Une histoire de l'évapotranspiration - Annexe 2

De Les Mots de l'agronomie
Date de mise en ligne
1er mars 2017
Retour à l'article
Cette annexe se rapporte à l'article Une histoire de l'évapotranspiration.

Le dispositif de Guettard (1748) pour mesurer la transpiration d’un organe végétal.

En admettant le procédé de M. Hales, il fallait songer à éviter quelques inconvénients qui l’accompagnent, dans lesquels il importait peu à M. Hales de tomber pour les vues qu’il avait alors, & que les miennes demandaient que je prévinsse. M. Hales se contentait d’introduire dans une cornue de verre une branche de plante ou d’arbre : il bouchait bien le col de la cornue, la liqueur se ramassait dans le fond : il arrivait par là que la branche trempât souvent dans la liqueur qui avait transpiré, cette liqueur se colorait ; les feuilles devaient pomper ainsi une partie de cette eau, où elles trempaient. L’action du soleil se faisant toujours sentir sur ce qui se condensait dans le fond de la cornue, devait en tenir une partie en une vapeur qui devait réagir sur les feuilles, & peut-être en empêcher en partie la transpiration. Il fallait donc éviter, autant qu’il serait possible, ces inconvénients : on n’y tomba point au moyen de ballons de verre qui avaient un bec auquel on adaptait un récipient ou bouteille, dans laquelle la liqueur pouvait, en circulant, se condenser ; & pour faciliter encore cette circulation, l’on couvrait de terre le récipient jusqu’au col : l’action du soleil ne pouvait pas ainsi tenir longtemps en vapeur la matière qui transpirait. C’est donc avec l’appareil que je vais décrire, que toutes les expériences que j’ai à rapporter ont été faites, & il sera inutile de le répéter dans la suite.

Les ballons que l’on a employés sont d’environ un pied de diamètre : ils sont percés dans leurs parties supérieure & inférieure, d’un tuyau conique de quelques lignes d’ouverture ; un des côtés a un col cylindrique, large d’environ un pouce (il serait à souhaiter qu’il le fût beaucoup plus). Ces ballons sont connus par les Chimistes sous le nom de récipients de Glauber. On introduisit par le col la branche de la plante ou de l’arbre que l’on mettait en expérience : on lutait exactement avec du papier l’ouverture du col, à moins que quelques circonstances ne demandassent qu’on ne le fît pas. Le bec ou tuyau supérieur était fermé d’un bouchon de liège, & par-dessus d’un papier exactement collé : le bec inférieur entrait dans la bouteille qui servait de récipient ; le goulot de cette bouteille était luté avec soin, & elle était enfouie en terre jusqu’à cette partie. Le corps du ballon était soutenu par les côtés de deux bâtons enfoncés en terre, & retenus encore par une ficelle qui était entrelacée plusieurs fois autour des bâtons, en embrassant le bec supérieur des ballons ; ainsi on prévenait les effets du vent. Un coup d’œil sur la planche fera encore mieux comprendre tout ceci.

Les plantes sur lesquelles on a fait les expériences étaient en pleine terre, sujettes ainsi aux vicissitudes de l’air, & elles étaient arrosées lorsqu’elles paraissaient en avoir besoin : il aurait peut-être été mieux de les tenir dans des pots couverts chacun d’une plaque de plomb, & de peser la quantité d’eau dont on les arrosait, comme M. Hales a fait ; mais on a pensé qu’en n’apportant pas ces précautions, la transpiration de ces plantes approcherait plus de son état ordinaire ; & que comme ces plantes devaient rester plusieurs jours en expérience, on ne serait pas obligé d’avoir égard aux petites différences qui pourraient arriver chaque jour dans la transpiration.

Les thermomètres dont on s’est servi étaient de mercure, l’un était exposé au sud, & deux autres à l’est, élevés l’un au dessus de l’autre de quatre ou cinq pieds ; on les observait ordinairement le matin & le soir à six heures, & quelquefois depuis midi jusqu’à deux ou trois heures du soir. On a pris l’état moyen de ces différents degrés, afin d’avoir à peu près la chaleur moyenne qui s’est fait sentir dans le jardin pendant le temps des expériences. J’ai donné à la fin de ce mémoire, une Table où ces degrés sont marqués ; & de plus, ceux du baromètre & l’état du thermomètre : il sera aisé de la consulter lorsqu’on voudra savoir la chaleur qu’il a fait pendant le temps que telle ou telle expérience a duré, ainsi je ne le rapporterai point à chacune en particulier, non plus que les soustractions que j’ai faites de la liqueur qui a transpiré de chaque plante, du poids de ces branches, & des réductions que j’ai aussi faites pour chaque jour du total de cette liqueur, on les trouvera toutes dans une autre Table ; j’en ai agi ainsi pour être plus court, & pour ne pas tomber dans des redites. Je passe aux expériences mêmes.


EXPLICATION DE LA FIGURE.
  • A, Globe à trois cols ou becs, appelé communément récipient de Glauber, dans lequel on a fait entrer une branche d'arbre plantée en terre.
  • B, carafe enfouie en terre ordinairement jusqu'à son col, & qui ne l’est dans la figure que jusqu'à la moitié de sa hauteur, pour la faire plus aisément distinguer. Elle sert de récipient ; la liqueur qui transpire de la branche renfermée dans le globe, s'y ramasse, lorsqu'après avoir circulé sous la forme d'une vapeur imperceptible, elle vient à rencontrer l'orifice inférieur du globe, par lequel elle tombe dans la carafe.
MotsAgro Une histoire de l'évapotranspiration 2.jpg
  • C, arbre dont une branche est renfermée dans le globe A : cet arbre est l’agnus castus ordinaire.
  • D, baguettes de bois dont le bout inférieur est piqué en terre, & le supérieur est noué d'une ficelle E qui les embrasse, & qui est tortillée autour du bec supérieur du globe.
  • E, cette ficelle.
  • F, couches de plusieurs morceaux de papier, de parchemin ou de vessie de cochon, collées les unes aux autres au moyen d'un lut de farine cuite, & couvertes en dehors d'un vernis gras pour les garantir de l'action de la pluie.


Référence

  • Guettard J.E., 1748 & 1749. Mémoire sur la transpiration insensible des plantes. Mém. Acad. Royale des Sciences, 1748 : 569-592. Second Mémoire sur la transpiration insensible des plantes. Mém. Acad. Royale des Sciences, 1749 : 265-317. texte intégral sur le site Hatitrust.
Bandeau bas MotsAgro.jpg