Écobuage

De Les Mots de l'agronomie

Auteurs : François Sigaut et Pierre Morlon

Le point de vue de...
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Anglais : paring and burning
Allemand : abplaggen
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Article accepté le 30 novembre 2010
Article mis en ligne le 6 avril 2011


Définition et description

Comme de nombreux termes passés des dialectes ruraux au français littéraire, l’écobuage a souvent été l’objet de définitions fautives. Celle-ci a le double avantage d’être à la fois récente et correcte :

« ÉCOBUAGE (1797, de écobuer). Action de fertiliser (des terres) en les écobuant (à distinguer de brûlis). ÉCOBUER (1539 égobuer, dans les Coutumes de Bretagne ; de é- et du terme dial. de l’Ouest gobuis « terre pelée où on met le feu » (1519 à 1719), lui-même dér. de gobe « motte de terre » (Aunis, Saintonge) (...). Peler (la terre) en arrachant les mottes, avec les herbes et les racines, que l’on brûle ensuite pour fertiliser le sol avec les cendres. » (Rey, dir, 2005, t. 2 : 272).

Cette pratique ayant, en France, disparu depuis longtemps (on la trouve ailleurs, voir Portères, 1972 ; Jobbé-Duval et al., 2007), c’est dans la littérature des siècles passés qu’on en trouve les descriptions les plus fidèles. Celle de Heuzé (1889, I : 228-230) est à la fois l’une des plus claires et des plus complètes :

« ÉCOBUAGE. — L'écobuage est une opération qui consiste à écroûter ou peler le sol pour incinérer ensuite les gazons lorsqu'ils sont presque secs. (…)

« C'est pendant le printemps, alors que la lande est encore humide, et après avoir coupé ou fauché la végétation ligneuse qui existait à la surface du sol, qu'on opère l'enlèvement des gazons. Cette opération est faite par des ouvriers ayant une écobue (fig. 93), une mare ou une étrèpe. Les gazons ont, en moyenne, 25 centimètres de largeur sur 30 à 40 de longueur. Leur épaisseur varie entre 4 et 6 centimètres.

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« Dès que les gazons ont été détachés, on les dresse de champ sur le sol écobué, pour les faire sécher sous l'action de l'air et du soleil. Cette dessiccation a lieu pendant la belle saison et elle dure trois semaines à un mois, suivant l'état de l'atmosphère.

« C'est généralement en juillet et août qu'on procède à l'incinération des gazons. Pour cela, avec ces derniers, on construit des fourneaux circulaires (fig. 94) ayant 1 mètre à l,20m de diamètre sur 1,20m à 1,30m de hauteur. On remplit le foyer intérieur de broussailles combustibles. Pendant la construction des fourneaux, on a le soin de ménager plusieurs ouvertures à la base et une cheminée à la partie supérieure. Quand plusieurs fourneaux ont été ainsi disposés, on y met le feu. On doit surveiller sans cesse la combustion et boucher avec des gazons les ouvertures situées dans la direction du vent, si elles rendent l'incinération trop active. Il faut aussi ne pas négliger de boucher les gerçures ou crevasses qui se manifestent souvent ça et là sur les parois des fourneaux.

« En d'autres termes, l'écobueur doit agir de manière que la combustion de chaque foyer ait lieu à petit feu et dure plusieurs jours. Quand la combustion est bien conduite et qu'elle a lieu à l'étouffée, il ne sort que de la fumée par les cheminées, et cette opération produit une masse importante de cendres. Elle est regardée, au contraire comme mauvaise ou mal conduite si la flamme s'échappe par l'ouverture supérieure.

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« Lorsque les gazons formant un fourneau ont été incinérés (fig. 95), on réunit les cendres en tas conique pour que le vent ne les disperse pas. Après leur refroidissement complet, on procède à leur épandage au moyen de la pelle ordinaire ; sur la partie écobuée, on opère un labour qu'on fait suivre aussitôt par un hersage, puis en septembre on y sème du seigle d'automne. »


On écobuait au début de la saison chaude, pour que les gazons puissent sécher sans reprendre racine. Plus précisément, le moment dépendait du calendrier de culture : il fallait que les ouvriers soient disponibles pour ce travail très lourd, et que l’opération soit terminée un peu avant le semis de la culture qu’on veut mettre en place - « Ce n'est point, heureusement, la saison des grandes occupations de la campagne ; ainsi on ne dérange personne » (Turbilly, 1760 : 48).


La même technique, sous d’autres noms...

C’est le Mémoire sur les défrichements de Turbilly (1760) qui fit entrer le terme écobuage dans le langage courant. Olivier de Serres ne le mentionne pas. Suivant de près la traduction de Gallo ([1568] 1572 : 39ss), il décrit « le cuire ou brûler de la motte ou gazon » (les soulignés sont de nous) : « Le vrai temps donc de mettre la main à ce brûlement, commencera à l'issue du mois de Mai (...). A bras de puissants hommes ferez décroûter le dessus de votre pré, duquel ils enlèveront des gazons, autant grands & larges qu'il sera possible (...). Les outils desquels l'on se sert à cette decroûtation sont bêches ou pioches de quatre doigts de large par le tranchant, qui sera acéré & entrant comme haches. » (1605 : 75-80).

... et avec des variantes

Surtout dans l’outillage. L’écobuage proprement dit (le lever des gazons) semble avoir toujours été un travail manuel. En France, on utilisait surtout des houes ou des pioches de formes diverses et qui portaient des noms différents suivant les régions. En Grande-Bretagne, on utilisait des bêches que l’ouvrier poussait au niveau des hanches, et qui travaillaient horizontalement à la manière d’un soc de charrue (d’où leur nom, breast-ploughs). C’est dans ce pays aussi que furent inventés au XIXe siècle plusieurs modèles de charrues proprement dites (attelées) à écobuer, qui, semble-t-il, n’eurent jamais en France qu’un succès d’estime (fig. 70).

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L’écobuage (La Maison Rustique du XIXe siècle, 1844, p. 117) Au premier plan, des ouvriers utilisent la machine de Rey de Planazu, en deux parties travaillant à angle droit ; au fond, d’autres utilisent des lève-gazons.

Les effets de l’écobuage.

Le feu était le moyen le plus sûr, radical, efficace de détruire non seulement les mauvaises herbes levées, mais aussi leurs graines dans le sol. Mais pas n’importe lequel : un feu de chaumes, par exemple, ne chauffe que les premiers millimètres de sol. Pour brûler en profondeur, il faut une véritable façon culturale, l’écobuage, qui comporte 5 étapes (Sigaut, 1975) :

  • le découpage de GAZONS (l’écobuage au sens restreint),
  • leur séchage,
  • la construction de fourneaux,
  • le brûlage à feu lent et couvert « l’action du feu des fourneaux étant si forte, qu'elle chauffe la terre qui est dessous à plusieurs pouces d'épaisseur » (Turbilly, 1760 : 57),
  • l’épandage des cendres sur tout le champ (sauf à l’emplacement des fourneaux, où la « torréfaction du sol lui donne de la fertilité, indépendamment de l’addition de la cendre », Young, 1800 : 179).

Outre un travail considérable, l’écobuage exigeait une quantité suffisante de biomasse combustible, « Il se rencontre cependant des terres qui poussent si peu d’herbes (...), qu’il n’est pas possible d’y lever des gazons, assez garnis de plantes pour brûler ensuite » (Turbilly, 1760 : 68-69 ; 132-133).

En échange, il éliminait durablement mauvaises herbes et parasites. « La terre ainsi renouvelée par le feu, d'elle-même ne produira aucune chose de plusieurs années (n'ayant point de semence dans ses entrailles) ; mais bien gaiement tout ce que lui commettrez, dont vos bleds en sortiront entièrement nets, la semence en étant belle » (O. de Serres, 1604 : 75) ; « Ce procédé bonifie le fond pour plus de vingt ans : il se passe un temps très-considérable, sans qu'il y croisse pour ainsi dire, aucune herbe dans les bleds. (…) L'opération du feu par laquelle ce dernier passe, y détruit absolument les semences des herbes & productions sauvages, ainsi que tous les vermisseaux & insectes (Turbilly, 1760 : 120 ; 134-135). « Par l'écobuage on fait disparaître en grande partie l'acidité du terrain et on détruit une foule d'insectes, de mauvaises graines et de plantes nuisibles » (Heuzé, 1891, t. 1 : 234).

L’écobuage produit aussi des effets, qu’on ne comprit qu’au XIXe siècle, en minéralisant la matière organique du sol. Dehérain, qui place l’écobuage dans les amendement, y voit surtout un moyen d’améliorer les propriétés physiques des terrains très argileux, reprenant et validant des idées exposées depuis un siècle : « L’écobuage a surtout pour but de modifier la constitution physique du sol (...). Si le feu n’exerce pas grande action sur le sable, il n’en est plus de même pour l’argile. Quand celle-ci est calcinée, elle change complètement de nature : au lieu d’être plastique, tenace, de conserver l’eau, d’être froide, elle acquiert toutes les propriétés du sable ; elle est cassante, se pulvérise aisément, l’eau la traverse sans difficulté, et l’on conçoit sans peine qu’une terre très argileuse pourra être modifiée heureusement par l’écobuage, puisque celui-ci aura pour effet de tempérer, par l’adjonction d’une matière analogue au sable, les propriétés trop dominantes de l’argile » (1892 : 555-556). Il ajoute qu’en cuisant les argiles, l’écobuage réduit leur capacité d’absorber les engrais au détriment des plantes : « l’on conçoit que, si l’on prive une partie de l’argile de ces propriétés absorbantes par la calcination, si on l’amène par l’écobuage à partager les propriétés du sable, on puisse faire prédominer l’action dissolvante de l’eau, et suppléer dans une certaine mesure à l’abondance des engrais en facilitant la dissolution de leurs principes solubles ». Lu aujourd’hui, ce traitement brutal, détruisant la biomasse microbienne, peut surprendre voire choquer ; mais, à l’époque, toutes les terres agricoles étaient « approvisionnées » en microbes par les apports de fumier... que certains imaginaient de traiter à l'acide sulfurique pour tuer les bactéries dénitrifiantes (Morlon, 1998) !

Leclerc-Thoüin (1844 : 116-123) décrit avec l’écobuage des pratiques différentes comme la calcination de l’argile prise ailleurs et apportée comme fertilisant sur le champ, ce qui donne une bonne idée de la diversité des techniques agricoles utilisant le feu, mais rend floue la définition de l’écobuage. La calcination de l’argile a toutefois l’intérêt de mettre l’accent sur un effet possible de l’emploi du feu : la libération d’éléments fertilisants contenus sous forme insoluble dans certaines argiles (Sigaut, 1975 : 41-44 et 106-110).

Écobuage, défrichements et rotations

Les auteurs anciens s’accordent à dire que l’écobuage sert à défricher - mais attention : ils ne donnent pas le même sens à ce terme.

Pour Turbilly (1760), l’écobuage doit servir à défricher, une fois pour toutes, des terrains incultes, abandonnés depuis longtemps et envahis d’une végétation ligneuse qui rend impossible le travail du sol (labour). Mais il envisage aussi, en théorie, la possibilité de renouveler l’opération : « Quand par succession de temps ces défrichements produiront autant d'herbes que les autres terres labourables, ils seront alors au même niveau de défectuosité qu'elles, mais ce terme sera très-éloigné, & je ne puis le fixer, n'en ayant point encore vu d'exemple. On aura toujours un remède certain & tout prêt pour les rétablir dans leur premier état de perfection, ce sera de les laisser reposer deux ou trois ans, afin de les mettre en gazon au degré nécessaire pour les écobuer de nouveau. » (1760 : 121-122).

Heuzé (1891 : 235) conseille l’écobuage pour le défrichement des landes, mais condamne son usage pour les prairies : « C'est commettre une très grande faute que de substituer l'écobuage à l'action de la charrue dans le défrichement des prairies. Cette opération n'est réellement utile que lorsque la couche arable est profonde et tourbeuse ».

Olivier de Serres met sur le même plan labour et brûlement, sous le titre « Défricher les vieilles prairies » : « Entre les diverses façons de défricher les prairies, deux principales sont en usage (...) Le plus commun défrichement se fait au soc, tiré par bêtes de labourage : puis vient celui du brûler de la motte ou gazon, par le feu qu'on y met, après l'avoir enlevée & à ce préparée. » (1604 : 73).

Pour lui, comme pour Gallo ([1568] 1572), il s’agit de rénover de vieilles prairies devenues peu productives ; la cendre fertilise le terrain, où on peut alors produire ce qu’on veut : prairie, grains, jardinage, fruits ou vigne... Après quelques années de ce régime, sans attendre qu’il soit totalement épuisé, on le remet le terrain en prairie, qu’on brûlera à nouveau le moment venu. Il s’agit donc d’une opération à renouveler régulièrement, dans ce qu’on pourrait appeler des rotations de longue durée.

C’est encore dans le chapitre « Du défrichement des terres » que Duhamel du Monceau (1762) traite de l’égobuage : « Des Terres en friche. Manière de les égobuer. (...) A l’égard des terres qu’on ne laboure que tous les huit & dix ans, on a coutume de les brûler, afin que le feu divise leurs parties, & que la cendre des feuilles & des racines leur donne quelque fertilité ».

En Angleterre, Arthur Young (1800) décrit aussi des rotations longues où chaque passage des prairies aux cultures, tous les huit ou dix ans, se fait par écobuage, qui, insiste-t-il, détruit les insectes et vers nuisibles, ce que ne fait pas l’apport de fumier.

L’écobuage est-il « durable » ?

De tous temps, la question a été débattue.

Olivier de Serres réfute les craintes à ce sujet : « L'ignorance d'aucuns a fait rejeter telle façon de défricher (...) & pour le doute que tel terroir ainsi manié, ne puisse demeurer longuement en bon état, cuidant sa vertu se consumer par le feu, toute à la fois. (...) Quant à la crainte de courte durée, ceux qui ne l'ont expérimenté, seulement ont cette opinion doutant en vain d'une chose toute assuree : car tout labourage ainsi préparé, demeure assez fort & vigoureux, pour servir autant longuement qu'on le saurait désirer : pourvu que suivant l'oracle antique, NE TIRE TOUTE LA GRAISSE DU CHAMP » (1605 : 80).

Pour Turbilly, la longue durée des expériences européennes d’où il tire son ouvrage ne laisse aucun doute : « Je n’avancerai rien, que je n’aie éprouvé par moi-même depuis vingt-deux ans avec tout le soin & l’attention possible (...). Le succès a répondu à mon attente (...). Cette longue expérience a été soutenue par ce que j’ai vu pratiquer dans une grande partie de l'Europe (...) chez des Seigneurs, & dans de grosses Abbayes, qui faisaient valoir depuis long-temps de grands domaines. » (1760 : viii-xi). Mais attention, il recommande de fumer (engraisser) tous les 2 ans les terrains ainsi défrichés, et de les faire reposer au plus tard la sixième année, avant de les « mettre en sole avec les autres terres labourables, pour être ensemencées successivement tant en gros bleds qu'en menus grains, selon l’usage du Pays » (120). La durabilité sur laquelle il insiste concerne non les éléments nutritifs, mais l’absence de mauvaises herbes. C’est ainsi qu’il faut lire sa conclusion, « Il résulte évidemment de tout cela, que la méthode d’écobuer et de brûler les terres, est sans contredit le meilleur et le plus sûr moyen, soit pour les défricher, soit pour les rétablir. C’est faire un acquêt le plus avantageux dans son fond même, on le double au moins par cette façon, souvent on le triple, et quelquefois même on le quadruple. S’enrichir sans que ce soit aux dépens de personne, enrichir en même temps l’État, cela s’appelle véritablement agir en citoyen et en bon père de famille ».

Comme Turbilly, Arthur Young ([1800] 1809 : 172) appuie son optimisme sur la durée de son expérience : « Je ne parle d’écobuage qu’après trente années d’expérience, et après avoir mis en valeur plus d’un millier d’acres » (165), « Quand sera-t-on universellement convaincu sur cette question de l’écobuage ? Le doute devient une chose absurde ». Comparé à la jachère, l’écobuage lui a toujours donné de meilleurs résultats. Les exemples qu’il prend dans toute l’Angleterre concernent presque tous des marais ou terrains tourbeux ; que l’écobuage trop souvent répété y fasse baisser le niveau du sol ne le préoccupe pas.

Mais, dès 1750, Duhamel du Monceau était plus prudent : « M. Tull désapprouve cet usage ; il est néanmoins d’expérience que par cette pratique on communique aux terres une fertilité qui dure plusieurs années ; & il faut bien que les Fermiers en soient convaincus, puisqu’ils s’engagent à une dépense considérable (...) » (1750 : xv-xvi).

Ce qu’il ne dit pas, c’est que la misère peut conduire à sacrifier le long terme au court terme... Contrairement à ce que croyait Turbilly, l’écobuage n’était pas un moyen de compenser l’épuisement des terres : là où il avait été trop souvent pratiqué, il en était au contraire un des facteurs ! C’est ce qu’observera Mathieu de Dombasle ([ca. 1840] 1862 : 14) :

« L’écobuage est encore un moyen fréquemment employé pour l’exécution des défrichements dans les terres de landes ou de bruyères : son action est certainement analogue à celle des amendements calcaires, avec cette différence que non seulement l’écobuage n’apporte pas de nouvelles matières organiques dans le sol, mais qu’il détruit même une partie de celles qui y existaient. Cette pratique ne peut donc convenir qu’aux terrains qui possédaient de l’humus en grande abondance ; mais là il peut être utile, pourvu qu’on n’abuse pas de la fertilité passagère qu’il communique ordinairement aux terrains. »

Turbilly lui-même notait que, même à court terme, il peut être nécessaire de compléter l’écobuage par un apport de fumier : « Mais où prendre, m’objectera-t-on, ce fumier ? On n’en a déjà pas assez le plus souvent pour engraisser les terres anciennement en valeur, et il ne faut pas améliorer ce défrichements à leurs dépens » (1760 : 104). Il recommande alors de faire des « fumiers artificiels », de différentes façons qui consistent toutes à prélever de la fertilité sur les terrains incultes pour la transférer sur les terrains cultivés : il y a donc appauvrissement d’une partie du territoire pour maintenir la fertilité dans une autre. Mathieu de Dombasle ([ca. 1840] 1862 : 11) recommande les mêmes transferts. Mais, fait essentiel, il ajoute les prairies artificielles, c’est-à-dire la possibilité de ne pas épuiser (nous savons maintenant que cela ne concerne que l’azote) les terrains de départ.

Ces débats n’empêcheront pas un manuel scolaire d’affirmer, 50 ans plus tard, que « L'écobuage vaut un engrais » (Dutilleul & Ramé, ca. 1911 : 174-175) !

Sur l’usage actuel du mot écobuage

Comme tous les termes techniques, écobuer (ou égobuer) désignait, pour les cultivateurs qui l’employaient, quelque chose de bien précis : on ne peut pas nommer ainsi n’importe quel brûlis de végétation ! Turbilly distingue bien écobuer et brûler, lorsqu’il écrit « écobuer, & brûler ensuite » (1760, p. 145 et 148), et qu’il oppose l’écobuage, qu’il recommande, au simple brûlage de végétation, qu’il réprouve (p. 69). L'écobuage ne consiste pas à « brûler la végétation spontanée sur place », comme le dit le Larousse agricole de 1952 (p. 78). Et, contrairement à ce qu’on lit parfois, ce n’est pas de l’écobuage mais du brûlage des chaumes dont il est question dans les Géorgiques de Virgile...

Pour en savoir plus

Beaulieu F. de, Pouëdras L., 2014. La mémoire des landes, chapitre "Écobuage", p. 106-123. Éditions Skol Vreizh, 176 p.

Références citées

  • Bixio A. (dir), 1844. Maison rustique du XIXe siècle. T. 1, agriculture proprement dite. Paris, librairie agricole, 568 p. Texte intégral sur archive.org.
  • Baconnier R., Glandard J. (dir), 1952. Nouveau Larousse agricole. Larousse, Paris, 1152 + 78 + XVI p.
  • Chancrin E., Dumont R. (dir.), 1921-1922. Larousse agricole. Encyclopédie illustrée. Paris, t. 1, 1921, 852 p ; t. 2, 1922, 832 p.
  • Dehérain P.P., 1892. Traité de chimie agricole. Masson, Paris, 916 p. Texte intégral sur Gallica.
  • De Serres O., 1605. Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs. 3è édition revue et augmentée par l’Auteur. (réimpression : Slatkine, Genève, 1991, 1023 + 22p). Également : Paris, Actes Sud, 1996, 1463 p. (basée sur l’édition de 1804).
  • Duhamel du Monceau, H.L., 1750 - Traité de la culture des terres, suivant les Principes de M. Tull, Anglois. Vol. 1, Paris.
  • Duhamel du Monceau H.L., 1762. Élémens d’agriculture. Paris. (2è édition corrigée & augmentée : Paris, Desaint, 1779).
  • Dutilleul J., Ramé E., vers 1910. Les sciences physiques et naturelles - Enseignement primaire, cours moyen et supérieur. Larousse, Paris, 288 p.
  • Gallo A., 1572. Secrets de la vraye agriculture, et honestes plaisirs qu’on reçoit en la mesnagerie des champs,... traduits en françois de l’italien par François de Belleforest. Chez Nicolas Chesneau, Paris, 427 p.
  • Heuzé G., 1891. La pratique de l’agriculture. Paris, La Maison rustique, 2 t., 351 et 360 p.
  • Jobbé-Duval M., Cochet H., Bourliaud J., 2007. L’écobuage andin. Techniques & Cultures, 48-49 : 149-188. Texte intégral sur revues.org.
  • Larousse Agricole, 1921 et 1922. Voir Chancrin et Dumont.
  • Leclerc-Thouin O., 1844. De l’écobuage. In : Bixio (dir.), Maison rustique du XIXe siècle : 116-123
  • Maison rustique du XIXe siècle, 1844. Voir Bixio (dir).
  • Mathieu de Dombasle C.-J.-A., [vers 1840] 1862. Traité d’Agriculture. Deuxième partie, Pratique agricole. Edition posthume, Paris, Librairie agricole / Bouchard-Huzard, 456 p.
  • Morlon P. 1998. Vieilles lunes ? Les normes pour les bâtiments d’élevage ont 150 ans, le code de bonnes pratiques agricoles en a 100... Courrier de l’Environnement de l’Inra, 33 : 45-60. Texte intégral sur le site de l'Inra.
  • Portères R., 1972. De l’écobuage comme un système mixte de culture et de production. J. d’Agriculture Tropicale et de Botanique Appliquée, 19 (6-7) : 151-207.
  • Rey A. (dir), 2005. Dictionnaire culturel en langue française. Paris, Le Robert, 4 t.
  • Sigaut F., 1975. L’agriculture et le feu. Rôle et place du feu dans les techniques de préparation du champ de l’ancienne agriculture européenne. Mouton & Co, Paris – La Haye, 320 p.
  • Turbilly L.F.H. (de), 1760. Mémoire sur les défrichemens. Paris, chez la veuve d’Houry, 322 p.
  • Virgile, ca. 28 av. J.C. Géorgiques. Traduction de P.A. Nicolas, agriculteur en Tunisie, in Lettres d’Humanité, Les Belles Lettres, Paris, t. VII, 1948, p. 122-126. On trouve d’autres traductions sur Internet, par exemple sur wikisource ou à partir de Wikipedia.
  • Worlidge J., 1669. Dictionarium rusticum or, The Interpretation and Significations of Several Rustick Terms, &c. Pages 265-278 in : Systema Agriculturae, The mystery of husbandry discovered. London, 313 p.
  • Young A. [1800] 1809. Écobuage. Traduction C. Pictet, in : C. Pictet, Cours d’agriculture angloise... Paschoud, Paris & Genève, t. 5 : 165-185.

Autres langues

Anglais : paring and burning ; des termes comme denshiring, burn-baiting, etc. (« to cut off the Turf of Land, and when it is dry to lay it on heaps and burn it », Worlidge 1669) étaient déjà sortis de l’usage courant au début du XIXe siècle.

Allemand : abplaggen s’applique à l’écobuage au sens strict ou lever des gazons.

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