Boulaine, 1992 ; Morlon, 1998), cette affirmation ne pouvait que rester toute théorique, voire sonner comme la condamnation de tous les pauvres qui ne pouvaient s’en procurer ! (Soulignons que ce n’est pas la même chose d’affirmer, comme [[A pour personne citée::Bernard Palissy]] (1563), qu’il est '''nécessaire''' de restituer à la terre ce que les récoltes lui ont ôté, et que cela serait '''suffisant''' pour ne pas voir baisser les rendements des récoltes successives – voir [[nutrition]]). [[A pour personne citée::Jean-Baptiste Boussingault|Boussingault]] en 1844 n’hésite pas à affirmer : « Là où l'on peut se procurer en quantité illimitée les engrais et la main-d'œuvre, il n'y a pas nécessité absolue de suivre un système régulier de rotation. Quand on se trouve-placé dans des conditions aussi favorables, on se borne à examiner quelle est, sous le rapport commercial, la culture la plus avantageuse que peuvent permettre le climat et la nature du sol. On a même peu à redouter que, par une culture continue, les champs viennent à s'infecter de plantes nuisibles, parce que, avec du travail, on peut remédier à ce grave inconvénient. On n'a pas à craindre davantage l'appauvrissement du sol, puisqu'on peut avoir recours à des achats d'engrais. Tout l'art de l'agriculteur se réduit alors à comparer la valeur probable de la récolte à la dépense en fumier, main-d'œuvre, etc. » (p. 260) !
C’est le ''Mémoire sur les défrichements'' de [[A pour personne citée::Louis-François-Henri de Menon, marquis de Turbilly|Turbilly]] (1760) qui fit entrer le terme <u>écobuage</u> dans le langage courant. [[A pour personne citée::Olivier de Serres]] ne le mentionne pas. Suivant de près la traduction de [[A pour personne citée::Agostino Gallo|Gallo]] ([1568] 1572 : 39ss), il décrit « le <u>cuire</u> ou <u>brûler</u> de la motte ou gazon » (les soulignés sont de nous) : « Le vrai temps donc de mettre la main à ce <u>brûlement</u>, commencera à l'issue du mois de Mai (...). A bras de puissants hommes ferez <u>décroûter</u> le dessus de votre pré, duquel ils enlèveront des gazons, autant grands & larges qu'il sera possible (...). Les outils desquels l'on se sert à cette <u>decroûtation</u> sont bêches ou pioches de quatre doigts de large par le tranchant, qui sera acéré & entrant comme haches. » (1605 : 75-80).
 
  
===... et avec des variantes===
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On savait devoir respecter un délai minimum ([[délai de retour]]) entre deux récoltes de la même espèce : « L'agriculteur progressif doit se pénétrer de cet axiome reçu en théorie et en pratique, que les récoltes sont d'autant plus productives qu'elles reviennent moins souvent sur le même terrain. Ce principe doit être la base de ses travaux. Il est prouvé que notre récolte principale, celle du froment, serait bien plus avantageuse, si, au lieu d'être ramenée tous les deux ou trois ans, elle faisait partie d'une rotation plus longue. (...) en résumé, (...) l'agriculteur doit (...) éloigner le retour des mêmes récoltes sur le même terrain » (Piperey, 1838). Et cela, que les terres entre temps se ''reposent'' ou portent d’autres récoltes : « elles demandent repos & variete de semence, comme de [[légume]] apres le seigle » (Estienne & Liebault, 1570 : 6) Mais comment l’expliquer ? On disait que les différentes espèces cultivées ne se nourrissaient pas des mêmes principes, ou pas dans le même volume de sol (voir Delaporte, 1979). [[A pour personne citée::Jean-Baptiste de la Quintinie|La Quintinie]] (1695) avait expliqué par « la plus grande ou la moins grande quantité de sel qu'il faut à chaque plante en particulier, car elles n'en consomment pas toutes également » le fait que ce délai de retour soit différent selon les espèces cultivées, de même Leclerc-Thouin (1836 : 257) : « On s'aperçut que toutes les récoltes n'étaient pas également épuisantes ; que toutes ne se succédaient pas avec un même succès; que telles pouvaient revenir plus fréquemment que telles autres sur le même terrain, etc. ». Vers 1910, un manuel scolaire (Dutilleul & Ramé) écrit encore « ''L'assolement repose la terre.'' (...) Pour ne pas fatiguer la terre, le cultivateur fait un assolement, c'est-à-dire qu'il divise son terrain en plusieurs parcelles ou soles, sur chacune desquelles il cultive successivement des plantes qui se nourrissent d'éléments différents et à une inégale profondeur » (p. 178).
Surtout dans l’outillage. L’écobuage proprement dit (le lever des gazons) semble avoir toujours été un travail manuel. En France, on utilisait surtout des [[houe]]s ou des [[pioche]]s de formes diverses et qui portaient des noms différents suivant les régions. En Grande-Bretagne, on utilisait des [[bêche]]s que l’ouvrier poussait au niveau des hanches, et qui travaillaient horizontalement à la manière d’un soc de [[charrue, historique et fonction|charrue]] (d’où leur nom, ''breast-ploughs''). C’est dans ce pays aussi que furent inventés au XIX<sup>e</sup> siècle plusieurs modèles de charrues proprement dites (attelées) à écobuer, qui, semble-t-il, n’eurent jamais en France qu’un succès d’estime (fig. 70).
 
  
[[Fichier:Écobuage3.jpg|thumb|600px|left]]
+
Mais l’expérience montre qu’il ne suffit pas d’apporter de l’engrais, en quelque quantité qu’on en ait : « on croirait peut-être pouvoir jouir du même avantage, en semant du blé dans les mars ; point du tout : le blé vient toujours très-mal après du blé, quelque amendement et quelque culture qu'on lui donne ; ce qui prouve évidemment, ou que le blé de Mars est bien constamment un autre blé que celui d'hiver, ou que le repos est nécessaire à la terre (...) » (Chrestien de Lihus, 1804 : 300). Même Yvart, adversaire acharné de la jachère, doit concéder : « il ne faut pas croire qu'en la supprimant on puisse exiger constamment de toutes les terres des productions abondantes, et encore moins des récoltes complètes très épuisantes […] même avec des engrais » (1809 : 349). Alors que, par ailleurs, un changement d’espèce cultivée résolvait en partie le problème et ''reposait'' la terre.
  
L’écobuage (''La Maison Rustique du XIX<sup>e</sup> siècle'', 1844, p. 117)
+
L’ouverture vers d’autres causes de la ''fatigue'' des sols s’est faite par étapes.
Au premier plan, des ouvriers utilisent la machine de Rey de Planazu, en deux parties travaillant à angle droit ; au fond, d’autres utilisent des <u>lève-gazons</u>.
 
  
==Les effets de l’écobuage.==
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D’abord, les chimistes du début du XIX<sup>e</sup> siècle ont établi que tous les végétaux sont constitués des mêmes éléments, en proportions similaires. Ayant montré que les plantes n’absorbent que des composés minéraux simples, solubles, ils ont ouvert la voie à l’industrie des [[engrais chimique]]s. Mais, comme on l’a dit, cela ne résolvait, en théorie comme en pratique, qu’une partie du problème car l’apport d’engrais, en quelque quantité que ce soit, ne supprime pas la nécessité de respecter un « délai de retour » pour certaines espèces.
Le feu était le moyen le plus sûr, radical, efficace de détruire non seulement les [[mauvaise herbe|mauvaises herbes]] [[levée, lever|levées]], mais aussi leurs [[stock semencier du sol | graines dans le sol]]. Mais pas n’importe lequel : un feu de [[chaume]]s, par exemple, ne chauffe que les premiers millimètres de [[sol]]. Pour brûler en profondeur, il faut une véritable [[façon culturale]], l’écobuage, qui comporte 5 étapes ([[A pour personne citée::François Sigaut|Sigaut]], 1975) :
 
*le découpage de GAZONS (l’écobuage au sens restreint),
 
*leur séchage,
 
*la construction de fourneaux,
 
*le brûlage à feu lent et couvert « l’action du feu des fourneaux étant si forte, qu'elle chauffe la terre qui est dessous à plusieurs pouces d'épaisseur » (Turbilly, 1760 : 57),
 
*l’épandage des cendres sur tout le [[Champ, pièce, parcelle|champ]] (sauf à l’emplacement des fourneaux, où la « ''torréfaction'' du sol lui donne de la [[fertilité]], indépendamment de l’addition de la cendre », [[A pour personne citée::Arthur Young|Young]], 1800 : 179).
 
  
Outre un travail considérable, l’écobuage exigeait une quantité suffisante de biomasse combustible, « Il se rencontre cependant des terres qui poussent si peu d’herbes (...), qu’il n’est pas possible d’y lever des gazons, assez garnis de plantes pour brûler ensuite » (Turbilly, 1760 : 68-69 ; 132-133).  
+
Puis des microbiologistes, à la suite de Pasteur, ont montré l’existence d’une infinité de [[micro-organisme vivant dans le sol|micro-organismes]] vivant dans le sol ou transmis par le sol, dont certains sont bénéfiques en [[nitrification|nitrifiant]] l’ammoniaque (Schloesing & Müntz, 1877) ou en fixant l'[[azote]] atmosphérique (Hellriegel & Wilfarth, 1888), mais dont d’autres transmettent aux cultures des maladies qui en réduisent la production. L’accumulation de ces pathogènes dans le sol est une composante essentielle de ce que des [[agronome]]s modernes n’hésitent pas à appeler ''fatigue des sols''.  
  
En échange, il éliminait durablement mauvaises herbes et [[parasite]]s. « La terre ainsi renouvelée par le feu, d'elle-même ne produira aucune chose de plusieurs années (n'ayant point de semence dans ses entrailles) ; mais bien gaiement tout ce que lui commettrez, dont vos bleds en sortiront entièrement nets, la semence en étant belle » (O. de Serres, 1604 : 75) ; « Ce procédé bonifie le fond pour plus de vingt ans : il se passe un temps très-considérable, sans qu'il y croisse pour ainsi dire, aucune herbe dans les bleds. () L'opération du feu par laquelle ce dernier passe, y détruit absolument les semences des herbes & productions sauvages, ainsi que tous les vermisseaux & insectes (Turbilly, 1760 : 120 ; 134-135). « Par l'écobuage on fait disparaître en grande partie l'acidité du terrain et on détruit une foule d'insectes, de mauvaises graines et de plantes nuisibles » (Heuzé, 1891, t. 1 : 234).  
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Deux attitudes opposent en effet les agronomes face aux notions de ''fatigue'' et de ''repos'' de la terre. Les uns les rejettent catégoriquement comme non scientifiques (la terre n’est pas un être vivant, elle ne se repose pas) « Le repos du sol n’est qu’une vue de l’esprit, sans bases expérimentales » « le terme fatigue a continué à masquer notre ignorance » ([[A pour personne citée::Albert Demolon|Demolon]], 1946 : 186 & 190 ; 1948 : 394). La deuxième est d’accepter le défi posé par l’existence de cette notion de repos inventée, de façon totalement indépendante, par des peuples différents aux quatre coins du globe, et d’appeler ''fatigue des sols'' ([[Institut national de la recherche agronomique|Inra]]-SFP, 1983 ; Pierre, 1985 ; Messiaen, 1986 ; Cure et al., 1987) un ensemble de phénomènes - non seulement phytotoxicités d’origines diverses et accumulation dans le sol de pathogènes ou de graines de [[mauvaise herbe|mauvaises herbes]], mais aussi déséquilibres entre populations microbiennes... - en interactions complexes (Michelot, 2004), et sur lesquels ce qu’on connaît est encore bien peu par rapport à ce qui reste à découvrir. En « [[grande culture]] » en France, le non-respect des « délais de retour » établis par l’expérience, pour des cultures comme la [[betterave à sucre]] ou les [[pois]], est toujours sanctionnée par des baisses de rendement telles qu’elles peuvent contraindre à l’abandon de la culture. Et la présence de certains [[nématode]]s dans le sol d’une parcelle interdit d’y cultiver de la [[pomme de terre]].
  
L’écobuage produit aussi des effets, qu’on ne comprit qu’au XIX<sup>e</sup> siècle, en [[minéralisation|minéralisant]] la [[matière organique du sol]]. [[A pour personne citée::Pierre-Paul Dehérain|Dehérain]], qui place l’écobuage dans les [[amendement]], y voit surtout un moyen d’améliorer les propriétés physiques des [[terrain]]s très [[argile, argileux|argileux]], reprenant et validant des idées exposées depuis un siècle : « L’écobuage a surtout pour but de modifier la constitution physique du sol (...). Si le feu n’exerce pas grande action sur le sable, il n’en est plus de même pour l’argile. Quand celle-ci est calcinée, elle change complètement de nature : au lieu d’être plastique, tenace, de conserver l’eau, d’être ''froide'', elle acquiert toutes les propriétés du sable ; elle est cassante, se pulvérise aisément, l’eau la traverse sans difficulté, et l’on conçoit sans peine qu’une terre très argileuse pourra être modifiée heureusement par l’écobuage, puisque celui-ci aura pour effet de tempérer, par l’adjonction d’une matière analogue au sable, les propriétés trop dominantes de l’argile » (1892 : 555-556). Il ajoute qu’en cuisant les argiles, l’écobuage réduit leur capacité d’absorber les [[engrais]] au détriment des plantes : « l’on conçoit que, si l’on prive une partie de l’argile de ces propriétés absorbantes par la calcination, si on l’amène par l’écobuage à partager les propriétés du sable, on puisse faire prédominer l’action dissolvante de l’eau, et suppléer dans une certaine mesure à l’abondance des engrais en facilitant la dissolution de leurs principes solubles ». Lu aujourd’hui, ce traitement brutal, détruisant la [[biomasse microbienne]], peut surprendre voire choquer ; mais, à l’époque, toutes les terres agricoles étaient « approvisionnées » en microbes par les apports de [[fumier]]... que certains imaginaient de traiter à l'acide sulfurique pour tuer les bactéries [[dénitrification|dénitrifiantes]] (Morlon, 1998) !
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==Références citées==
 
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* Bosc L.A., 1813. Article Jachère. In : Tessier, Thouin, Bosc, ''Encyclopédie méthodique'', Agasse, Paris, t.5 : 46-51. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58335576.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.
[[A pour personne citée:: Oscar Leclerc-Thoüin| Leclerc-Thoüin]] (1844 : 116-123) décrit avec l’écobuage des pratiques différentes comme la calcination de l’argile prise ailleurs et apportée comme fertilisant sur le champ, ce qui donne une bonne idée de la diversité des techniques agricoles utilisant le feu, mais rend floue la définition de l’écobuage. La calcination de l’argile a toutefois l’intérêt de mettre l’accent sur un effet possible de l’emploi du feu : la libération d’[[élément minéral|éléments fertilisants]] contenus sous forme insoluble dans certaines argiles (Sigaut, 1975 : 41-44 et 106-110).
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* Boulaine J., 1992. ''Histoire de l’Agronomie en France''. Lavoisier, Paris, 392 p.
 
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* Boussingault J.B., 1844. ''Économie rurale considérée dans ses rapports avec la chimie, la physique et la météorologie''. Béchet jeune, Paris, t. 2, 742 p. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5462841x.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.
==Écobuage, défrichements et [[Assolement, rotation, succession, système de culture : fabrication d’un concept, 1750-1810|rotations]]==
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* Chrestien de Lihus, 1804, ''Principes d’agriculture et d’économie, appliqués, mois par mois, à toutes les opérations du cultivateur dans les pays de grande culture''. Paris, An XII, 336 p. [http://openlibrary.org/books/OL20523273M/Principes_d’agriculture_et_d’économie_appliqués_mois_par_mois_à_toutes_les_opérations_du_... Texte intégral] sur openlibrary.org.
Les auteurs anciens s’accordent à dire que l’écobuage sert à [[friche, défricher|défricher]] - mais attention : ils ne donnent pas le même sens à ce terme.  
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* Columella L.I.M. [ca 42] 1844. ''Rei rusticæ libri''. [http://www.thelatinlibrary.com/columella.html Texte intégral] sur thelatinlibrary.com. ''De l’Agriculture''. Trad. Du Bois, Panckoucke, Paris, 1844. [http://remacle.org/bloodwolf/erudits/columelle/index.htm Texte intégral] sur remacle.org ou sur [http://fr.wikisource.org/wiki/De_l%E2%80%99agriculture wikisource.org].
 
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* Cure B., Maumene C., Masse J., Lesar L., 1987. Les facteurs limitants en production céréalière et la fatigue des sols. ''Perspectives agricoles'', 114 : 52-59.
Pour Turbilly (1760), l’écobuage doit servir à défricher, une fois pour toutes, des terrains incultes, abandonnés depuis longtemps et envahis d’une végétation ligneuse qui rend impossible le travail du sol ([[labour]]). Mais il envisage aussi, en théorie, la possibilité de renouveler l’opération : « Quand par succession de temps ces défrichements produiront autant d'herbes que les autres terres labourables, ils seront alors au même niveau de défectuosité qu'elles, mais ce terme sera très-éloigné, & je ne puis le fixer, n'en ayant point encore vu d'exemple. On aura toujours un remède certain & tout prêt pour les rétablir dans leur premier état de perfection, ce sera de les laisser reposer deux ou trois ans, afin de les mettre en gazon au degré nécessaire pour les écobuer de nouveau. » (1760 : 121-122).  
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* de Henlé G. (Walter of Henley), ca. 1280. ''Le dit de hosebondrie''. Voir Lamond, 1890 et Oschinsky, 1971.
 
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* Delaporte F., 1979. ''Le Second Règne de la nature : essai sur les questions de la végétalité au XVIIIe siècle''. Flammarion, Paris, 242 p.
Heuzé (1891 : 235) conseille l’écobuage pour le défrichement des landes, mais condamne son usage pour les [[prairie]]s : « C'est commettre une très grande faute que de substituer l'écobuage à l'action de la charrue dans le défrichement des prairies. Cette opération n'est réellement utile que lorsque la couche arable est profonde et tourbeuse ».
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* Demolon A., 1946. ''L’évolution scientifique et l’agriculture française''. Flammarion, Paris, 329 p.
 
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* Demolon A., 1948. ''Principes d’agronomie, t. 1 : dynamique du sol''. 4è édition, Dunod, Paris, 414 p.
Olivier de Serres met sur le même plan [[labour]] et <u>brûlement</u>, sous le titre « ''Défricher les vieilles prairies'' » : « Entre les diverses façons de défricher les prairies, deux principales sont en usage (...) Le plus commun défrichement se fait au soc, tiré par bêtes de labourage : puis vient celui du brûler de la motte ou gazon, par le feu qu'on y met, après l'avoir enlevée & à ce préparée. » (1604 : 73).  
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* De Serres O., 1605. ''Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs''. 3è édition revue et augmentée par l’Auteur, (réimpression : Slatkine, Genève, 1991, 1023 + 22p).
 
+
* Diderot D., d’Alembert J. 1765. ''Encyclopédie, ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers''., t. 8. [http://portail.atilf.fr/encyclopedie/ Texte intégral] sur le site de l'ATILF.
Pour lui, comme pour Gallo ([1568] 1572), il s’agit de rénover de vieilles prairies devenues peu productives ; la cendre fertilise le terrain, où on peut alors produire ce qu’on veut : prairie, grains, [[jardin|jardinage]], [[fruit]]s ou [[vigne]]... Après quelques années de ce régime, sans attendre qu’il soit totalement épuisé, on le remet le terrain en prairie, qu’on brûlera à nouveau le moment venu. Il s’agit donc d’une opération à renouveler régulièrement, dans ce qu’on pourrait appeler des [[rotation]]s de longue durée.  
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* Duhamel du Monceau H.L., 1762. ''Élémens d’agriculture''. Paris.  
 
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* Dutilleul J., Ramé E., vers 1910. ''Les sciences physiques et naturelles - Enseignement primaire, cours moyen et supérieur''. Larousse, Paris, 288 p.
C’est encore dans le chapitre « Du défrichement des terres » que [[A pour personne citée::Henri-Louis Duhamel du Monceau|Duhamel du Monceau]] (1762) traite de l’''égobuage'' : « <u>Des Terres en friche. Manière de les égobuer.</u> (...) A l’égard des terres qu’on ne laboure que tous les huit & dix ans, on a coutume de les brûler, afin que le feu divise leurs parties, & que la cendre des feuilles & des racines leur donne quelque fertilité ».  
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* Estienne C., Liebault J., 1565. ''L’agriculture et maison rustique''. Paris, chez Jacques du Puis : [http://www.archive.org/details/lagricultureetma00esti texte intégral] sur archive.org ; Paris, 1572 : [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k52170x.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica ; Lyon, 1583 : [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k52721c.r=.langFR texte intégral] sur Gallica.
 
+
* Estienne R., 1552. ''Dictionarium latinogallicum''. Paris. [http://homes.chass.utoronto.ca/~wulfric/tiden/ Texte intégral] sur le site de l'Université de Toronto, sur le site de l'[http://barthes.enssib.fr/translatio/rw/tiden/ ENSSIB] ou le site de l'[http://artfl.atilf.fr/dictionnaires/ESTIENNE/index.htm ATILF].
En Angleterre, Arthur Young (1800) décrit aussi des rotations longues où chaque passage des prairies aux cultures, tous les huit ou dix ans, se fait par écobuage, qui, insiste-t-il, détruit les insectes et [[ver]]s nuisibles, ce que ne fait pas l’apport de fumier.
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* Gasparin A. de, [1851 ?] s.d. ''Cours complet d’Agriculture''.  La Maison rustique, Paris, t. 5, 638 p. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411602x.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.
 
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* Hecquet d’Orval E., 1870. ''De la destruction des vers blancs par la jachère''. Sagnier / La Maison rustique, Paris, 30 p.
==L’écobuage est-il « durable » ?==
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* Hellriegel H., Wilfarth H., 1888. Untersuchungen über die Stickstoffnährung der Gramineen und Leguminosen. ''Z. Ver. Rübenzucker-Ind. Dtsch. Reichs.'', 17, 163-179.  
De tous temps, la question a été débattue.
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* Heuzé G., 1862. ''Les assolements et les systèmes de culture''. Hachette, Paris, 1862.
 
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* Inra-SFP, 1983. La fatigue des sols. Diagnostic de la fertilité dans les systèmes culturaux. Inra – Société Française de Phytopathologie, Versailles, 205 p.
'''Olivier de Serres''' réfute les craintes à ce sujet : « L'ignorance d'aucuns a fait rejeter telle façon de défricher (...) & pour le doute que tel terroir ainsi manié, ne puisse demeurer longuement en bon état, cuidant sa vertu se consumer par le feu, toute à la fois. (...) Quant à la crainte de courte durée, ceux qui ne l'ont expérimenté, seulement ont cette opinion doutant en vain d'une chose toute assuree : car tout labourage ainsi préparé, demeure assez fort & vigoureux, pour servir autant longuement qu'on le saurait désirer : pourvu que suivant l'oracle antique, NE TIRE TOUTE LA GRAISSE DU CHAMP » (1605 : 80).
+
* Lamond E., 1890. ''Walter of Henley's Husbandry, together with an anonymous husbandry, Seneschaucie and Robert Grosseteste's Rules''. Longman, Green & Co, London, 171 p. [http://www.archive.org/stream/walterhenleyshu01cunngoog#page/n7/mode/1up Texte intégral] sur archive.org, ou [http://ia350624.us.archive.org/1/items/walterhenleyshu00cunngoog/walterhenleyshu00cunngoog.pdf en pdf].
 
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*La Quintinie J., 1695. ''Le parfait jardinier ou instructions pour les jardins fruitiers et potagers''. [http://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Jean-Baptiste_de_La_Quintinie Texte intégral] sur wikisource.org. Réédition : Actes Sud – ENSP, 1999, Paris, 2t., 1200 p.
Pour '''Turbilly''', la longue durée des [[expérimentation | expériences]] européennes d’où il tire son ouvrage ne laisse aucun doute : « Je n’avancerai rien, que je n’aie éprouvé par moi-même depuis vingt-deux ans avec tout le soin & l’attention possible (...). Le succès a répondu à mon attente (...). Cette longue expérience a été soutenue par ce que j’ai vu pratiquer dans une grande partie de l'Europe (...) chez des Seigneurs, & dans de grosses Abbayes, qui faisaient valoir depuis long-temps de grands domaines. » (1760 : viii-xi). Mais attention, il recommande de fumer (engraisser) tous les 2 ans les terrains ainsi défrichés, et de les faire [[repos et fatigue des terres | reposer]] au plus tard la sixième année, avant de les « mettre en sole avec les autres terres labourables, pour être ensemencées successivement tant en gros bleds qu'en menus grains, selon l’usage du Pays » (120). La durabilité sur laquelle il insiste concerne non les éléments nutritifs, mais l’absence de mauvaises herbes. C’est ainsi qu’il faut lire sa conclusion, « Il résulte évidemment de tout cela, que la méthode d’écobuer et de brûler les terres, est sans contredit le meilleur et le plus sûr moyen, soit pour les défricher, soit pour les rétablir. C’est faire un acquêt le plus avantageux dans son fond même, on le double au moins par cette façon, souvent on le triple, et quelquefois même on le quadruple. S’enrichir sans que ce soit aux dépens de personne, enrichir en même temps l’État, cela s’appelle véritablement agir en citoyen et en bon père de famille ».
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* La Salle de l’Étang S.P., 1764. ''Manuel d’agriculture pour le laboureur, pour le propriétaire, et pour le gouvernement…'' Paris, xviii + 584 p. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k436334.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.
 
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* Leclerc-Thouin O., 1836. Des assolemens. ''Maison rustique du 19è siècle''. Paris, t. I p. 256-285.
Comme Turbilly, '''Arthur Young''' ([1800] 1809 : 172) appuie son optimisme sur la durée de son expérience : « Je ne parle d’écobuage qu’après trente années d’expérience, et après avoir mis en valeur plus d’un millier d’acres » (165), « Quand sera-t-on universellement convaincu sur cette question de l’écobuage ? Le doute devient une chose absurde ». <u>Comparé à la [[jachère]]</u>, l’écobuage lui a toujours donné de meilleurs résultats. Les exemples qu’il prend dans toute l’Angleterre concernent presque tous des marais ou terrains tourbeux ; que l’écobuage trop souvent répété y fasse baisser le niveau du sol ne le préoccupe pas.
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* Liebault J., 1583. Voir Estienne & Liebault.
 
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* Messiaen C.M., 1986. Données classiques et récentes sur la fatigue et l’appauvrissement des sols maraîchers. ''Bull. Tech. Information du Ministère de l’Agriculture'', 409-411 : 431-438.
Mais, dès 1750, '''Duhamel du Monceau''' était plus prudent : « M. Tull désapprouve cet usage ; il est néanmoins d’expérience que par cette pratique on communique aux terres une fertilité qui dure plusieurs années ; & il faut bien que les Fermiers en soient convaincus, puisqu’ils s’engagent à une dépense considérable (...) » (1750 : xv-xvi).  
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* Michelot P., 2004. La fatigue des sols en pépinière fruitière. In : ''Maladies et ravageurs des cultures ornementales. Raisonner la protection des plantes''. Astredhor, Paris : 101-107.
 
+
* Morlon P. 1998. Vieilles lunes ? Les normes pour les bâtiments d’élevage ont 150 ans, le code de bonnes pratiques agricoles en a 100... ''Courrier de l’Environnement de l’Inra'', 33 : 45-60. [http://www.inra.fr/dpenv/morloc33.htm Texte intégral] sur le site du ''Courrier de l'environnement''.
Ce qu’il ne dit pas, c’est que la misère peut conduire à sacrifier le long terme au court terme... Contrairement à ce que croyait Turbilly, l’écobuage n’était pas un moyen de compenser l’épuisement des terres : là où il avait été trop souvent pratiqué, il en était au contraire un des facteurs ! C’est ce qu’observera '''Mathieu de Dombasle''' ([''ca''. 1840] 1862 : 14) :
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* Morlon P., Sigaut F., 2008. ''La troublante histoire de la jachère. Pratiques des cultivateurs, concepts de lettrés et enjeux sociaux''. Quae / Educagri Editions, 325 p. [http://www.quae.com/fr/livre/?GCOI=27380100388760 Description] sur le site des Éditions Quae.
 
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* Nicot J., 1606. ''Thresor de la langue françoyse, tant Ancienne que Moderne''. D. Douceur, Paris, 674 p. [http://artfl.atilf.fr/dictionnaires/TLF-NICOT/search.fulltext.form.html Texte intégral] sur le site de l'ATILF, sur le site de l'[http://barthes.enssib.fr/translatio/rw/tiden/ ENSSIB] ou sur le site de l'[http://homes.chass.utoronto.ca/~wulfric/tiden/ Université de Toronto].
{{Citation dictionnaire
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* Oschinsky D., 1971. ''Walter of Henley and Other Treatises on Estate Management and Accounting''. Clarendon Press, Oxford, xxiv + 504p.
|texte citation = L’écobuage est encore un moyen fréquemment employé pour l’exécution des défrichements dans les terres de landes ou de bruyères : son action est certainement analogue à celle des amendements calcaires, avec cette différence que non seulement l’écobuage n’apporte pas de nouvelles matières organiques dans le sol, mais qu’il détruit même une partie de celles qui y existaient. Cette pratique ne peut donc convenir qu’aux terrains qui possédaient de l’humus en grande abondance ; mais là il peut être utile, pourvu qu’on n’abuse pas de la fertilité passagère qu’il communique ordinairement aux terrains.
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* Palissy B., 1563. ''Recepte veritable, par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre à multiplier et augmenter leurs trésors...''. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k70461q.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica. Réédition : Droz, Genève, 1988.
|italiques = oui / non
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* Palissy B., 1580. ''Discours admirables, de la nature des eaux et fontaines, tant naturelles qu’artificielles, des metaux, des sels & salines, des pierres, des terres, du feu & des emaux''. Paris, XII + 361 p. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1050822.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.
|référence citation =
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* Pierre M., 1985. ''Diagnostic de la fatigue des sols en culture de blé : analyse de la composante biologique''. Thèse Université de Dijon, 223 + 89 p.
}}
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* Piperey (de), 1838. ''Rapport fait à la société d'émulation de Lisieux, le 11 février 1838, au nom de la commission d'agriculture''. [http://www.bmlisieux.com/normandie/jachere.htm Texte intégral] sur le site de la Bibliothèque électronique de Lisieux.
 
+
* Schloesing A.T., Muntz C.A., 1877. Sur la nitrification par les ferments organisés. ''C. R. Acad. Sci.'', 84, 301-303.
Turbilly lui-même notait que, même à court terme, il peut être nécessaire de compléter l’écobuage par un apport de fumier : « Mais où prendre, m’objectera-t-on, ce fumier ? On n’en a déjà pas assez le plus souvent pour engraisser les terres anciennement en valeur, et il ne faut pas améliorer ce défrichements à leurs dépens » (1760 : 104). Il recommande alors de faire des « fumiers artificiels », de différentes façons qui consistent toutes à prélever de la fertilité sur les terrains incultes pour la transférer sur les terrains cultivés : il y a donc appauvrissement d’une partie du territoire pour maintenir la fertilité dans une autre. [[A pour personne citée::Christophe-Joseph-Alexandre Mathieu de Dombasle|Mathieu de Dombasle]] ([''ca''. 1840] 1862 : 11) recommande les mêmes transferts. Mais, fait essentiel, il ajoute les [[prairies artificielles]], c’est-à-dire la possibilité de ne pas épuiser (nous savons maintenant que cela ne concerne que l’[[azote]]) les terrains de départ.
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* Société Royale d’Agriculture, 1789. ''Mémoire présenté par la Société Royale d’Agriculture à l’Assemblée Nationale, le 24 Octobre 1789, sur les abus qui s’opposent aux progrès de l’Agriculture, & sur les encouragements qu’il est nécessaire d’accorder à ce premier des Arts''. Baudouin, Paris, 179 p.
 
+
* Virgile, ca. 28 av. J.C.. ''Géorgiques''. Nous avons choisi la traduction de P.A. Nicolas, agriculteur en Tunisie, in ''Lettres d’Humanité'', Les Belles Lettres, Paris, t. VII, 1948, p. 122-126. On trouve d’autres traductions sur Internet, par exemple sur [http://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Virgile wikisource.org] ou à partir de [http://fr.wikipedia.org/wiki/Géorgiques Wikipédia].
Ces débats n’empêcheront pas un manuel scolaire d’affirmer, 50 ans plus tard, que « '''L'écobuage vaut un engrais''' » (Dutilleul & Ramé, ''ca''. 1911 : 174-175) !
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* Vivien L. (dir), 1837. ''Cours Complet d’Agriculture ou Nouveau Dictionnaire d’Agriculture théorique et pratique''. Pourrat frères, Paris.
 
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* Yvart V.J.A., 1809. Article « Jachère ». In : Thouin et al., ''Nouveau cours complet d’Agriculture théorique et pratique ou Dictionnaire raisonné et universel d’agriculture''. Deterville, Paris, t. 7, p. 333-358. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5722249s.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.
==Sur l’usage actuel du mot écobuage==
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* Yvart V.J.A., 1822. ''Considérations générales et particulières sur la jachère et sur les meilleurs moyens d’arriver graduellement à sa suppression avec de grands avantages''. Huzard, Paris, 250 p.
Comme tous les termes techniques, écobuer (ou égobuer) désignait, pour les cultivateurs qui l’employaient, quelque chose de bien précis : on ne peut pas nommer ainsi n’importe quel brûlis de végétation ! Turbilly distingue bien écobuer et brûler, lorsqu’il écrit « écobuer, & brûler ensuite » (1760, p. 145 et 148), et qu’il oppose l’écobuage, qu’il recommande, au simple brûlage de végétation, qu’il réprouve (p. 69). L'écobuage ne consiste pas à « brûler la végétation spontanée sur place », comme le dit le ''Larousse agricole'' de 1952 (p. 78). Et, contrairement à ce qu’on lit parfois, ce n’est pas de l’écobuage mais du brûlage des chaumes dont il est question dans les ''Géorgiques'' de [[A pour personne citée::Virgile]]...
 
  
 
==Pour en savoir plus==
 
==Pour en savoir plus==
Beaulieu F. de, Pouëdras L., 2014. ''La mémoire des landes'', chapitre "Écobuage", p. 106-123. Éditions Skol Vreizh, 176 p.
 
  
==Références citées==
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<references/>
*Bixio A. (dir), 1844. ''Maison rustique du XIXe siècle''. T. 1, agriculture proprement dite. Paris, librairie agricole, 568 p. [http://ia700101.us.archive.org/15/items/maisonrustiquedu01bail/maisonrustiquedu01bail.pdf Texte intégral] sur archive.org.
 
*Baconnier R., Glandard J. (dir), 1952. ''Nouveau Larousse agricole''. Larousse, Paris, 1152 + 78 + XVI p.
 
*Chancrin E., Dumont R. (dir.), 1921-1922. ''Larousse agricole. Encyclopédie illustrée''. Paris, t. 1, 1921, 852 p ; t. 2, 1922, 832 p.
 
*Dehérain P.P., 1892. ''Traité de chimie agricole''. Masson, Paris, 916 p. [http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k77255x.r=.langFR Texte intégral] sur Gallica.
 
*De Serres O., 1605. ''Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs''. 3è édition revue et augmentée par l’Auteur. (réimpression : Slatkine, Genève, 1991, 1023 + 22p). Également : Paris, Actes Sud, 1996, 1463 p. (basée sur l’édition de 1804).
 
*Duhamel du Monceau, H.L., 1750 - ''Traité de la culture des terres, suivant les Principes de M. Tull, Anglois''. Vol. 1, Paris.
 
*Duhamel du Monceau H.L., 1762. ''Élémens d’agriculture''. Paris. (2è édition corrigée & augmentée : Paris, Desaint, 1779).
 
*Dutilleul J., Ramé E., vers 1910. ''Les sciences physiques et naturelles - Enseignement primaire, cours moyen et supérieur''. Larousse, Paris, 288 p.
 
*Gallo A., 1572. ''Secrets de la vraye agriculture, et honestes plaisirs qu’on reçoit en la mesnagerie des champs,...'' traduits en françois de l’italien par François de Belleforest. Chez Nicolas Chesneau, Paris, 427 p.
 
*Heuzé G., 1891. ''La pratique de l’agriculture''. Paris, La Maison rustique, 2 t., 351 et 360 p.
 
*Jobbé-Duval M., Cochet H., Bourliaud J., 2007. L’écobuage andin. ''Techniques & Cultures'', 48-49 : 149-188. [http://tc.revues.org/3252 Texte intégral] sur revues.org.
 
*Larousse Agricole, 1921 et 1922. Voir Chancrin et Dumont.
 
*Leclerc-Thouin O., 1844. De l’écobuage. In : Bixio (dir.), ''Maison rustique du XIXe siècle'' : 116-123
 
*''Maison rustique du XIXe siècle'', 1844. Voir Bixio (dir).
 
*Mathieu de Dombasle C.-J.-A., [vers 1840] 1862. ''Traité d’Agriculture''. Deuxième partie, Pratique agricole. Edition posthume, Paris, Librairie agricole / Bouchard-Huzard, 456 p.
 
*Morlon P. 1998. Vieilles lunes ? Les normes pour les bâtiments d’élevage ont 150 ans, le code de bonnes pratiques agricoles en a 100... ''Courrier de l’Environnement de l’Inra'', 33 : 45-60. [http://www.inra.fr/dpenv/morloc33.htm Texte intégral] sur le site de l'Inra.
 
*Portères R., 1972. De l’écobuage comme un système mixte de culture et de production. ''J. d’Agriculture Tropicale et de Botanique Appliquée'', 19 (6-7) : 151-207.
 
*Rey A. (dir), 2005. ''Dictionnaire culturel en langue française''. Paris, Le Robert, 4 t.
 
*Sigaut F., 1975. ''L’agriculture et le feu. Rôle et place du feu dans les techniques de préparation du champ de l’ancienne agriculture européenne''. Mouton & Co, Paris – La Haye, 320 p.
 
*Turbilly L.F.H. (de), 1760. ''Mémoire sur les défrichemens''. Paris, chez la veuve d’Houry, 322 p.
 
* Virgile, ''ca''. 28 av. J.C. ''Géorgiques''. Traduction de P.A. Nicolas, agriculteur en Tunisie, in ''Lettres d’Humanité'', Les Belles Lettres, Paris, t. VII, 1948, p. 122-126. On trouve d’autres traductions sur Internet, par exemple sur [http://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Virgile wikisource] ou à partir de [http://fr.wikipedia.org/wiki/Géorgiques Wikipedia].
 
*Worlidge J., 1669. Dictionarium rusticum or, The Interpretation and Significations of Several Rustick Terms, &c. Pages 265-278 in : ''Systema Agriculturae, The mystery of husbandry discovered''. London, 313 p.
 
*Young A. [1800] 1809. Écobuage. Traduction C. Pictet, in : C. Pictet, ''Cours d’agriculture angloise...'' Paschoud, Paris & Genève, t. 5 : 165-185.
 
  
 
==Autres langues==
 
==Autres langues==
Anglais : ''paring and burning'' ; des termes comme ''denshiring'', ''burn-baiting'', etc. (« ''to cut off the Turf of Land, and when it is dry to lay it on heaps and burn it'' », Worlidge 1669) étaient déjà sortis de l’usage courant au début du XIX<sup>e</sup> siècle.
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Repos : vu l’influence qu’ont eu les textes antiques, il n’est pas étonnant que de nombreuses langues européennes possèdent cette notion, avec le vocabulaire zoomorphique correspondant :
 
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*Anglais : ''rest'', ''resting of the ground''
Allemand : ''abplaggen'' s’applique à l’écobuage au sens strict ou lever des gazons.
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*Espagnol : ''descanso''
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*Allemand : ''Ruhe'' (champ en repos ''ruhender Acker'')
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Mais on les trouve aussi dans des langues très éloignées et longtemps sans aucune relation avec l’Europe, telles le ''quechua'' et l’''aymara'' (Bolivie, Pérou, Équateur) où le vocabulaire (racine ''sama-'') est exactement le même si un paysan dit qu'il se repose ou que la terre se repose.
  
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Version du 24 mai 2011 à 15:21

Auteur : Pierre Morlon

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Autres langues
Anglais : rest
Allemand : Ruhe
Espagnol : descanso
Informations complémentaires
Article accepté le 19 mars 2010
Article mis en ligne le 8 septembre 2010


« Mais si quelqu’un seme un champ par plusieurs années sans le fumer, les semences tireront le sel de la terre pour leur accroissement, & la terre par ce moyen se trouvera desnuée de sel & ne pourra plus produire : par-quoy la faudra fumer, ou la laisser reposer quelques années : afin qu’elle reprenne quelque salcitude, provenant des pluyes ou nuées » (Bernard Palissy, 1580 : 170).

Définitions

Fatigue des sols : Baisse de la fertilité (productivité) d’un terrain, non compensable par le seul apport d’engrais et consécutive à la répétition ou à la longue présence d’une même espèce cultivée. Les causes en sont multiples et en interactions : épuisement ou moindre disponibilité des éléments nutritifs, envahissement par des adventices, accumulation de parasites ou pathogènes transmis par le sol, déséquilibres entre populations microbiennes, tassement et réduction de l’aération, accumulation de composés minéraux ou organiques toxiques, etc.

Repos : Interruption provisoire du système de culture pratiqué, pour permettre une réduction spontanée ou provoquée (par du travail du sol, par exemple) des causes de la fatigue du terrain considéré. Le repos peut être fréquemment travaillé ou porter une végétation semée (prairie artificielle ou temporaire ; système de culture différent de celui habituellement pratiqué) ou spontanée.

La notion de repos des terres fatiguées par la production de récoltes successives est très ancienne. Dans la Bible (livres de l’Exode et du Lévitique), l’année sabbatique prescrite tous les sept ans par la loi de Moïse s’applique, entre autres, aux terres cultivées. Dans l’Antiquité gréco-romaine, on parlait aussi de vieillesse de la terre, ce que réfute Columelle, car la vieillesse n’est pas réversible (Annexe 1). Dans ses Géorgiques, Virgile écrit : « Un an sur deux, la moisson faite, tu laisseras ton champ paisiblement dormir et s’endurcir, oisif, à ne rien faire » ; mais il indique qu’on peut remplacer le repos par une culture de légumineuses (« Ainsi la terre aussi bien se repose, rien qu’en variant ses produits »), par une fertilisation avec du fumier, ou par le brûlage des pailles, pour lequel il donne des hypothèses de mode d’action : « pour rendre à ton champ sa fertilité perdue, tu feras bien d’y porter l’incendie, et d’abandonner le chaume léger aux pétillements de la flamme, soit que la terre y puise une force cachée et des sucs plus substantiels, soit que le feu de tout principe corrompu la purge... » (« siue inde occultas uiris et pabula terrae pinguia concipiunt, siue illis omne per ignem excoquitur uitium »).

En français, la notion de repos de la terre existe dans les textes depuis le Moyen Âge. Nous ignorons si elle était alors employée par les cultivateurs, ou si ce sont des lettrés qui l’ont « parachutée » à partir des textes de l’Antiquité.

Qu’entend-on alors par repos du sol ? Que la terre ne « travaille » pas en produisant.

Cela s’applique aux différentes couches du sol : « Et quand vous guéretez, si vous trouvez au fond de la bonne terre, alors labourez le rayon carré pour avoir la bonne terre reposée, mais ne remontez pas la mauvaise terre » (« E qant vous warettez, si vous trovez parfunt bone terre adunqe arrez le reon qarre pur aver la bone terre repose mes ne atamez mie la mauveise terre », Henley, ca. 1280). Lorsqu’une terre a du « fond », on la renouvelle par le travail de la charrue : « Quand on est en état de renouveller un bon terrein, par le travail de la charrue, ce n’est plus pour lors la même terre qu’on fait porter, mais une nouvelle qu’on lui supplée, qui s’est reposée depuis long-tems, & qui parconsequent ne dérange point l’ordre de la Nature qui ne veut point qu’une terre qui a déjà travaillé, porte encore, sans avoir eu auparavant le repos de l’hyver qui lui est si nécessaire pour la rétablir. » (La Salle de l’Étang, 1764 : 280-281).

S’agissant d’une période sans semis ni récolte, le mot ne dit rien, ni des mécanismes en jeu, ni de l’état du terrain. En effet, il regroupe et conduit donc à confondre la friche et la jachère, comme dans le Dictionarium latinogallicum de Robert Estienne (1552) « Veruactum, Pline, Columelle. Jachere, Terre, qu'on laisse reposer en friche ». Devenue une idée reçue, une étymologie erronée de jachère, qu’on trouve par exemple dans le Thresor de la langue françoyse... de Nicot (1606) (« JACHERE, f. Est la terre labourable que le laboureur laisse reposer un an sans y semer, pour l'année ensuyvant y semer du bled. (...) Le mot vient du Latin Iaceo, qui signifie estre couché »), aura longtemps une grande influence.

Or, si on laissait s’enherber la friche pour la faire pâturer, la jachère, elle, était fréquemment travaillée, « labourée et relabourée », pour éliminer les mauvaises herbes. Ainsi Liébault (1583) écrit : « laisser un an ou deux en repos le champ, sans oublier toutesfois de labourer tant Hyver qu’Esté » ; Olivier de Serres « labourerons celles de nos terres que désirons laisser reposer une année, pour après icelle la faire travailler (...) les laissans durant ce temps là, en repos, en les cultivans toutes-fois » ([1605] 1991 : 90). Plus tard (1765), l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert, article Jachère : « L'année de repos est pour la plupart une condition essentielle à la récolte du blé. Pendant cette année la culture a deux objets : d'ameublir la terre, et de détruire l'herbe. Ces deux objets sont remplis par les labours… » ; Duhamel du Monceau « alors commence l’année de repos ou de jachere, pendant laquelle on prépare la terre pour recevoir le froment l’année suivante. (...) les labours qu’on fait pendant l’année de repos » (1765 : 153-4) ; pour de Gasparin, la jachère est « une année de repos pendant laquelle la terre est soumise à des labours » (1851 : 197), etc... En résumé, « La coutume générale est de laisser reposer la terre tous les trois ans, c'est-à-dire, de la cultiver sans y rien semer. La terre se repose donc, mais le cultivateur ne se repose pas ; s'il ne confie rien à la terre, il la dispose à rapporter du grain l'année suivante » (Chrestien de Lihus, 1804 : 81). Ne pas comprendre que, pendant la jachère, la terre « se reposait » en étant intensément travaillée, est source d’innombrables contradictions, contresens et problèmes de compréhension des textes anciens - par exemple rajouter une 4è année fictive dans les assolements triennaux, en dédoublant l’année de jachère en une de « repos » sans travail du sol puis une de labours... Un problème similaire ne serait-il pas la cause de la gêne qu’avouent les traducteurs modernes des textes bibliques instituant l’année sabbatique pour la terre, la même expression (Exode, chap. 23) étant traduite par « laisser en jachère » ou par « faucher » ?

La terre perd ses « forces » en « travaillant » puisque, après un certain nombre de récoltes successives, elle est « épuisée », « lasse » et sa fécondité, mesurée par le rendement qu’on en tire, diminue. Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, ce vocabulaire a été vivement critiqué pour son zoomorphisme : « ... toute idée de fatigue, de lassitude, d’épuisement de forces, de vieillesse et de repos, et toute autre équivalente, appliquées à la terre, sont entièrement vides de sens, aussi dénuées de fondement que si on les appliquoit à une masse inerte de pierres, de sables, et d'autres matières analogues, qui forment le noyau ou la base ordinaire de toute terre cultivable. (…) En partant de la supposition gratuite que la terre épuisoit, par ses productions, les forces qu'on lui attribuoit, dans l'acception rigoureuse de cette expression, il étoit naturel de supposer qu'elle avoit besoin de repos comme un animal fatigué par le poids d'un fardeau, ou par un effort quelconque, a réellement besoin d'inaction pour réparer l’abattement qu'il éprouve, afin de pouvoir se rétablir dans son état primitif » (Yvart, 1809 et 1822 ; texte repris par Vivien, 1837 : 91). Ces critiques ne sont alors fondées, ni sur des expérimentations longues, ni sur des avancées dans les connaissances ou les méthodes scientifiques : adepte de la théorie de l'humus, qui ne distingue pas les différents éléments nutritifs, Yvart « ignore » les principes méthodologiques de Lavoisier et affirme l’existence de « cultures restituantes » suffisantes à elles toutes seules pour maintenir la fertilité perpétuelle de la terre. Purement idéologiques, elles visent en fait à supprimer les usages collectifs (vaine-pâture et droit de parcours) permis par le repos des terres (Morlon et Sigaut, 2008).

Oubliant Virgile qui évoque des « principes corrompus », et à quelques exceptions près – Heuzé, qui écrit en 1862 : « les exploitations où (...) la terre, fatiguée par des récoltes salissantes, est très-enherbée », et Hecquet d’Orval qui en 1870 publie « De la destruction des vers blancs par la jachère » – on n’a pendant longtemps interprété la fatigue de la terre qu’en termes d’épuisement du stock des principes nutritifs du sol, appelés graisse, sels, sucs ou humus.

Pour nombre d’auteurs, les choses sont simples : il suffit de restituer à la terre, « réceptacle inerte », les principes que les récoltes en ont extrait. A la fin du XVIIIe siècle, alors que le problème du manque d’engrais commençait à être perçu de façon lancinante (Boulaine, 1992 ; Morlon, 1998), cette affirmation ne pouvait que rester toute théorique, voire sonner comme la condamnation de tous les pauvres qui ne pouvaient s’en procurer ! (Soulignons que ce n’est pas la même chose d’affirmer, comme Bernard Palissy (1563), qu’il est nécessaire de restituer à la terre ce que les récoltes lui ont ôté, et que cela serait suffisant pour ne pas voir baisser les rendements des récoltes successives – voir nutrition). Boussingault en 1844 n’hésite pas à affirmer : « Là où l'on peut se procurer en quantité illimitée les engrais et la main-d'œuvre, il n'y a pas nécessité absolue de suivre un système régulier de rotation. Quand on se trouve-placé dans des conditions aussi favorables, on se borne à examiner quelle est, sous le rapport commercial, la culture la plus avantageuse que peuvent permettre le climat et la nature du sol. On a même peu à redouter que, par une culture continue, les champs viennent à s'infecter de plantes nuisibles, parce que, avec du travail, on peut remédier à ce grave inconvénient. On n'a pas à craindre davantage l'appauvrissement du sol, puisqu'on peut avoir recours à des achats d'engrais. Tout l'art de l'agriculteur se réduit alors à comparer la valeur probable de la récolte à la dépense en fumier, main-d'œuvre, etc. » (p. 260) !

On savait devoir respecter un délai minimum (délai de retour) entre deux récoltes de la même espèce : « L'agriculteur progressif doit se pénétrer de cet axiome reçu en théorie et en pratique, que les récoltes sont d'autant plus productives qu'elles reviennent moins souvent sur le même terrain. Ce principe doit être la base de ses travaux. Il est prouvé que notre récolte principale, celle du froment, serait bien plus avantageuse, si, au lieu d'être ramenée tous les deux ou trois ans, elle faisait partie d'une rotation plus longue. (...) en résumé, (...) l'agriculteur doit (...) éloigner le retour des mêmes récoltes sur le même terrain » (Piperey, 1838). Et cela, que les terres entre temps se reposent ou portent d’autres récoltes : « elles demandent repos & variete de semence, comme de légume apres le seigle » (Estienne & Liebault, 1570 : 6) Mais comment l’expliquer ? On disait que les différentes espèces cultivées ne se nourrissaient pas des mêmes principes, ou pas dans le même volume de sol (voir Delaporte, 1979). La Quintinie (1695) avait expliqué par « la plus grande ou la moins grande quantité de sel qu'il faut à chaque plante en particulier, car elles n'en consomment pas toutes également » le fait que ce délai de retour soit différent selon les espèces cultivées, de même Leclerc-Thouin (1836 : 257) : « On s'aperçut que toutes les récoltes n'étaient pas également épuisantes ; que toutes ne se succédaient pas avec un même succès; que telles pouvaient revenir plus fréquemment que telles autres sur le même terrain, etc. ». Vers 1910, un manuel scolaire (Dutilleul & Ramé) écrit encore « L'assolement repose la terre. (...) Pour ne pas fatiguer la terre, le cultivateur fait un assolement, c'est-à-dire qu'il divise son terrain en plusieurs parcelles ou soles, sur chacune desquelles il cultive successivement des plantes qui se nourrissent d'éléments différents et à une inégale profondeur » (p. 178).

Mais l’expérience montre qu’il ne suffit pas d’apporter de l’engrais, en quelque quantité qu’on en ait : « on croirait peut-être pouvoir jouir du même avantage, en semant du blé dans les mars ; point du tout : le blé vient toujours très-mal après du blé, quelque amendement et quelque culture qu'on lui donne ; ce qui prouve évidemment, ou que le blé de Mars est bien constamment un autre blé que celui d'hiver, ou que le repos est nécessaire à la terre (...) » (Chrestien de Lihus, 1804 : 300). Même Yvart, adversaire acharné de la jachère, doit concéder : « il ne faut pas croire qu'en la supprimant on puisse exiger constamment de toutes les terres des productions abondantes, et encore moins des récoltes complètes très épuisantes […] même avec des engrais » (1809 : 349). Alors que, par ailleurs, un changement d’espèce cultivée résolvait en partie le problème et reposait la terre.

L’ouverture vers d’autres causes de la fatigue des sols s’est faite par étapes.

D’abord, les chimistes du début du XIXe siècle ont établi que tous les végétaux sont constitués des mêmes éléments, en proportions similaires. Ayant montré que les plantes n’absorbent que des composés minéraux simples, solubles, ils ont ouvert la voie à l’industrie des engrais chimiques. Mais, comme on l’a dit, cela ne résolvait, en théorie comme en pratique, qu’une partie du problème car l’apport d’engrais, en quelque quantité que ce soit, ne supprime pas la nécessité de respecter un « délai de retour » pour certaines espèces.

Puis des microbiologistes, à la suite de Pasteur, ont montré l’existence d’une infinité de micro-organismes vivant dans le sol ou transmis par le sol, dont certains sont bénéfiques en nitrifiant l’ammoniaque (Schloesing & Müntz, 1877) ou en fixant l'azote atmosphérique (Hellriegel & Wilfarth, 1888), mais dont d’autres transmettent aux cultures des maladies qui en réduisent la production. L’accumulation de ces pathogènes dans le sol est une composante essentielle de ce que des agronomes modernes n’hésitent pas à appeler fatigue des sols.

Deux attitudes opposent en effet les agronomes face aux notions de fatigue et de repos de la terre. Les uns les rejettent catégoriquement comme non scientifiques (la terre n’est pas un être vivant, elle ne se repose pas) « Le repos du sol n’est qu’une vue de l’esprit, sans bases expérimentales » « le terme fatigue a continué à masquer notre ignorance » (Demolon, 1946 : 186 & 190 ; 1948 : 394). La deuxième est d’accepter le défi posé par l’existence de cette notion de repos inventée, de façon totalement indépendante, par des peuples différents aux quatre coins du globe, et d’appeler fatigue des sols (Inra-SFP, 1983 ; Pierre, 1985 ; Messiaen, 1986 ; Cure et al., 1987) un ensemble de phénomènes - non seulement phytotoxicités d’origines diverses et accumulation dans le sol de pathogènes ou de graines de mauvaises herbes, mais aussi déséquilibres entre populations microbiennes... - en interactions complexes (Michelot, 2004), et sur lesquels ce qu’on connaît est encore bien peu par rapport à ce qui reste à découvrir. En « grande culture » en France, le non-respect des « délais de retour » établis par l’expérience, pour des cultures comme la betterave à sucre ou les pois, est toujours sanctionnée par des baisses de rendement telles qu’elles peuvent contraindre à l’abandon de la culture. Et la présence de certains nématodes dans le sol d’une parcelle interdit d’y cultiver de la pomme de terre.

Références citées

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Pour en savoir plus


Autres langues

Repos : vu l’influence qu’ont eu les textes antiques, il n’est pas étonnant que de nombreuses langues européennes possèdent cette notion, avec le vocabulaire zoomorphique correspondant :

  • Anglais : rest, resting of the ground
  • Espagnol : descanso
  • Allemand : Ruhe (champ en repos ruhender Acker)

Mais on les trouve aussi dans des langues très éloignées et longtemps sans aucune relation avec l’Europe, telles le quechua et l’aymara (Bolivie, Pérou, Équateur) où le vocabulaire (racine sama-) est exactement le même si un paysan dit qu'il se repose ou que la terre se repose.

Fatigue des sols :